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BREVETABILITÉ DES LOGICIELS
BREVETER L'OEUF POUR EMPÊCHER LA POULE DE PONDRE

31 août 2000

par Sébastien Canevet

 

 

« Lorsqu'il créa l'homme et la femme, Dieu oublia de déposer le brevet. C'est pourquoi n'importe quel imbécile peut aujourd'hui en faire autant », affirmait George-Bernard Shaw.

Il semble que les américains ne commettent pas la même erreur. Ils cherchent au contraire tous les moyens possibles pour importer en Europe cette extraordinaire « pompe à phynances » qu'est la brevetabilité des logiciels.

Il est en effet difficilement admissible qu'un système d'exploitation libre et gratuit comme Linux taille des croupières à ses concurrents commerciaux en faisant mieux qu'eux ; que de petites sociétés ou des informaticiens individuels diffusent des freewares et des sharewares de qualité gratuitement ou à faible prix, prenant ainsi des parts de marché tout en contribuant à la cyber-diversité...

Dieu merci, les marchands veillaient !

Partant du principe que l'informatique est une chose beaucoup trop sérieuse pour la laisser aux mains des informaticiens, les partisans du brevet logiciel tentent actuellement de faire réformer le droit européen, qui place les logiciels sous le régime du droit d'auteur, ce qui permet une protection efficace contre le piratage tout en laissant la place aux produits concurrents.

Le droit d'auteur protège alors le programme dans son ensemble, et non pas les « trucs » utilisés pour le rédiger (les algorithmes, etc) ce qui oterait toute possibilité de progrès technique, lequel repose forcément sur une technique pré-existante.

À l'inverse, la brevetabilité des logiciels, déjà en vigueur aux Etats Unis, conduit à protéger indûment des choses aussi triviales que les enchères sur l'internet ou la publication d'une base de données sur le web, tout en empêchant les concurrents du titulaire de brevet de proposer des solutions logicielles alternatives.

Reculant les bornes de la logique ultra libérale, conseils en propriété industrielle et éditeurs de logiciels américains tentent actuellement de faire modifier l'article 52 de la convention de Munich, qui interdit cette brevetabilité, sous prétexte de mettre le droit européen en conformité avec le droit supranational, c'est à dire le droit américain.

Heureusement, la résistance s'organise. Une pétition à l'échelon européen a été lancée, certains hommes politiques français, conscients de l'importance de la question proposent une loi destinée à instaurer un véritable « droit à la compatibilité ».

L'avenir dira si les poules ont toujours le droit de pondre sans verser des royalties à Bill Gates !