LA NÉCESSAIRE
DÉFINITION D'UN BIEN PUBLIC MONDIAL Par MARTINE BULARD Les 22 millions de séropositifs africains représentent 65 % des personnes atteintes par le virus du sida dans le monde. L'Afrique du Sud, particulièrement touchée, a fait de la lutte contre le fléau sa priorité. Mais, plutôt que de l'assister dans cette entreprise, les laboratoires pharmaceutiques, en insistant sur la défense de leurs brevets, mettent les traitements hors de portée des malades et des pays les plus pauvres.
EN forte recrudescence, la maladie du sommeil, transmise par la mouche tsé-tsé, tue 150 000 personnes chaque année, notamment en Afrique. Pour la soigner, il existe un médicament - l'éflornithine (Ornidyl) - mis au point en 1985 par la firme américaine Merell Dow. D'abord vendu à prix d'or - et donc inaccessible aux populations les plus touchées -, il fut ensuite abandonné. Héritant du médicament lors du rachat de la firme, Hoechst Marion Roussel a, finalement, accepté d'en transmettre les droits de commercialisation à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais cette dernière n'a pas les moyens de le produire. Après trois ans de négociations, Médecins sans frontières (MSF) espère, avec d'autres organisations non gouvernementales, que le produit sera disponible au tout début de cette année, au moins partiellement. Car pour en assurer la pérennité, il faudra compter sur le bon vouloir financier d'un mécène. M. Bill Gates, le PDG de Microsoft, est sur les rangs. Le médicament contre les méningites bactériennes, particulièrement actives dans les pays du Sud, n'aura pas eu cette chance. Le chloramphénicol huileux avait le double avantage, aux yeux des médecins, d'être facile à utiliser et peu onéreux. En 1995, Roussel Uclaf (qui fusionna avec le groupe Hoechst en 1997, formant HMR) en a arrêté la fabrication. Dans un premier temps, il fut transféré dans un laboratoire de Malte, grâce à l'Association internationale de développement (IDA). Aujour d'hui, sa production n'est plus assurée, faute de financements. Pas rentable non plus la molécule contre la leishmaniose, maladie parasitaire fréquente en Afrique qui conduit à de très graves lésions cutanées ou à la mort. Elle existe dans les cartons des laboratoires, mais sa production n'a pas démarré car le « retour sur investissement » n'est pas assuré. La liste est longue des molécules découvertes mais laissées sur le carreau et des médicaments utiles mais abandonnés. Le docteur Bernard Pécoul, coordinateur du projet médicaments de MSF, note que, sur 1 223 molécules mises sur le marché entre 1975 et 1997, seules 13 sont spécifiquement tournées vers les maladies tropicales. Et encore, cinq d'entre elles sont le produit de la recherche vétérinaire (1). Alors que de nombreuses maladies que l'on croyait disparues reviennent en force, plus virulentes que jamais - le paludisme (malaria), la maladie du sommeil ou la tuberculose -, les anciens médicaments ne sont plus toujours efficaces car il existe de plus en plus de bacilles multirésistants, tandis que les nouveaux remèdes sont hors de prix. Ainsi, aucune recherche sérieuse n'est menée sur un vaccin apte à remplacer le bon vieux BCG alors que l'on compte huit millions de personnes supplémentaires contaminées chaque année. Parmi elles, le nombre de patients solvables - devrait-on dire de clients ? - est estimé, selon MSF, à 400 000. Très en dessous du seuil requis pour lancer un investissement. Sur la planète, toutes les dix secondes une personne meurt de la tuberculose (2). Pour qu'un médicament soit commercialisé, il ne faut pas seulement que le marché soit important (les trois quarts de la population sont concernés) ; il faut aussi qu'il rapporte de l'argent. Beaucoup d'argent. Le plus rapidement possible. Comme le constate le docteur Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Plus d'un milliard de personnes vont aborder le XXIe siècle sans avoir profité de la révolution sanitaire (3). » De fait, les quatre cinquièmes des dépenses mondiales de santé servent à un cinquième de la population. Si, entre 1993 et 1999, les ventes de médicaments ont explosé en Amérique du Nord et, dans une moindre mesure, en Europe, elles ont baissé dans les pays d'Afrique et d'Asie - Japon excepté (voir graphique page 9). En ce qui concerne le sida, le constat est plus accablant encore : 92 % de la population mondiale n'ont droit qu'à 8 % des dépenses totales. « Si les pays riches ne font rien, prévient le professeur François Bricaire, chef du service de parasitologie et mala dies tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), ce déséquilibre humanitaire finira par exploser. Les gens savent que, d'un côté, il y a des médicaments pour vaincre la maladie, et que, de l'autre, ils en sont privés faute de moyens. » Ainsi la trithérapie (association de trois types de médicaments antirétroviraux), qui a permis de réduire de 60 % le taux de mortalité des malades du sida en Occident, est pratiquement inaccessible dans les pays du Sud. « On voit arriver, dans notre service, des malades africains qui ont économisé sou à sou pour venir ici se faire soigner, ajoute le professeur Bricaire. On les remet sur pied tout en sachant que, pour la plupart, ils n'auront pas les moyens de poursuivre le traitement une fois rentrés chez eux. Et que dire de ceux qui arrivent clandestinement ? Qui pourrait les abandonner à leur sort ? Alors, on se débrouille. Mais c'est trop ponctuel pour être satisfaisant. » Médicament, produit banalisé
SELON la Banque mondiale, « le nombre de décès dus au sida en Afrique dépassera bientôt le nombre des victimes - 20 millions - de l'épidémie de peste qui a ravagé l'Europe de 1347 à 1351 (4) ». A la différence près qu'à cette époque on ne savait pas faire face au drame. Aujourd'hui la science est en mesure d'enrayer l'épidémie. Cette réalité, beaucoup cherchent à la cacher en mettant en avant l'absence d'infra structures sanitaires fiables dans ces pays. Certains traitements de longue durée comme les trithérapies contre le sida y seraient, dit-on, impossibles, voire dangereux. L'obstacle est réel : les guerres, les déplacements de population, ont dans certains pays fait voler en éclat les systèmes de santé ; ailleurs, les politiques prônées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, avec leurs exigences de réduction drastique des dépenses publiques, ont conduit à un résultat à peu près identique. Amère ironie de voir ceux qui ont contribué au démantèlement des structures de soins refuser des programmes d'urgence... au nom des carences de ces systèmes. Non seulement des réseaux de santé pourraient être reconstruits, mais il existe d'ores et déjà des lieux et des personnels qualifiés (médecins et personnels soignants sédentaires et en mission) pour soigner les maladies infectieuses classiques et enclencher des traitements de longue haleine contre le sida. A condition de pouvoir disposer de médicaments de pointe à des prix accessibles. Les industriels de la pharmacie ne semblent guère prêts à dégager des voies nouvelles. Dans son bureau de directeur général du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique, M. Bernard Lemoine ne cache pas son agacement devant la campagne des associations sur cette question. Il met en avant les opérations positives des laboratoires : baisse passagère de prix, dons de molécules inutilisées, aides à des fondations. Sa conclusion est néanmoins sans appel : « Je ne vois pas pourquoi on exigerait de l'industrie pharmaceutique des efforts spécifiques. Personne ne demande à Renault de donner des voitures à ceux qui n'en ont pas. » Justement, le médicament n'est pas un produit banalisé. Or non seulement les compagnies pharmaceutiques imposent leurs prix et sélectionnent les seuls marchés qui feront monter leurs cours en Bourse, mais elles combattent toute initiative prise en dehors d'elles. En Thaïlande, pour faire face à la méningite à cryptocoque, une maladie mortelle souvent liée au sida, il n'existait, jusqu'au premier semestre 1998, qu'un seul médicament, le fluconazole, produit sur place par le laboratoire américain Pfizer sous le nom de Triflucan. Efficace mais hors de prix : 12 000 baths (aux alentours de 2 000 francs) la boîte de cinquante comprimés. Pour un malade en début de traitement, cela représentait un coût mensuel de 15 000 baths, une fois et demie le salaire d'un cadre. Deux entreprises thaïlandaises réussirent finalement à commercialiser un produit équivalent au prix de 4 000 à 4 500 baths la boîte. Trop cher encore pour une grande partie de la population, mais nettement plus abordable que le Triflucan. Six mois plus tard, les ventes étaient interdites : alerté par Pfizer, le gouvernement des Etats-Unis avait menacé les autorités thaïlandaises de taxer leurs principales exportations (bois, bijoux, microprocesseurs...) si elles ne renonçaient pas à produire le fluconazole. L'Afrique du Sud a failli connaître le même sort. En 1997, le gouvernement adoptait des lois sanitaires autorisant les entreprises locales à produire des traitements contre le sida, ou à les importer, sans passer par les brevets des grandes compagnies. Immédiatement, les grandes compagnies pharmaceutiques américaines - dont certaines ont des filiales au Cap - portaient plainte, puis poussaient leur gouvernement à prendre des mesures de rétorsion de même type que celles infligées à la Thaïlande. Le vice-président Albert Gore, à la tête de la commission des relations bilatérales Etats-Unis - Afrique du Sud, prenait lui-même l'affaire en main. Dès le début du bras de fer, les associations de lutte contre le sida (Act Up-New York, AIDS) ou le Consumer Project on Technology de James Love et Ralph Nader harcelaient les dirigeants américains. M. Albert Gore ne pouvait plus faire une seule rencontre publique en vue de l'élection présidentielle sans être interpellé sur le sujet. Cette campagne alliée à la ténacité du pouvoir sud-africain amena le gouvernement de MM. Clinton et Gore à renoncer, en septembre 1999, à toute poursuite ou mesure de rétorsion. Dans la foulée, les laboratoires retiraient leurs plaintes. Certes, l'Afrique du Sud mettra sans doute du temps avant de produire son premier médicament générique, mais une première victoire est remportée. Pour en mesurer la portée, il faut revenir aux changements des règles du commerce mondial depuis la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (5). Jusqu'en 1994, en effet, chaque nation pouvait définir sa politique de santé et produire des médicaments génériques sans attendre que le brevet soit tombé dans le domaine public. C'est ainsi que l'Inde, l'Egypte et l'Argentine, par exemple, ont pu mener une politique de substitution aux importations et créer une industrie pharmaceutique locale. Depuis 1994, les pays adhérant à l'OMC ont été sommés de se soumettre aux accords sur les Adpic (« Aspects des droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce », en anglais TRIPs). Dans le cadre de ces Adpic, il n'est, en principe, plus possible de produire un médicament ou de l'acheter à l'étranger sans l'autorisation (contre versement de royalties) du propriétaire de l'invention, qui garde ce pouvoir pendant vingt ans. Cependant, sous la pression de pays comme l'Espagne ou le Canada (6), les Adpic prévoient des clauses d'exception : en cas d'urgence sanitaire ou d'entraves à la concurrence (refus de vente de l'inventeur ou prix trop élevés), tout gouvernement a le droit de recourir aux « licences obligatoires » (compulsory licences) et aux importations parallèles. Les premières permettent de fabriquer un produit sans accord de l'inventeur, et les secondes de l'acheter là où il est vendu le moins cher. L'Afrique du Sud, où un adulte sur six est séropositif selon l'OMS, est un cas évident d'urgence sanitaire. Les grands groupes de la pharmacie le savaient. Mais, comme le dit crûment M. Jeffrey Trewhitt, le porte-parole de l'interna tionale du médicament (la FIIM, Fédé ration internationale de l'industrie du médicament), ces lois sud-africaines créeraient « un très, très mauvais précédent, qui pourrait miner la protection légitime des brevets dans le monde. On peut s'attendre à ce que ce danger potentiel gagne beaucoup de pays en développement (7) ».
[Image non reproduite, veuillez si possible consulter le texte
original] Du reste, tous les pays émergents subissent des pressions effarantes. L'Inde, où pourtant un tiers seulement de la population peut accéder aux médicaments, devrait, dans le cadre de l'OMC, renoncer au contrôle des prix et à la production de médicaments génériques. La facture est simple à dresser : fermetures de petites entreprises et part de personnes soignées encore plus faible... « Mais les réformes engagées et la libéralisation en cours ouvrent de nouvelles pers pectives aux laboratoires pharmaceutiques », note, à l'intention du patronat, la revue Pharmaceutiques (8). Il est certainement trop tôt pour tirer un enseignement approfondi des accords sur les Adpic. Mais on connaît déjà les dégâts engendrés par les mesures de déréglementation imposées aux pays d'Amérique latine à partir de 1988. En quatre ans, les hausses de prix des médicaments ont atteint 44 % au Mexique, 24 % au Brésil, 16,6 % en Argentine, selon l'OMS. Les lobbies de la pharmacie entendent imposer, à travers l'OMC, la suppression de toute exception aux droits des brevets. Dans le même temps, ils veulent obtenir un plus large accès - gratuit et sans contraintes - aux plantes des pays en développement, dont la connaissance génomique constitue l'une des clés des futurs médicaments. Autrement dit, ils entendent disposer à leur gré de la matière première et ériger des protections de plus en plus étanches sur les découvertes réalisées à partir de ces plantes, les rendant inaccessibles aux pays dont elles sont issues (9). En outre, le dépôt de brevets se fait de plus en plus en amont, ce qui entraîne « un handicap considérable pour la liberté de créer », explique le professeur Axel Kahn, ancien président du Comité consultatif national d'éthique. Jusqu'à ces dernières années, argumente-t-il, « on faisait une différence entre les connaissances - que l'on découvre et qui sont le bien de tous - et les produits ou procédés - que l'on invente et qui font l'objet de brevets (10) ». En protégeant plus tôt, on réduit le champ des connaissances communes. Actuellement, il y a cinq à dix fois plus d'informations sur les génomes dans les banques de données privées - d'accès limité et payant - que dans le domaine public, librement accessibles. Conséquence : « L'utilisation des brevets ou le coût exorbitant des licences - afin d'empêcher les médecins et les laboratoires médicaux d'effectuer des tests génétiques - limite l'accès aux soins, réduit leur qualité et en augmente le coût de manière déraisonnable », accusent nombre de médecins et chercheurs américains dans une lettre ouverte (11). On va vers une monopolisation du vivant, doublée d'une confiscation de la diversité génétique, par une poignée de firmes. Le risque est grand de voir s'instaurer officiellement un directoire technologique et financier des pays riches, une sorte de « G 8 » du médicament, décidant de tout, du niveau des recherches comme du lancement (ou non) de tel ou tel produit. Cela accentuerait encore les déséquilibres : les pays développés, très solvables, disposeraient de thérapies de pointe, très onéreuses et protégées par le droit de propriété intellectuelle ; les autres pourraient en béné ficier quand seraient épuisés les droits de brevet... vingt ans plus tard et quelques centaines de milliers de morts après. Organisations non gouvernementales, associations de personnes atteintes, médecins et chercheurs se mobilisent contre ces dangers. S'ils divergent sur la stratégie, tous s'accordent sur la nécessité de maintenir, à tout le moins, dans les négociations du cycle du millénaire les exceptions prévues dans les accords Adpic actuels. Cette base minimale pourrait donner du temps pour obtenir, ainsi que le propose MSF, une « exception sanitaire », comme il existe une « exception culturelle ». Le droit des brevets ne peut pas être placé au-dessus des besoins élémentaires de l'humanité. Il ne serait pas aberrant de décréter que les recherches sur le génome humain et sur la biodiversité font partie des biens publics mondiaux. On considère bien que des monuments comme le temple d'Angkor ou des cités comme Venise appartiennent au patrimoine de l'humanité. Pourquoi pas la génétique humaine ? De la même manière, il faut mettre un coup d'arrêt au pillage du tiers-monde : non seulement une redevance devrait être payée pour l'utilisation des végétaux issus de ces territoires, mais tous les pays devraient être assurés de bénéficier des thérapies inventées à partir de ces plantes. Sans attendre, comment combattre les épidémies qui dévastent les peuples des pays pauvres ? Pour rendre accessibles les médicaments, il est possible d'obtenir rapidement une réduction des prix, sans mettre en péril la santé financière des groupes pharmaceutiques : ceux qui sont établis en France, par exemple, consacrent presque autant de fonds à la publicité et à la promotion qu'à la recherche : respectivement 11,3 % et 14 % du chiffre d'affaires (12). German Velásquez, Sara Benett et Jonathan Quick, qui ont longuement étudié les systèmes de santé pour l'OMS, notent que « le secteur pharmaceutique connaît de graves problèmes liés à l'absence de concurrence, contrairement au reste de la santé (13) ». Ce qui a des conséquences sur les prix. De fait, les deux tiers du marché mondial sont tenus par une vingtaine de grands groupes. Et le mouvement de concentration s'accélère, comme en témoigne la fusion entre HMR et Rhône-Poulenc, ou le rapprochement en cours entre le suisse Novartis et le géant américain Monsanto... Sur les 25 médicaments les plus vendus, 20 sont américains. Il existe quasiment un prix mondial unique, calqué sur les tarifs pratiqués aux Etats-Unis, parmi les plus élevés de la planète. Du coup, certains, tel le docteur Pécoul, proposent d'instaurer une taxe sur les bénéfices des compagnies pharmaceutiques afin d'alimenter un fonds destiné à la recherche sur les maladies tropicales et à la production de produits de première nécessité. La recherche entravée par les brevets
SI les groupes pharmaceutiques ont une responsabilité écrasante, les organisations internationales et les gouvernements ne doivent pas être dédouanés. Certes la France a eu quelque velléité d'action : elle a participé au Programme des Nations unies sur le VIH /sida (Onusida) ; elle fut à l'origine de la création du Fonds de soutien thérapeutique international (FSTI), qui a suscité beaucoup d'espoir dans les pays pauvres. Mais ces programmes sont au point mort. La France a baissé les bras, l'Europe est immobile, les Etats-Unis refusent la plupart des actions collectives d'envergure. De son côté, l'OMS a fini par appuyer les pays ayant recours aux « licences obligatoires », mais elle demeure très en retrait des nécessités. Elle reste prisonnière d'un mode de fonctionnement opaque et d'une conception dépassée de ses missions. Ce qui entrave ses capacités d'innovations pour construire de nouvelles ambitions sanitaires à l'échelle de la planète. Bien sûr, le manque de ressources financières est tout aussi crucial. Pourtant, il serait possible d'imaginer des campagnes d'urgence, mettant à la disposition des soignants des pays pauvres des médicaments à prix coûtant (et même au-dessous). La différence serait payée par les compagnies pharmaceutiques, par les gouvernements des pays concernés, par les Etats des pays développés. Après tout, un modèle de ce type fut adopté dans les années 50 et 60 pour lutter contre la variole, maladie éradiquée de la planète depuis 1977.
« Le véritable ennemi n'est pas la prudence financière,
explique l'économiste et Prix Nobel Amartya Sen, mais l'utilisation
des deniers publics à des fins dont l'intérêt social
est loin d'être évident, comme par exemple les dépenses
militaires massives dans de nombreux pays pauvres (...). Il est
révélateur du monde fou dans lequel nous vivons que le
médecin, le maître d'école ou l'infirmière
se sentent davantage menacés par le conservatisme financier que
ne le sont un général ou un commandant de l'armée
de l'air (14). » Et d'ajouter :
« Le prix à payer pour l'inaction et l'apathie, ce peut
être la maladie et la mort. »
MARTINE BULARD.
(1) Bernard Pécoul, Pierre Chirac, Patrice Trouille, Jacques Pinel, « Access to essential Drugs in poor countries. A lost Battle ? », Journal of the American Medical Association, Chicago, vol. 281, 27 janvier 1997. A lire également le dossier de la revue Messages, n° 102, janvier-février 1999, publiée par Médecins sans frontières, 16, rue Saint-Sabin, 75011 Paris. http://www.msf.org/ (2) Chiffres donnés par l'OMS. A noter que, dans 98,8 % des cas, les victimes vivent dans les pays du tiers-monde. (3) Docteur Gro Harlem Brundtland, discours tenu lors de la 52e assemblée mondiale de la santé, « L'avenir de l'OMS après une année de changement », Rapport sur la santé dans le monde, OMS, Genève, mars 1999. (4) « L'action de lutte contre le VIH /sida en Afrique se renforce », Banque mondiale, région Afrique, Genève, juin 1999. (5) Lire Le Monde diplomatique de novembre 1999. Voir également André Ferron, Philippe Herzog, Bernard Marx, « Pour un contrôle social du cycle du millénaire à l'OMC », L'Option de confrontations, Montreuil, novembre 1999. (6) L'Espagne n'a reconnu complètement le système de brevet pour les médicaments qu'en 1992, le Canada en 1993. (7) Cité par Mike McKee, « Tripping over Trips », IP Magazine, San Francisco, septembre 1999. http://www.ipmag.com/ (8) Jean-Jacques Cristofari, « Facettes indiennes aux 23 700 firmes pharmaceutiques », Pharmaceutiques, Paris, n° 53, janvier 1998. (9) Lire Marie-Angèle hermitte, « Les aborigènes, les chasseurs de gènes... et le marché », et Jean-Paul Maréchal, « Quand la biodiversité est assimilée à une marchandise », Le Monde diplomatique, respectivement février 1992 et juillet 1999. (10) Axel Kahn, Et l'homme dans tout cela, NIL, Paris, à paraître en février 2000. (11) Cf. The Guardian, Londres, 15 décembre 1999. (12) « L'industrie pharmaceutique : réalités économiques 1999 », document édité par le syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP), 88, rue de la Faisanderie, Paris. (13) German Velásquez, Sarah Benett et Jonathan D. Quick, « Rôles des secteurs public et privé dans le domaine pharmaceutique. Incidences sur l'équité en matière d'accès et sur l'usage rationnel des médicaments », OMS, Genève, 1997. (14) Amartya Sen, « Santé et développement », allocution prononcée à la 52e assemblée mondiale de la santé, Genève, mai 1999. |
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