La planète découpée en zones Les lecteurs ne lisent pas tous les DVD. Sauf si on bidouille. Par DIDIER PÉRON Le lundi 18 dcembre 2000
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DVD: la zone interdite La fièvre du DVD: nouveau format, nouvelles inquiétudes La planète découpée en zones «Sur le Net, on peut tout avoir» Technologie de rupture «Il y avait un vide juridique» Histoires de pirates chinois

in novembre est paru au Journal officiel le décret 2000-1137, ramenant le délai d'édition vidéo (VHS + DVD) de neuf à six mois. Mais il interdit surtout la vente de tous les DVD zone 1 pendant cette période à partir du 1er janvier 2001. Le décret entend appliquer à la lettre le régime réglementaire communément nommé «chronologie des médias»: sortie en salles, édition du DVD (au bout de six mois), passage sur chaîne à péage (au bout de 9 mois) et sur Canal + (au bout d'un an). Il faut rappeler qu'au moment de lancer sur le marché lecteurs et disques DVD, la planète a été découpée, pour des questions de territorialité des droits, en 6 zones économiques d'exploitation. La zone 1 c'est l'Amérique (Etats-Unis et Canada), la zone 2 associe cavalièrement l'Europe, le Japon, le Moyen-Orient et l'Afrique du Sud. Les majors de Hollywood étant à l'origine du format DVD, (avec l'industrie technologique japonaise), elles ont une longueur d'avance sur l'Europe. Quand il y avait péniblement 100 titres côté européen, il y en avait 1000 en zone 2. Faire sauter la puce. Les aficionados, avides de nouveautés, n'ont pas la patience d'attendre et se procurent les zones 1 via Internet, sur des sites tels que DVDexpress. Très vite, les magasins suivent, Virgin, puis la Fnac, proposent des rayons zones 1 tandis que les vendeurs de lecteurs pratiquent le «dézonage» des appareils en faisant sauter la protection qui limite la lecture à l'une ou l'autre zone (lire page 4). Certains constructeurs proposent même des appareils dézonables à la télécommande! La plus grande confusion règne: par exemple des hypermarchés mettent Le Prince d'Egypte, Matrix ou Il faut sauver le soldat Ryan sur leurs gondoles, sans préciser qu'il s'agit d'imports américains, pas forcément sous-titrés en français. Des centaines de boutiques se créent et se spécialisent dans l'import de DVD zone 1 en direction d'un public majoritairement masculin (entre 25 et 40 ans), qui entend vivre le DVD-tempo au rythme américain. Le top étant évidemment de posséder chez soi le DVD d'un film qui n'est pas encore sorti dans nos salles. Pour ce public de pointe, rompu à l'Internet et au multimédia en général, l'absence de VF ou de sous-titres français n'est pas un problème, au contraire. Ce sont eux qui aujourd'hui fulminent sur un site tel que DVDrama et font part de leur incompréhension face à l'interdiction complète du zone 1. Même son de cloche chez les vendeurs spécialisés tels qu'Album, Millenium ou Espace Plus, qui ont déjà prévu de fermer boutique fin janvier. Traînés en justice. Pour Williams Fioravanti, rédacteur en chef de DVDrama, «le marché de zone 1 reste marginal et se fonde sur la meilleure qualité de pressage des DVD américains. Les éditeurs français semblent être montés au créneau et ont profité du passage à 6 mois pour faire passer l'interdiction». C'est aussi l'opinion d'Emmanuel Jacques, avocat dans diverses affaires relatives à la vente de zone 1 à Nice, Besançon et Versailles: «La Fnac et Virgin n'ont curieusement jamais été inquiétées alors même qu'ils communiquent bruyamment sur la zone 1. Il y a d'un côté des petits vendeurs avec des marges ridicules traînés devant les tribunaux, et de l'autre des gens apparemment intouchables.» La bataille économique fait rage pour capter un volume de spectateurs qui n'est pas indéfiniment extensible, quand bien même la fréquentation des salles a augmenté cette année. On assiste aussi à un bras de fer entre les éditeurs vidéo et les exploitants qui redoutent que les performances visuelles et sonores du DVD ne détruisent à long terme le désir d'aller voir les films en salle. Ces exploitants ne supportent pas que les films qu'ils mettent à l'affiche soit disponibles dans le commerce au même moment. Par exemple, le DVD d'Escroc mais pas trop de Woody Allen est disponible à la vente sur le Net alors qu'il vient tout juste de sortir en salles. A la FNAC, on peut acheter Charlie et ses drôles de dames, qui est toujours sur les écrans. La menace vient de partout. D'Europe, avec des importations de Suisse, de Belgique ou d'Angleterre: Chicken Run était dans les bacs un mois avant sa sortie française! De Chine (zone 6) avec par exemple le DVD d'In the mood for love sous-titré anglais. Sans parler de l'expansion du piratage en provenance d'Asie et d'Europe de l'Est qui brouille encore les cartes (lire page 5). Dans un an, le graveur. Reste que le décret n'est pas absolument clair sur le domaine du DVD de patrimoine, le catalogue américain étant infiniment plus riche que l'européen. Et l'interdiction ne semble pas concerner les DVD musicaux, soumis à un autre régime d'exploitation. Il existe actuellement 2000 titres en zone 2 avec une cadence de 250 à 280 nouveautés par mois, contre 7000 références en zone 1. Fin 2001 apparaîtra sur le marché le lecteur-graveur permettant d'enregistrer les films. Même s'ils n'y croient guère, les professionnels surveillent l'évolution des technologies afin de ne pas voir revenir dans le domaine des images l'incroyable foutoir créé par le format MP3 et le site Napster dans celui de la musique.

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