DVD: la zone interdite
La fièvre du DVD: nouveau format, nouvelles inquiétudes
La planète découpée en zones
«Sur le Net, on peut tout avoir»
Technologie de rupture
«Il y avait un vide juridique»
Histoires de pirates chinois
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Coût de revient: moins de 1 franc pièce
Dans le domaine de l'audiovisuel, les pertes engendrées par le piratage ont été évaluées pour 1999 à 2,5 milliards de dollars (18 milliards de francs). La Motion Picture Association of America (MPAA), qui représente à l'échelon international sept des principaux groupes basés aux Etats-Unis, mène une action globale contre le piratage qui n'a cessé de se développer, d'abord avec la musique puis avec l'apparition du DVD, infiniment plus simple à fabriquer et transporter que les cassettes vidéos. A Hong-Kong, cette année, quelque 2 500 personnes ont été arrêtées et 5 entreprises de pressage illégales ont été fermées. L'an dernier, 16,5 millions de copies pirates ont été saisies, pour un montant global de 297 millions de dollars (plus de 2 milliards de francs).
En France, l'Alpa (association de lutte contre la piraterie audiovisuelle), créée en 1985, traque le phénomène. Son délégué général Jean Sainati explique: «On est face à des réseaux de type mafieux qui s'emparent du marché des produits culturels. Presser clandestinement des DVD en quantité industrielle est désormais possible et très peu coûteux: chaque pièce revient à quelques dizaines de centimes! Entre Hong-Kong et la France, il y a entre 500 à 600 DVD pirates qui débarquent plusieurs fois par semaine.»
D.P.
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Pékin de notre correspondant
a concurrence est déloyale, le choix vite fait. Le cinéma de l'avenue Dongsi, au centre de Pékin, qui a mis à l'affiche In the mood for love du Hongkongais Wong Kar-wai, vend ses places 30 yuans (environ 30 francs). Sur le même trottoir, tout près, on pourra acheter la version pirate en VCD - la technologie la plus répandue en Chine - pour 10 yuans, peut-être moins en marchandant... Le même vidéodisque, mais légal, vaut cinq fois plus cher en magasin.
Rien de plus facile, à Pékin ou dans les autres grandes villes chinoises, que de trouver des DVD ou des VCD pirates. Remontez la «rue des bars» du quartier de Sanlitun, et des dizaines de revendeurs vous les proposent sous le manteau, au vu et au su des policiers. Attablez vous à un restaurant dans ce quartier le plus animé de Pékin la nuit, et les films les plus récents, généralement pas encore sortis en Chine, vous seront proposés par une cohorte de vendeurs qui gagnent quelques yuans par film vendu.
Loterie. Le prix est bas, mais la qualité est variable. Dans certains cas, il ne s'agira que d'une vidéo filmée dans une salle de cinéma, avec un son exécrable, et le risque de voir une tête dépasser ou d'entendre les commentaires des spectateurs. Mais d'autres sont d'excellente qualité, repiqués sur un disque impeccable. C'est la loterie: impossible de deviner à partir du boîtier rudimentaire.
Les Chinois se sont massivement équipés en VCD et DVD ces dernières années, l'amélioration de leur niveau de vie étant postérieure au magnétoscope VHS, peu répandu ici. Un boom qui a aussitôt favorisé l'émergence d'une réelle industrie du piratage, bien plus performante que la légale. Selon le ministère chinois de la culture, ce marché noir, qui touche aussi les CD de musique, dépasse quinze fois le commerce légal: sur un chiffre d'affaires global estimé à environ 20 milliards de yuans par an, le commerce légal ne porte que sur 1,4 milliards de yuans... Dans certains cas, le ratio est plus grand encore: Titanic s'est vendu à 300 000 exemplaires légaux, mais à... 20 millions de copies illégales, selon les estimations des professionnels.
Saisies. Officiellement, pour cause d'entrée prochaine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine a proclamé la guerre au piratage, et annonce régulièrement des saisies record de produits contrefaits: plus de 40 millions de copies illégales saisies cette année, et quelque 25 usines ou ateliers clandestins fermés. Au printemps, Jack Valenti, le président de l'Association regroupant les Majors d'Hollywood, s'était même félicité de l'action de la police chinoise, qui avait saisi 200 000 DVD, VCD et CD pirates en une seule opération. Mais tant que devant le cinéma de l'avenue Dongsi ou à Sanlitun on pourra trouver des VCD ou DVD pirates sans se fatiguer, il sera difficile de prendre la déclaration de guerre officielle très au sérieux. Les pirates ont encore de beaux jours devant eux en Chine.
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