Décembre 2000. mis en ligne le 9 février 2001. topic : idées

Grille de lecture ?

A l'image du féodalisme terrien du moyen-âge européen, la plupart des multinationales se créent des rentes en confisquant le savoir. Pour arriver à leurs fins, elles confisquent également le pouvoir en imposant leurs propres règles de droit international, au détriment évident de l'intérêt général, et en contradiction flagrante avec l'idéologie libérale dont elles se réclament. Comment pourront-elles convaincre l'opinion publique mondiale, notamment celle du tiers-monde, de renoncer à l'abondance de savoirs numériques ? Par quelle propagande arriveront-elles à nous convaincre qu'il est nécessaire de créer artificiellement de la rareté sur les oeuvres numériques, alors que le gateau est partageable à l'infini ?

En parallèle, de nouvelles pratiques "utopiques" se développent massivement. De plus en plus d'individus, d'associations, d'entreprises, d'états... contribuent activement à la réalisation d'une bibliothèque universelle libre, soit par intérêt bien compris ou par idéalisme, mais le plus souvent sans même en avoir conscience. Jusqu'à présent, rien ne semble pouvoir arrêter la progression de ce mouvement insaisissable mais très efficace, basé sur le partage du savoir et la création en réseau. Le mouvement du logiciel libre constitue actuellement l'exemple le plus avancé de cette coopération productive inédite. Mais il préfigure sans doute d'autres bouleversements sans précédent.

De l'issue de cette concurrence dépend le visage futur de la société mondiale. Et, quelques soient nos idées... il est désormais impossible de comprendre le monde actuelle (et ses contradictions :-) sans se doter, entre autre, d'une grille de lecture manichéenne (elles le sont toutes) de type "information libre" contre "information propriétaire", "libéralisme" contre "nouveau féodalisme", "domaine public mondial de l'information" contre "banques de données et brevets aux mains des multinationales", "savoir gratuit et accessible à tous" contre "marchandisation du savoir", "abondance de savoir numérique" contre "rareté artificiellement maintenu par la répression"...

Copyrigth(C)janvier 2001 Séverin Tagliante http://severino.free.fr/archives - Les copies conformes et versions intégrales de cet article sont autorisées sur tout support pour peu que cette notice soit préservée.

 


Brouillon pour l'emergence d'une nouvelle grille de lecture révolutionnaire...

 

Des grilles de lectures comme grille de lecture...

Il est devenu à la mode de faire le deuil des anciennes idéologies sans exception : c'est une saine attitude, "on ne se laissera plus avoir par ces conneries dogmatiques et simplificatrices". Pourtant pour comprendre le monde dans lequel elles vivent, et espérer agir positivement sur celui-ci, les communautés humaines ont obligatoirement recours à des grilles de lecture schématiques. On n'en sort pas, et même le nihilisme est une grille de lecture pleine de valeurs sacrés :-)

Certaines devenues inutiles ont quasiment disparu. D'autres se révellent indispensables, voire urgentes. Voici par exemple quelques grilles de lecture qui me paraissent importante :

- L'écologisme : la planête n'est pas infinie, et elle repose sur un système d'interactions subtiles. Nous sommes donc obligés d'inventer une croissance différente si nous ne voulons pas avoir à regretter gravement demain des actes irréversibles que nous commettons aujourd'hui. Si la prise de conscience a enfin eu lieu, elle se heurte à de puissant lobbies industriels et aux habitudes des nantis des pays riches qui consomment trop et mal tout en ayant une vie pas forcément enviable. Il faut inventer un mode de vie qui soit viable d'un point de vue energétique (solaire, économie d'energie, pas de déchets nucléaires, transports différents...) et démographique (permettre à tout les enfants du monde, et notamment aux filles, d'aller à l'école est urgent puisque c'est la seule façon d'éviter la surpopulation)

- Le communisme non totalitaire et l'anarchisme : Le salariat est de fait un esclavage à temps partiel. Il y a conflit d'intérêt entre les salariés et ceux qui possèdent les moyens de production. L'alternative la plus réaliste est sans-doute de type autogestionnaire. Mais elle n'est pas historiquement d'actualité. On peut par contre adoucir le salariat par l'Etat providence, le commerce équitable, le syndicalisme, le revenu d'existence...

- Le "marxisme" : au sens de lecture de l'évolution macro-économique du monde à l'aide de la loupe du matérialisme historique. Pas au sens où toute la société pourrait être lu au travers d'un l'antagonisme de classe qui expliquerait tout à la manière d'une religion. Je n'ai pas lu Marx, je l'ai pas mal critiqué néanmoins, et cependant plusieurs écrits dit "marxiens" m'ont semblé apporter une grille de lecture efficace de de la société actuelle. Oubliez-ça, SVP, et lisez plutôt du Jean Zin.

- Les situationistes : nous jouons des rôles de figurants et d'acteur involontaire dans une société du spectacle, créons volontairement des situations différentes pour détruire ce décor mental de pacotille. La publicité télévisuelle et les normes véhiculés par les médias majoritaires sont la propagande d'un totalitarisme dont nous n'avons même pas conscience. Nous ne pouvons pas nous épanouir dans le schéma de vie quotidienne qui nous est proposé comme modèle. Je simplifie, n'hésitez pas à me faire signe si je raconte trop de contre-vérités sur tel ou tel sujet :-) Je vous conseille pour en savoir plus sur les situs de lire le très distrayant "traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations" par Raoul Vaneigem,

- Le libéralisme : l'économie de marché est à l'origine de turbulences et d'inégalités insupportables. Cependant le capitalisme de marché a vaincu le capitalisme d'état (Union Soviétique) parcequ'il a été le modèle le plus efficace pour la production de biens matériels (mais pas pour leur redistribution équitable ). On peut également rappeler que si les produits et les capitaux peuvent circuler librement, il doit en être de même des individus et des idées... Les théories libérales (au sens libéralisme économique et politique classique, pas au sens anglophone qui désigne les gens trop à gauche aux états-unis), donc je disais, les théories libérales préconise logiquement également le libéralisme informationnel, la libre circulation du savoir. Ce projet est défendu fort logiquement par quelques libéraux et libertariens, mais la plupart des libéraux préfère adapter leur discours et ventent les charmes d'un nouveau féodalisme, prétextant que seul l'exclusivité sur un savoir garantie un investissement suffisant. C'est non seulement faux comme le prouve le phénomène des logiciels libres et de l'intelligence collective, mais c'est en plus tout à fait incompatible avec l'idéologie libérale. Or ce libéralisme informationnel, sur de triompher du féodalisme comme son aîné, le libéralisme matériel, crée un nouveau paradigme où le partage devient une valeur efficace. Les américains font du communisme numérique sans le savoir, et par conséquent. entre le féodalisme et le libéralisme, il faut choisir judicieusement son allié temporaire :-)

- Le mondialisme : La mondialisation économique, mais aussi politique, se fait sans nous : il s'agit donc de la démocratiser afin notamment de réguler le commerce mondial : démocratisation de l'OMC, Taxe tobbin, abolition de la dette du tiers-monde, réglementation écologique, destruction des abus de monopoles, exclusion du bénéfice du libre échange pour certains secteurs (OGM, armes, drogues, déchets, cinéma, musique : il faut pouvoir interdire la circulation de ce qui est considéré comme nuisible, et conserver la possiblité juridique de subventionner ce que l'on veut collectivement encourager au sein des espaces géographiques qui sont les notres : quartier, régions, pays, continent).

- La théorie du chaos : A la base une théorie très sérieuse et scientifique (jusqu'à sa procaîne infirmation :-) malgrés son nom qui fait un peu rebel. Comprendre la "complexité" d'un monde systémique. La création et l'innovation naisse d'un équilibre entre l'ordre et le désordre. Bref, la cybernétique, et toutes ces idées incompréhensible ont l'air de révéler un nouveau paradigme mine de rien. Non pas la vérité, mais une grille de lecture plus adaptée aux temps modernes que les anciennes grilles de type analytique. Permet sans doute d'expliquer pourquoi l'intelligence collective fonctionne en pratique.

Je vous aurais bien parlé également du matérialisme historique mais ma connaissance approximative du sujet m'en a dissuadée. (En me relisant je m'apperçois que j'ai tout de même pris le risque de parler des petits marxiens verts :-). Evidemment, il y a une infinité de grille de lecture possible de la réalité, sans même parler des religions. Les grilles de lecture ont toute plus ou moins des prétentions totalisantes, universelles... et c'est souvent légitime, sans être vrai pour autant. En toute logique, si ça ne colle pas, on en prend plusieurs et on les agrège les unes aux autres pour essayer de tout réduire à une théorie. Cependant je suis trop nihiliste pour m'amuser à ces petits jeux, et la grille que je vous propose se contente d'avoir pour conséquence de libérer le savoir : elle ne propose donc pas d'explications généralistes, ne cherchent pas à s'opposer aux autres courants d'idée mais plutôt à s'en faire des alliés, quitte à se faire récupérer par tout le monde à la façon des écolos :-) Pour être tout à fait honnête, il est possible que cette nouvelle grille de lecture en contruction induise une vision de l'histoire un peu à la manière de Theillard de Chardin, c'est à dire dans le sens d'une intégration toujours plus poussée de l'humanité dans une noosphère commune. Ou qu'elle fasse la part belle aux théoriciens de la communication de l'après-guerre. Il est certains que cette réflexion imprégnera tout les courants d'idée au XXIème siècle, comme avant l'écologie, la lutte des classes, et le libre échange économique... mais la plupart des grilles de lecture actuelle demeureront toujours indispensables. En vérité, je ne sais évidemment pas où cela peut mener, et c'est ce qui rend cette aventure idéologique passionnante. J'en suis encore à tatonner :-) Qui veut faire des paries sur l'évolution de la société et des idées ?

 

La stratégie du partage du savoir contre celle de l'appropriation de type féodal.

Entrons donc enfin dans le vif du sujet ! Cette grille de lecture pourrait consister à défendre l'émergence de l'intelligence collective et d'un domaine public mondial de l'information (libéralisme informationnel) face à des multinationales qui prennent pour la plupart des aspects féodaux en se constituant des rentes basées sur l'appropriation du savoir (féodalisme informationnel). On peut également dire que cette grille de lecture repose sur la croyance que l'humanité (les groupes et individus) a beaucoup plus d'intérêt à partager le savoir et la culture qu'à les cloisonner.

Mais ce point de vue repose aussi sur la connaissance d'un fait nouveau : l'avènement des réseaux informatiques et l'invention juridique du copyleft ont permis à la coopération productive d'être plus efficace que l'industrie classique du logiciel, trop encombrée par ses pesanteurs (codes sources gardés secret, équipes réduites et hiérarchisées...) Dès lors, il me semble évident, que la coopération productive prendra l'avantage dans beaucoup d'autres domaines de l'intelligence humaine... Les logiciels libres ont déjà convaincu en partie des entreprises comme IBM et des états comme la Chine. Ainsi ils portent la contradiction au coeur du système. Le développement de la coopération productive fera probablement beaucoup évoluer les mentalités en faveur du partage du savoir, de la coopération (pour être le plus concurrentiel, il deviendra nécessaire d'être également le plus coopératif), et peut-être même en faveur de la dissociation du travail et du revenu.

Parallèlement à cette évolution sympatique, on peut percevoir à l'inverse, de la part des multinationales, une tendance à créer des monopoles et des rentes en s'appropriant les idées de logiciels, les gènes du vivant, les recettes des semences agricoles et des médicaments, les médias de masse... Leur argumentations pour mettre en place un nouveau féodalisme repose sur la nécessité de financer la recherche et la création. Or le modèle de la coopération productive prouve que la société mondiale pourrait se passer d'eux en finançant une recherche publique et libre, fonctionnant en coopération avec les chercheurs du privé, et avec des laboratoires "associatifs", c'est à dire financés par des donnations. Cela ne nécessiterait que d'adapter la méthode du copyleft au monde de la recherche. Les industriels continueraient à faire des bénéfices mais sans s'appuyer sur l'appropriation exclusive du savoir.

Le même raisonnement est valable pour la culture : littérature, musique, cinéma, documentaire, photographie, peinture, bandes-dessinées, poésie, articles d'actualités, jeux vidéo, art multimédia, encyclopédie, etc, etc... Il suffit aux auteurs de chaque secteur qui veulent tenter l'aventure d'inventer les outils de coopération, les licences copylefts, et les modèles de rémunération. C'est utopiste, mais pas irréaliste à terme, et il y a un monde à gagner : Une bibliothèque universelle et libre, disponible pour tous sur terre, une recherche plus efficace dans tous les domaines de l'intelligence humaine, une philosophie du partage qui ressemble au potlach des sociétés primitives, la fin de la marchandisation pour une grande partie des biens immatériels.

 

Le libéralisme, c'est le communisme !

Pour ma part le partage du savoir est l'aventure la plus passionnante et urgente que je connaisse... même si elle n'est pas en soi écologiste. Même si elle ne s'oppose pas au libéralisme économique. A ce propose, il est intéressant de pousser ceux qui se réclament du libéralisme économique dans leur contradiction. La puissance quasi-monopolistique des grandes multinationales s'oppose au bon fonctionnement du libéralisme économique.

La constitution de rentes, par ces mêmes multinationales, basées sur l'appropriation du savoir et les brevets, ressemble par bien des aspects à au féodalisme terrien de l'ancien régime français.

Quand par exemple, au nom du libéralisme, on découpe la planète en zones pour préserver les bénéfices sur la vente des DVDs, on comprend que l'on s'est fait manipulé quelque part :) En effet, cela s'appelle ni plus ni moins du protectionnisme. Si cela se justifie moralement pour préserver l'action des états providences contre le dumping social, pourquoi voudrions-nous protéger Warner, Universal et Hollywood ? S'il s'agit d'aider les auteurs, aidons-les eux, pas leurs seigneurs !

Le libéralisme économique s'est imposé sur toute la planête parcequ'il était le système le plus efficace pour la production de biens matériels. Le libéralisme informationnel s'imposera sur toute la planête car il est le système de production de biens immatériels le plus efficace. Or le libéralisme informationnel signifie que l'on peut échanger librement le savoir numérique, cela parcequ'il ne peut y avoir de propriété exclusive d'un bien que l'on peut cloner à très faible coût. Paradoxalement, il n'y a pas d'antagonisme entre libéralime informationnel et communisme informationnel. On peut même parler d'appropriation individuelle des moyens de production. Vous allez me dire "quel intérêt si dehors la tempète libéral fait rage ?". Et effectivement il est vital de rester pragmatique dans les luttes que l'on peut mener. Mais il me semble justement que la possiblité pour le tiers-monde d'exploiter les savoirs des pays riches actuellement protégé par brevet est une possibilité pour eux de diminuer leur dépendance économique, de développer un système efficace de formation, et d'exploiter des procédés industriels (n'est-ce pas en copiant que certains petits pays asiatiques ont pu se développer rapidement depuis 30 ans ?)..

Ce n'est pas, évidemment, parceque le libéralisme informationnel est efficace à produire des biens immatériels, qu'il faut le soutenir, mais parcequ'il propose un modèle de coopération en réseau et l'abondance du savoir. Ne boudons pas notre plaisir de voir enfin le vent de l'histoire souffler dans un sens plus humain et plus solidaire...

Pour maintenir leur rente, les multinationales vont devoir convaincre que les moyens protectionnistes qu'elles utilisent ne sont pas un nouveau féodalisme, mais toujours du libéralisme économique. En effet, si pour l'instant il leur suffit de faire du lobbying dans les instances de régulation supra-nationales, il leur faudra aussi convaincre l'opinion publique internationale. Or, ni l'intérêt général, ni le sacro-saint libéralisme économique ne leur permet de se justifier. Leur propagande, déjà commencée, va probablement se développer avec de plus en plus de force. Avec le soutien invonlontaire de pleins de gens sympatiques qui prétendent défendre le droit d'auteur, mais qui n'ont rien compris aux extraordinaires enjeux de la bataille qui s'annonce..

Je leur souhaite bon courage pour parvenir à nous convaincre qu'il est juste et efficace de créer artificiellement la rareté de biens immatériels pour préserver leur rente, alors que nous sommes tout proche de l'abondance de savoir immatériel. Je donne un exemple pour me faire comprendre : d'un côté il y a x musiciens, qui font y morceaux, et qui sont rémunérés en tout z francs par les consommateurs. Le principal est que demeure tel quel x, y et z. Or il sera bientôt possible d'avoir des dizaines de milliers d'album sur le disque dur de sa chaîne hifi, alors qu'auparavant on ne s'achetait que 10 CDs dans l'année. Il serait absolument idiot de créer artificiellement de la rareté uniquement parceque l'on imagine pas d'autres moyens de rémunérer les auteurs. D'autant plus qu'il est facile d'arriver à z francs, vu qu'à terme le numérique permettra de se passer de la plupart des intermédiaires.

Dans le tiers-monde la résistance s'organise. Qu'il s'agisse de la production de médicaments génériques, pourtant protégés par brevets, ou de DVDs pressés clandestinement et vendu 10 fois moins chers, ou encore du choix politique en faveur des logiciels libres... il s'agit bien de résistance. L'occasion pour les pays pauvres de prendre une revanche sur les pays riches, propriétaires légaux et exclusifs des moyens de production moderne (le savoir), est trop tentante pour qu'ils y résistent. Au nom de quoi par exemple, priverait-ils leurs étudiants d'une bibliothèque universelle numérique beaucoup moins couteuse et beaucoup plus exhaustive qu'une bibliothèque analogique.

Le libéralisme a triomphé face à l'ancien féodalisme terrien et face au capitalisme d'Etat de l'Union Soviétique. Il a été un instrument d'impérialisme des Etats-Unis, et sa concurrence sauvage a fait tellement de dégats que l'immense majorité est aujourd'hui d'accord pour le réguler, mais les faits sont là : tous les pays se sont convertis au libéralisme économique à l'exception dramatique de la Corée du Nord, parceque les gens le choisissent par leur pratique même quand ils théorisent le contraire. De la même façon, je crois que le libéralisme informationnel triomphera face au nouveau féodalisme parcequ'il est plus efficace, plus concurrentiel, et que les gens le choisiront de fait dans leur pratique. Le savoir deviendra libre, la coopération productive en réseau remplacera en partie les anciennes hiérarchies.

L'entraide, le partage, la fin de la propriété privée sur la partie immatérielle des moyens de production (le savoir)... Paradoxalement, le libéralisme semble mener partiellement notre monde vers un système qui ressemble par certains aspects au communisme utopique.

 

Nuances et hésitations... (remords ?)

Encore une fois, et pour plus de clarté, je suis conscient des turbulences graves que connaissent des centaines de millions d'individus du fait des flux financiers. Il faut sans aucun doute les réguler, en diminuant la fluidité des flux financiers par des techniques de type taxe tobbin. La mondialisation économique de la planête cache une véritable mondialisation politique : c'est ce pouvoir diffus qu'il s'agit de démocratiser en participant aux rassemblements de la société civile mondiale : Seattle, Pragues, et aujourd'hui Porto-Allegre. Mais je pense que l'on se trompe d'ennemi en stigmatisant un libéralisme que l'on ne sait pas par quoi remplacer. L'ennemi est bien celui que l'on pense : les classiques lobbies militaro-industriels et les multinationales qui imposent leurs choix juridiques au monde entier au nom du libéralisme et au détriment de l'intérêt général. A nous d'imposer des revendications citoyennes : pas de libéralisme avec les pays qui n'acceptent pas le syndicalisme, etc, etc...

De même, c'est bien le laisser faire économique qui est en train de détruire la planête alors que les solutions existent, et que le modèle productiviste est largement remis en cause. Mais ce n'est pas l'idéologie libérale qui empêche les sommets contre l'effet de serre d'aboutir mais le lobbying insidieux de groupes d'intérêts surpuissants.

Et pourquoi se priver des alternatives viables proposées par la gauche alternative : l'autogestion des communistes libertaires, la collectivisation plus la démocratie proposée par les (ex?-)trotstkystes... Il n'est pas question de les mettre de côté, et s'il y a des gens motivés pour faire vivre ces projets qui deviendrons un jour ou l'autre d'actualité, je les soutiens. Mais historiquement, les rapports de force, les prises de conscience, ne permettent pas d'espérer d'évolution en ce sens à court terme. Alors que l'on est en train de vivre un rapport de force entre ceux qui veulent libérer le savoir et ceux qui veulent se l'approprier. La lutte est gagnable et la victoire peut être riche de conséquence.

Le libéralisme et le collectivisme ne sont pas antagonistes mais alliés dans ce combat contre un absurde nouveau féodalisme que l'on nomme à tort "mondialisation libérale". Le concurrence semble en effet de plus en plus privilégier ceux qui jouent le jeu du partage du savoir. Et au niveau des individus, la reconnaissance sociale est de moins en moins liée à l'argent et au diplôme, et va de plus en plus vers ceux qui produisent et partagent un savoir intéressant. Sans même s'en appercevoir, les réseaux informatiques font vivre une économie du don de biens immatériels. La pratique des réseaux fait revivre les pratiques ancestrales des potlachs, et chacun peut l'expérimenter en participant à un projet collectif via internet.

Je m'arrête là, j'ai l'impression d'avoir écris des tas de conneries, et je n'ose même pas me relire :-( Au moins, aurais-je tenté une analyse audacieuse. Et quoique je puisse dire, il n'en demeure pas moins qu'il y a une tension de plus en plus grande entre les partisans de la liberté et du partage du savoir, et ceux qui veulent le marchandiser, le controler, le tatouer, le taxer, le breveter... Il n'en demeure pas moins non plus que les conséquences d'une libération du savoir humain sont incalculables, ce qui n'est pas négligeable dans un monde où la force d'inertie actuelle nous empêche de rêver à de grands changements. Je ne cherche pas de toute façon à convaincre par la théorie ceux qui ne voudront voir dans ce mouvement qu'une manie de nantis occidentaux (on a fait le même reproche aux féministes et aux écologistes...) ou ceux plus nombreux qui considèrent que l'on ne doit pas jouer avec le feu (c'est à dire avec les droits patrimoniaux d'auteur) et que donc la discussion est close. Je cherche plutôt le débat avec ceux que la pratique du fonctionnement en réseaux a déjà convaincu du phénomène particulier qui est en train de se produire. Que faire maintenant ?

 

Post-scriptum anti-critique :

Que ceux qui s'inquiète et qui ne manqueront pas de voir dans le modèle de l'intelligence collective une extension de la main invisible du marché (qui donne des claques) me permettent de me défendre par avance. L'intelligence collective au sens où je l'entend repose effectivement sur une lecture systémique du monde. A l'image de la théorie du chaos (du moins de l'idée que je m'en fait :-), le libre échange des idées conduit par une sorte de sélection "naturelle" darwinienne à une construction inattendue, non planifié mais pourtant beaucoup plus complexe et élaboré que ce que l'on aurait obtenu en voulant tout organiser, tout contrôler, même au nom d'idée généreuse. Mais, et ce MAIS est fondamental, pour tenter de comprendre cette complexité qui préexiste à sa théorisation, cette grille de lecture systémique est obligé d'intégrer non seulement les phénomènes économiques, mais aussi socials, culturels, psychologiques, associatifs, publics, idéologiques, et pour tout dire bien souvent des phénomènes non économique. La main invisible dont je vous parle ne donne donc pas de claques, mais que des coups de mains quand on en a besoin :-) Et l'idéologie dite libérale actuelle est et demeure plus que jamais une fumisterie intellectuelle pour imposer ses propres intérêts économiques au nom de lois prétendument naturels, mais en réalité très malléables :-) L'idéologie libérale a remplacé la religion catholique dans l'auto-justification de la puissance des puissants. Elle a permis de aux maîtres du monde de se dispenser de rendre des comptes de toute la misère dont ils étaient responsables... Et pourtant je pense qu'il y a un tournant à ne pas manquer : les maîtres du monde passe progressivement du libéralisme au féodalisme en s'approriant le savoir industrielle, agricole, pharmaceutique, culturel, et posant même des droits d'exclusivité sur le vivant au nom de soi-disant nécessaire investissement financier ! Or le libéralisme explique que ces barrières sont contre-productive, et il l'a prouvé avec les objets matériel en mettant KO son adversaire, la capitalisme planificateur d'état à l'Est, simplement par la production de bien matériel plus attractif. Dans le cas des réseaux et du numérique les barrière créée par les abus de propriété intellectuelle sont anti-libéral, et peu à peu ceux qui font le choix de la libération de l'information numérique triomphent (vive Linux!) parceque les biens immatériels produits sont plus attractifs. Dans le combat qui s'annonce et qui a de forte chance d'aboutir à la collectivisation (qui sera aussi individualisation) du savoir humain, il ne faut donc pas renvoyer à dos les libéraux idéaliste partisans de la libre information et les libéraux pragmatiques qui font le choix du féodalisme : ce serait dogmatique et idiot. Cette problématique est nouvelle pour moi, et il est possible que je m'embrouille par moment, mais mes idées sont guidés par la recherche de l'intérêt général et de l'épanouissement individuel, et ce qui m'attire dans le libéralisme infromationnel, c'est qu'il est synonyme de communisme informationnel. Mais pas d'affolement, l'alliance ne concerne que le monde numérique, sur le reste pas de concession à la loi du marché ! Rien à voir avec le nouveau Cohn Bendit, du moins en ce qui me concerne :-)

Copyrigth(C)janvier 2001 Séverin Tagliante http://severino.free.fr/archives - Les copies conformes et versions intégrales de cet article sont autorisées sur tout support pour peu que cette notice soit préservée.Merci de n'accorder à ce texte écrit au fil de la plume que l'importance d'une conversation orale.