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ette année, la hotte du Père Noël aura dans bien des foyers français la forme d'un DVD. Le «disque versatile digital» est en train de pénétrer des millions de foyers, bien au-delà du public des intoxiqués aux images. Du coup, il sème l'effroi du côté des industriels, comme un astéroïde qui menacerait d'extinction les planètes jumelles du cinéma en salle et de la cassette vidéo.
Il ne fait guère de doute que les lecteurs DVD auront bientôt relégué les magnétoscopes au musée des curiosités d'une époque révolue. Mais il est moins sûr qu'ils inaugurent une ère du «home cinema» où les cinéphages déserteraient en masse les multiplexes. En dépit de ses avantages -petit encombrement, qualité de l'image et du son, vocation à être (bientôt) effaçables et enregistrables - on peut penser qu'il n'offrira jamais l'expérience collective ni l'immersion qu'assurent les salles obscures. Mais nul ne peut plus douter que le DVD représente un énorme enjeu économique pour l'industrie cinématographique. Les exploitants de salles partent en guerre contre les éditeurs vidéo. Les grands studios d'Hollywood ont déjà engagé la bataille, via les tribunaux, contre les «pirates» -ceux qui pillent illégalement les films pour les vendre, mais aussi les «hackers» qui rêvent de mettre à profit la numérisation des images pour recopier et s'échanger leurs toiles préférées via le Net, comme ils le font pour les CD. Le DVD a bien le potentiel d'être une technologie de rupture, de celles qui plongent dans le chaos une industrie habituée à contrôler et orchestrer, à son plus grand profit, la distribution de ses produits. Elle rend caducs les découpages de l'espace et du temps qui fondent le système, et menace de modifier les habitudes de consommation qui en sous-tendent les réseaux. Les gouvernements sont sommés de jouer leur rôle de régulation des marchés. Mais il est sans doute vain de croire, comme semble le faire Catherine Tasca, qu'on pourra ériger des lignes Maginot réglementaires pour saucissonner un marché de plus en plus global. Vouloir interdire aux consommateurs français l'accès à des produits disponibles à un click de souris de l'autre côté de frontières de plus en plus virtuelles risque de faire de tout un chacun un «pirate».
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