Le ''Copyleft'' ou l'état des interrogations quant à l'impact des NTIC en tant qu'élément déstabilisateur des règles de propriété intellectuelle

 

L'Histoire de la création et du développement de nos Sociétés a toujours été intimement liée à la récupération d'éléments préexistants, d'idées ou de styles. L'avènement du numérique et des réseaux ouverts ont accentué ce phénomène de mise à disposition au plus grand nombre des idées ou de tout ce que l'on peut regrouper dans la catégorie du matériau intellectuel. En conséquence de quoi, les opportunités de réintégration de ces matériaux dans de nouvelles créations, de reproduction pour un usage personnel ou de diffusion à destination du plus grand nombre se multiplient.

Pour les auteurs, la réappropriation fait partie du processus de création et bien peu, en s'inspirant du style de ou ''à la manière de'' dans leurs compositions, se formalisent de ces empreints directs ou non. Quant au public, ce dernier jouit souvent de ces matériaux de manière libre et ne comprend pas pourquoi cette liberté serait limitée. Le raisonnement suivant est souvent tenu : puisqu'il n'est plus nécessaire d'acquérir le support matériel sur lequel est diffusée l'œuvre alors celle-ci doit être gratuite. Autant il serait normal de payer l'acquisition d'un livre d'art puisque la fabrication de cet ouvrage a un coût, autant une œuvre photographique, un logiciel ou un article de presse diffusé sur internet,  peut et doit être accessible librement et faire l'objet de toutes les utilisations sans contraintes aucunes.

Cette association d'idées amalgame 2 notions foncièrement différentes.

Il est vrai qu'internet, et d'une manière plus large les NTIC, ont induit des changements autant sociaux quant aux liens entre les acteurs de la création qu'économiques qui permettent effectivement de réaliser des économies quant à la conception et à la diffusion d'une œuvre. Le corollaire, en apparence logique, est que cette révolution se devrait donc de mettre à bas l'un des éléments essentiel attaché depuis près de 2 siècles à toute création d'œuvre de l'esprit: les règles de droit d'auteur. Ce droit qu'il faut adapter à cette nouvelle donne, comprendre par là faire disparaître, apparaît pour beaucoup comme un élément archaïque, inadapté à l'environnent numérique et nuisant à la créativité en permettant à des auteurs de conserver un monopole sur leur travail. Ce qui semble être vrais pour le droit d'auteur l'être d'ailleurs pour certains de l'ensemble des règles de droit qu'il ne faudrait surtout pas voir s'appliquer à Internet. La multiplication actuelle des actions judiciaires contre le public mettant en ligne des données contrefaisantes ajoute encore à ce sentiment de recul face au droit, par ailleurs souvent du fait d'un rendu partiel des situations par les médias.

L'on tend ainsi à assimiler la révolution du numérique comme une révolution technologique qui, en  permettant une large dissémination des œuvres et de la connaissance, serait le seul facteur nécessaire à garantir l'émergence  d'une forme de droit universel à disposer librement des œuvres crées par d'autre et ce dans une communauté électronique autogérée.

Il n'en est rien.

Prétendre que le droit d'auteur est inadapté aux NTIC serait méconnaître les circonstances de sa naissance.

Si ce terme de NTIC n'existe que depuis peu, les procédés qu'il décrit remontent à bien plus loin que les 2 dernières décennies. L'on peut aisément assimiler la presse de Guttenberg comme la première manifestation de ces outils de diffusion de l'information. Les instruments qui ont suivi (le télégraphe, le téléphone, la diffusion par ondes hertziennes,…) n'en sont des évolutions techniques.

Ce corps de règles qu'est la propriété intellectuelle, et son pendant, la propriété littéraire et artistique plus communément appelée droit d'auteur, est né de ces révolutions techniques. Et tout au long des siècles et jusqu'à maintenant, le droit s'est avéré parfaitement apte à appréhender toutes les formes de création générées par ces nouvelles technologies, tout en garantissant un cadre juridique stable permettant une diffusion accrue des œuvres et en favorisant tous les acteurs de ces révolutions.

Les auteurs ont pu donc tirer profit de cette diffusion accrue que permettent ces outils, tout comme le public avec l'accroissement de la circulation des idées et de l'information. Mais ce progrès technique signifie que le créateur  peut voir son travail être déformé, son art amputé, ce qui a fait naître les droits patrimoniaux et moraux de l'artiste.

De plus, ces nouveaux diffuseurs que sont les imprimeurs doivent trouver un intérêt à assurer ce service de la diffusion. C'est en ce sens que le droit de copier, utiliser, distribuer et modifier l'information leur a été pour la 1ere fois attribué en Angleterre par le Statute of Anne de 1710 qui réglementait l'édition d'ouvrages.

Enfin, le principe de l'apposition d'un droit privatif sur une œuvre de l'esprit peut représenter un risque pour le public et l'intérêt général en limitant l'accès à l'information et à la culture d'où la mise en place d'exceptions au monopole de l'auteur.

L'objet du droit d'auteur est de concilier ces intérêts divergents et les NTIC, en ayant pour effet d'accroître les  interactions entre ces acteurs, nécessitent plus que jamais le recours au droit. Car la richesse produite par nos sociétés est dématérialisée et les concepts ont dorénavant des valeurs biens plus grandes que les outils permettant de le mettre en œuvre: ce n'est pas par hasard si de nouveaux empire se battissent tous les jours sur la fourniture d'un simple service.

La propriété intellectuelle, par l'apposition d'un droit incorporel sur un matériau qui ne l'est pas moins,  cherche à élaborer un contrat social au bénéfice de chacun de ces acteurs.

Il en découle certains principes permettant à l'auteur de contraindre les autres ''cocontractants'' ne respectant les bases de cet accord.  Le fait de numériser ou de télécharger une œuvre numérisée d'un ordinateur à un autre sans l'autorisation du titulaire des droits constitue un acte de reproduction soumis à la permission de l'auteur, indépendamment de la notion de support. Car lorsqu'une photographie est dupliquée par numérisation ou un texte  par photocopie, ce n'est pas la reproduction du support lui-même qui est reprochée mais l'atteinte à ce droit incorporel protégeant l'auteur, l'acte physique de reproduction ne constituant que la matérialisation de la contrefaçon. Le droit d'auteur français, du moins il y encore quelques années, protège avant toute chose la manifestation de la personnalité de l'auteur et non pas son travail de manière absolue. C'est ce critère que le juge utilise pour déterminer, en cas de conflit, si une œuvre est originale ou pas et donc si elle est susceptible de faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur.

Cette atteinte à l'exercice des droits patrimoniaux de l'auteur, qui se voit privé de son droit à jouir financièrement de son travail, peut se voir doublée d'une atteinte à l'intégrité de son œuvre et incidemment d'une atteinte à sa personnalité. C'est dans ce cas la fonction du droit moral de l'auteur que de le prémunir contre ces atteintes qui peuvent consister en la reproduction de son œuvre sans notifier du nom du créateur ou d'une dégradation de la représentation de cette dernière.

Ce critère d'originalité répond à la nécessité d'élaboration de ce contrat social déjà évoqué car cela permet à l'auteur d'être protégé d'un point de vue personnel tout en permettant à l'idée qui sous tend son œuvre de rester librement accessible.

Pour exemple, les idées transcrites dans ces lignes ne peuvent faire l'objet d'aucune appropriation légale de la part de son auteur, ni de quiconque, et cela est tant mieux car ces mêmes idées ont très certainement déjà fait l'objet d'une matérialisation par d'autres personnes. En revanche, la mise en forme qui apparaît telle quelle assure à ce texte une protection en tant qu'œuvre originale. Toute reproduction non autorisée serait considérée comme une contrefaçon. Le parallèle existe pour toutes les catégories d'œuvres de l'esprit: s'il n'est possible de reproduire librement une photographie ou un tableau, rien n'empêche quiconque le désirerait de reproduire le même paysage. Ce principe, qui paraît naturel, vaut de même pour les logiciels, du moins pour l'instant.
Car la  prochaine brevetabilité des logiciels annoncée par  la communauté européenne et l'Office Européen des Brevets ( OEB ) pourrait permettre à quiconque de devenir ''propriétaire d'un paysage'', comprendre l'idée véhiculée par l'œuvre.

De plus, le droit d'auteur prévoit des exceptions au monopole de l'auteur, même en cas de reproduction à l'identique d'un texte ou d'une photographie, qui dispense le public de devoir une quelconque rémunération en cas d'utilisation, de reproduction ou de diffusion de cette dernière. C'est la possibilité par exemple pour le public de reproduire un exemplaire d'un disque musical pour son utilisation personnelle, un article de presse à des fins de critique journalistique ou de parodie, …

Ce qui a été abordé est la propriété intellectuelle et artistique ou droit d'auteur, qui n'est qu'une branche des règles de propriété intellectuelle. Cette catégorie comporte également la propriété industrielle qui est la partie des brevets d'invention dont la finalité est utilitaire et économique.

Cette branche du droit prends également en compte la notion de contrat social de la façon suivante.

Imaginons que le découvreur d'un procédé industriel novateur souhaite à juste titre exploiter et tirer profit de son invention. Pour cela, il doit la divulguer auprès du public. Mais il s'expose alors à la reprise de cette idée par des concurrents qui, possédant des capacités financières supérieures, exploiteraient son invention plus rapidement et évinceraient notre inventeur du marché avant même qu'il n'ait commencé à produire lui-même. Ce dernier peut donc être découragé de divulguer cette idée ce qui nuirait au progrès de la société et à l'intérêt général. Les règles de propriété industrielles lui permettent alors de protéger son procédé en réalisant le dépôt d'un brevet d'invention et disposer d'un monopole exclusif. Mais l'on voit se profiler un autre danger, celui inverse de l'abus de ce monopole. Une idée révolutionnaire, en devenant la propriété exclusive d'un seul individu, peut une fois de plus priver la Société d'une avancée technologique. Rien n'empêcherait par exemple l'industrie pétrolière de faire breveter un modèle de voiture électrique performant et ainsi de protéger ce secteur d'activité. C'est pourquoi le déposant du brevet à l'obligation d'exploiter son invention qui est destinée à terme à retomber dans le domaine public. L'inventeur aura ainsi le temps de rentabiliser ses investissements, d'en faire bénéficier le plus grand nombre et de permettre à l'expiration de son monopole la réutilisation de son invention par des tiers qui chercheront à l'améliorer.

Enfin, l'auteur peut librement décider du devenir de son œuvre comme il l'entend. Car si le droit d'auteur appose un monopole sur son travail, l'auteur n'est nullement enfermé par ce corps de règles. Il peut autoriser ou pas au public la reproduction de son œuvre de quelques manières que ce soit et sur n'importe quel support, de sa communication au public par tout moyen, des modes de distribution,…

Par cette démonstration, il apparaît que les règles de propriété intellectuelles n'ont pas systématiquement un effet néfaste sur la création et l'inventivité.

En revanche, l'on peut poser la question de situer l'éthique d'une récupération jugée actuellement illicite en réaction à une lecture mercantiliste des règles de propriété intellectuelle au profit des seuls producteurs et diffuseurs de contenus.

Alors que le droit est sensé apporté un équilibre ente les intérêts de chacun en empêchant l'appropriation absolue  du matériau intellectuelle, l'on assiste avec l'émergence des NTIC à une défaillance de ce système. Non pas que le droit soit inadapté par nature aux réseaux ouverts, il apparaît en revanche en décalage face aux prétentions des industries de l'art, et au commerce international  de la culture de masse, qui voit dans ce corps de règle un moyen de renforcer son monopole au détriment des libertés fondamentales d'un public considéré à présent comme un ''pirate'' potentiel.

Si les modifications auxquelles le droit d'auteur est actuellement confronté relèvent d'une nécessité d'adapter structurellement ce dernier aux conséquences des NTIC, les modalités de ces évolutions apparaissent en grande partie être inspirées par les producteurs de contenu s'appuyant sur leur pouvoir économique pour influencer les gouvernements et les instances internationales en charge d'élaborer le droit d'auteur tout en s'appuyant sur une lecture partiale de ces événements liés aux NTIC.

De nouveaux facteurs déstabilisants sont apparus avec le numérique.

Les facteurs énoncés sont autant de raisons avancées par les opposants aux règles actuelles de propriété intellectuelles, où à l'apposition de règles tout cour,  pour arguer de leur inadaptation au monde numérique et justifier de leurs disparitions. Mais contre toute attente, le droit d'auteur s'est montré parfaitement capable d'accompagner la naissance de l'environnent découlant des NTIC. Il se définit en effet comme un corps de règles pouvant appréhender toutes formes de créations, quels que soient leurs modes d'expression et leurs supports. Lorsque que l'on met en corrélation cette approche avec le numérique, l'on se dit que le propre des réseaux est justement l'absence de tels supports. Mais le droit d'auteur protège depuis maintenant 2 siècles la représentation d'une pièce de théâtre ou d'une chorégraphie au même titre qu'une photographie ou un tableau. Il n'a donc pas attendu l'apparition du numérique pour s'adapter à l'absence de support physique et ainsi qu'aux représentations éphémères. D'un point de vue purement juridique, le droit d'auteur justifie pleinement son existence, ce qui ne veut pas dire qu'il ne subit pas les évolutions des NTIC

Car les modifications du droit auxquelles l'on assiste aujourd'hui sont davantage le fait de facteurs exogènes à la matière: à savoir la naissance d'un marché international de la création annoncé comme une source colossale de profits ainsi que les pressions de ceux ayant pour intérêt à ce que les règles de propriété intellectuelles ne servent leurs seuls intérêts.

Dans un système capitalistique, la vente du support de l'œuvre et la notion de droits d'auteur sont 2 notions entremêlées quoique distinctes.

S'il est possible à l'acquéreur d'un tableau de céder à nouveau ce dernier à un tiers sans avoir de comptes à rendre à l'auteur, il ne lui est pas permis de modifier l'œuvre, de la reproduire et de la diffuser sans en avoir reçu  l'autorisation auprès de l'auteur. Le faire en passant outre constitue une atteinte à un droit incorporel et à l'expression  de la personnalité de l'auteur matérialisée dans l'œuvre, ce qui peut parfaitement se concevoir: un auteur ne désire peut être pas voir sa musique déformée et réutilisée commercialement pour faire la promotion de produits de grandes consommations.  Mais cette atteinte, qualifiée de contrefaçon selon une définition juridique qui ne tient compte aucunement de la finalité de l'acte, est omniprésente dans cette ère du numérique et du réseau: que cela soi le fait d'artistes intégrant une œuvre préexistante dans leurs propres créations  (par photomontage, par sampling etc.), la reproduction in extenso de l'œuvre par le public sans apporter de modification ou bien encore la duplication en grande série par des organisations criminelles. Le droit d'auteur  place ces actes sur le même plan qui est la protection absolue et objective de toute production de l'esprit humain, elle ne fait aucune distinction entre le détournement d'une œuvre dans le cadre d'une utilisation commerciale et la duplication d'une photographie par un internaute désirant la placer en fond d'écran de son ordinateur. Rappelons que le droit d'auteur originel cherchait à protéger les intérêts pécuniaires de l'auteur comme l'intégrité de son œuvre. Peut être la reproduction de la photographie en fond d'écran va nuire à cette intégrité par une résolution d'écran insuffisante et que cet internaute aurait du acheter un exemplaire de l'œuvre auprès de l'artiste, dans ce sens il s'agit d'un manque à gagner pour ce dernier. Mais de cela, seul l'auteur est seul capable d'en décider, peut être considéra t'il que la reproduction de son œuvre, certes dans une qualité d'image moindre, constitue avant tout une reconnaissance de son art et à contrario un bénéfice pour la société tout entière.

Le fait est que depuis la création de ces règles, l'on a assisté à un déplacement du centre de gravité de la création ainsi que de la finalité de cette dernière. De la notion d'auteur, l'on est passé à celle de titulaire de droits qui n'ont que rarement intérêt à promouvoir la dissémination de l'art et de la culture.

Car la notion même d'œuvre, ainsi que sa finalité, ont changé.

Hier il fallait entendre le reflet de l'esprit créatif d'un artiste travaillant seul, les œuvres qui naissent de nos jours sont le plus souvent le fait d'une équipe recrutée par un producteur et travaillant sous ses instructions. La finalité de ce travail en commun est purement économique : la rentabilité de cette œuvre ne sera permise que si sa large diffusion est assurée, à l'inverse d'un tableau qui n'acquiert sa valeur du fait même de son caractère unique, et à condition qu'un monopole sur l'exploitation de cette dernière ne soit garanti.
La dépersonnalisation de la protection de l'œuvre de l'auteur n'est que la conséquence de la dépersonnalisation de son travail. L'œuvre multimédia requiert tant de compétences diverses qu'arriver à distinguer l'apport d'un artiste parmi d'autres devient de plus en plus ardu. Et il s'agit bien de cela : ce n'est plus la création qui est l'objet de la protection par droit d'auteur mais l'investissement. Les auteurs ayant participés à cette création se verront rémunérés pour leur compétence et non plus pour leur créativité. Le corollaire de ce changement est la perte des droits d'auteur sur l'œuvre créée collectivement ce qui se traduit souvent par une présomption de cession des droits au bénéfice des commanditaires qui deviennent seuls titulaires des droits patrimoniaux.

Le rapport du public à l'œuvre tends lui aussi à se modifier.

Les  nouvelles possibilités d'interaction permettent à présent à un public auparavant destinataire passif de l'œuvre de devenir de plus en plus souvent coauteur de l'œuvre, le meilleurs exemple est celui des logiciels libres: à chaque modification de Linux par un programmeur correspond la création d'une œuvre nouvelle.

La fonction des intermédiaires, auparavant incontournable dans les processus de conception et de diffusion de l'œuvre, va en se réduisant.

L'Histoire nous a montré qu'à chaque introduction de nouvelles techniques de diffusion de l'information et du savoir, l'on a assisté à chaque fois à une remise en question du rôle des acteurs de cette diffusion ainsi que des principes réglant les échanges entre l'auteur d'une œuvre et son publique. S'il est un lieu commun de réaffirmer cela aujourd'hui avec le développement des NTIC, le bouleversement auquel nous assistons, à savoir l'avènement de la société de l'information par le biais des réseaux ouverts, amène les acteurs directement concernés, les auteurs et les intermediaires-producteurs, après une période d'observation méfiante, d'essayer d'adopter de nouvelles stratégies, dont de d'influer à la  formation d'un droit favorable à leurs intérêts, de manière à conserver leur position parfois monopolistique. Si beaucoup de ces intermédiaires adoptent de nouvelles stratégies afin d'améliorer la fourniture d'un service, d'autres n'ont que pour objectif que de tout simplement perdurer en tenant de conserver ou de retrouver un monopole mis à mal par l'apparition de nouveaux acteurs.

L'augmentation sans cesse croissante des échanges internationaux  du fait des réseaux ouverts mais aussi du fait du développement des technologies de communication durant tout le 20e siècle ont pour conséquence logique une reformulation des fondements du droit d'auteur.

Cette base a notamment trouvé naissance dans le cadre des accords instituant  l'OMC (accords ADPIC qui harmonisent les droits d'auteurs d'un point de vue commerciale) qui imposent aux Etats d'organiser des procédures judiciaires et/ou administratives pour faire respecter les droits de propriété et prévoient des mesures de rétorsions croisées. Des compromis ont donc été trouvés pour jeter une base juridique commune et s'il en ressort que le droit de l'auteur défini dans ces accords reconnaît à l'auteur le bénéfice d'un monopole temporaire sur son travail, ce n'est pas tant le Copyright anglo-saxon qui s'exprime que le reflet d'une réalité où l'œuvre multimédia acquiert le statut d'une marchandise.

Il ne faut donc pas se leurrer sur les fondements des récents accords internationaux réglant le droit d'auteur. Si la convention de Berne de 1886 a été la première du genre à tenter d'harmoniser les dispositions en matière de propriété intellectuelle entre les nations, en imposant un minimum en matière de protection, il n'en est pas de même des nouveaux traités apparaissent comme les ADPIC ou l'AMI qui dont la finalité est tout autre. Ces nouveaux accords font acte de la valeur à donner au commerce de l'immatériel, les œuvres de l'esprit font dorénavant partie du domaine marchand et les  législations  nationales ou européennes se dessinant autour de cette nouvelle donne modifient le droit d'auteur classique afin de le rendre compatible avec un commerce à dimension international autant que d'en faire un instrument de défense commercial.
Cette internationalisation vaut pour les échanges mais aussi pour la conception d'une œuvre, aussi bien dans la collaboration d'un nombre toujours croissant d'auteurs à une même œuvre que dans l'accroissement du nombre de données disponibles pour mener à terme un projet. Le droit d'auteur s'est donc appliqué à prendre en compte le rôle croissant des personnes morales dans la création, à accentuer la protection des œuvres sur celles déjà existantes mais à l'étendre à tous ce qui touche de près ou de loin au résultat du travail de l'intellect: l'on a ainsi vu les bases de donnée et les logiciels protégés par le droit d'auteur en Europe davantage pour contrer le droit anglo-saxon et concurrencer l'industrie culturelle Nord Américaine que pour respecter un la personnalité de l'auteur individuel. Le droit d'auteur et plus généralement la propriété intellectuelle servent dorénavant les intérêts des nouveaux auteurs: les investisseurs. Mais cette adaptation n'a en soi rien d'anormal: la montée en puissance de l'économie de l'art et du divertissement et l'influence de plus en plus importante des investisseurs se devait d'être pris en compte.

Ce qui est critiquable est que ces nouvelles règles de propriété intellectuelles n'effectuent plus le pesage des intérêts entre le public et les titulaires de droits.

Car le droit d'auteur possède, ou devrai posséder, une double finalité: celle de protéger l'auteur en lui assurant à la fois le respect de son travail comme la jouissance pécuniaire de ce dernier et de garantir à la société un accès gratuit dans certaines circonstance afin de tirer profit de cette création. Le phénomène de transformation du droit d'auteur auquel l'on assiste actuellement à un niveau international est provoqué par la naissance de nouvelles œuvres demandant toujours plus d'investissement, par l'émergence d'un marché mondial su lequel le commerce du fruit de l'intellect humain acquiert une importance de plus en plus évidente. Cette évolution pousse le droit d'auteur européen et notamment français à s'orienter vers une libéralisation des échanges économiques entre les nations, en tenant davantage compte des intérêts des producteurs que des auteurs et du public.

L'on voit donc émerger une notion transnationale du droit d'auteur, se rapprochant de la notion de Copyright nord-américain.

Car toute communication sur Internet d'une œuvre implique une diffusion mondiale et aux vues de la diversité des droits reconnus aux artistes dans les différents pays, des accords internationaux se doivent d'harmoniser les régimes juridiques de ces pays en terme de protection. Mais la question se pose de savoir sur quelle base sont établies ces règles. Il est indéniable que le droit d'auteur anglo-saxon, ou Copyright, possède une hégémonie quasi mondiale qui influence la conclusion d'accords internationaux comme la formation du droit d'auteur en Europe par le biais des directives européennes.
La raison pour laquelle l'esprit du Copyright prédomine tient à ce que la conception d'un produit multimédia requiert de plus en plus des compétences et des moyens toujours plus nombreux. Il est donc logique pour un producteur ayant réunis ces compétences et investit dans ce projet puisse se voir garantir que les fruits de son investissement lui reviennent.

Qu'en est-il du respect de l'auteur de l'œuvre vis à vis du devenir de son travail dans les 2 systèmes de droit ?

Le droit d'auteur français, et dans une certaine mesure le copyright, protègent tous deux le droit moral de l'auteur notamment en prévoyant que son droit à la paternité et à l'intégrité de celle-ci puissent être respectés. Tandis que le droit moral Anglo-saxon accepte de respecter la personne de l'auteur dans la mesure où la mise en œuvre de ce droit ne nuit pas aux intérêts de son producteur, à l'inverse, le droit d'auteur français prévoit que le droit moral d'un auteur lui permette de rectifier ou de retirer du marché son œuvre s'il juge qu'elle a été dénaturée ou qu'elle est incomplète. L'on entrevoit aisément les répercussions pour un éditeur si est demandé le retrait du marché d'un produit distribué à des milliers d'exemplaires. Cette option est aujourd'hui inacceptable lorsque des sommes colossales sont en jeux. Il faut cependant noter que l'auteur, de manière générale, devra indemniser l'éditeur pour le manque à gagner et que le législateur, pour certains types d'œuvres, a refusé cette possibilité à l'auteur. Il en est ainsi pour les œuvres collectives ou bien pour les logiciels crées par un salarié. D'une manière plus générale, les nouveaux accords de libre échanges internationaux prévoient quant à eux la fin pure et simple du droit moral dans toutes circonstances.

En fait, droits d'auteur français et américain semblent s'opposer sur un point essentiel : il s'agit de la distribution du revenu de l'exploitation d'une œuvre. Le droit français attache cette rémunération à l'auteur physique de l'œuvre tandis que le Copyright favorise celui qui possède les droits sur cette dernière.

Notre droit est sans doute parmi les plus protecteurs au monde, de par à la fois le nombre considérable de droits moraux et patrimoniaux attachés à la personnalité de l'auteur et par la durée de cette protection qui peut aller jusqu'à 70 ans après le décès de ce dernier. Le copyright anglo-saxon n'accorde qu'un monopole limité dans le temps au détenteur des droits patrimoniaux : en fait 50 ans pour une œuvre personnelle depuis l'adhésion des Etats Unis à la convention de Berne. Vu sous cet angle, le tant décrié copyright que l'on annonce empêcher la création artistique, en faisant en sorte que les œuvres tombent plus vite dans le domaine public, à l'inverse permettrait leur réutilisation ou leur adaptation sans que le versement de droits ne soit nécessaire. Excepté que le copyright révèle ici sa nature protectrice du commanditaire car, depuis 1978, une œuvre dite collective (la titularité des droits appartient à l'entreprise ayant dirigée la conception de l'œuvre) est protégée soit 75 années après sa divulgation au publique, soit 100 ans après sa création alors que le droit d'auteur français prévoit de protéger de telles œuvres 70 ans après leur publication seulement depuis 1995. Les droits d'auteur français et anglo-saxon, que ce soit de manière factuelle de par l'influence du marché ou bien par le biais de dispositions légales, s'ils ne partagent pas en esprit la même conception du droit d'auteur et de sa protection, aboutissent tous 2 à la même surprotection du détenteur du monopole d'exploitation de l'œuvre avec à terme le même résultat qui est de favoriser l'éditeur à l'artiste.

La régulation concernant les échanges culturels par l'aménagement du droit d'auteur est loin d'être neutre.

En matière de droit d'auteur, les juristes chargés de mettre en place une régulation sensée préserver les intérêts des acteurs dans le processus de création comme de diffusion et le publique, sont confrontés à des pressions sans précédents de par les intérêts commerciaux et financiers en jeu. L'actuelle difficulté pour la propriété intellectuelle est multiple.

Il s'agit à la fois d'appréhender des media nouveaux pour elle qui la pousse à remettre en cause les traditionnels droits moraux et patrimoniaux existants au bénéfice de la personnalité de l'artiste depuis plusieurs décennies, et à le faire rapidement de surcroît car nul échange n'est possible sans un minimum de sécurité juridique. Le tout en prenant soin de ne pas céder à la tentation d'effectuer ces changements dans la précipitation et au plus grand bénéfice des éditeurs de contenu.

Un facteur non négligeable influençant le droit d'auteur est le facteur politique qui se joint aux lobbies pour protéger un secteur économique défaillant. Ainsi, le législateur français a attendu 1985 pour officialiser la contestable protection des logiciels par le droit d'auteur. Une protection d'autant plus critiquable que le droit d'auteur protège les œuvres sans que celles-ci ne possèdent une quelconque utilité économique : l'œuvre doit de plus refléter la personnalité de l'auteur. Un programme d'ordinateur ne remplie absolument pas ces critères vitaux de protection : l'écriture en code machine ne reflétant aucune personnalité de son créateur. Cette loi de 1985 est en fait le résultat du lobbying des sociétés éditrices de logiciels  désireuses de conserver un contrôle absolu sur leur production. L'état y trouvait son intérêt car durant toutes les années de l'après-guerre, les logiciels étaient développés aux Etats-Unis : il était alors plus aisé pour les industriels français de copier ce qui existait plutôt que de créer des applications nouvelles. Lorsque les devellopeurs français se sont plaint que leurs produits faisaient à leurs tours l'objet de contrefaçons et que les Etats Unis faisaient déjà protéger leurs logiciels depuis plusieurs années, la France a légiféré pour une protection accrue. De même, en matière de production audiovisuelle, le producteur d'une œuvre cinématographique était longtemps présumé être le seul auteur et ce à une époque où la France réalisait 90% des films produits dans le monde. A l'heure actuelle, le réalisateur et le producteur sont présumés être coauteurs, alors même que l'industrie cinématographique française a beaucoup perdu de son influence dans le monde.

L'intégration systématique des fruits de l'intellect humaine, comme le programme d'ordinateur qui ont avant tout une finalité utilitaire se rapprochant bien plus, du moins en esprit, de la protection par le brevet d'invention, en arrive à dénaturer le droit d'auteur et à le faire devenir un instrument de prédation à l'encontre de concurrents, un outil permettant de conserver un monopole, ce en quoi l'exemple du secteur du logiciel constitue un exemple flagrant.

Le développement du piratage est certainement l'un des arguments les plus redoutables de la part des éditeurs de contenu pour justifier d'un renforcement de leurs droits.

Ce problème a toujours été d'actualité, notamment lorsque les enregistreurs de cassette audio ont permis la reproduction illicite d'œuvres musicales à grande échelle. Le problème a été identique lorsque sont apparus les magnétoscopes. Car il existe une exception du monopole de reproduction de l'auteur sur son œuvre : il s'agit de la copie à usage privé. Chaque individu peut reproduire une œuvre audiovisuelle ou sonore car un fond d'indemnisation taxant la vente de support magnétique rémunère les sociétés d'auteurs et les producteurs au prorata des pertes supposées que subissent les titulaires de droit de par les reproductions illicites. Ce qui était pendant longtemps une exception naturelle au monopole de l'auteur est devenue un droit dont la société doit s'acquitter auprès des producteurs.

Aujourd'hui, le problème se retrouve avec la duplication par numérisation : il ne s'agit plus de copie mais de clonage parfait. Lié à la large diffusion de ces moyens de reprographie dans le grand public et au manque de moyen de contrôler le nombre de copies réalisées, un projet de directive européenne, actuellement en seconde lecture devant le parlement européen, dissocie copie privée numérique et analogique en considérant la 1ere catégorie comme un acte de piratage potentiel. Là encore, les sociétés d'auteur ont su se montrer très convaincantes. Il était bien plus facile et rapide de tomber dans cet excès permettant la sauvegarde des intérêts financiers des auteurs et des producteurs de phonogramme mais ne réglant en rien les failles structurelles régnant dans le système de rémunération des auteurs que de réfléchir à un nouveau mode de diffusion des œuvres musicales.

Plus encore, la multiplicité des protections reconnues aux auteurs, qu'ils soient personnes physiques ou personnes morales, aux producteurs de bases de données et de phonogrammes rendent toute exploitation nouvelle ou intégration dans une œuvre composite (œuvre nouvelle qui intègre une œuvre préexistante) par un artiste, extrêmement difficile. L'obtention d'autorisation est dans ce cas indispensable au risque de se voir condamner pour contrefaçon mais souvent la diversité des œuvres intégrées rends très difficile de telles demandes. Pourtant, lors d'une réunion informelle s'étant dernièrement déroulée à Paris et réunissant les représentants des 70 plus importantes sociétés de diffusion, le Président de la république française ainsi que le 1er Ministre ont rappelé que le bien culturel ne saurait être considéré comme un bien normal et ont insisté sur l'importance de protéger les industries productrices de contenu. Ce qui vaut pour la France vaut également pour le reste du monde et l'on constate ainsi que les nations penchent toutes pour une surprotection de leur secteur de la production de bien culturels.

L'on se dirige vers une surmultiplication à la fois des types de protection sur les œuvres et du nombre de détenteurs de droits.

L'élargissement du champ de la protection lié aux effets de NTIC ne va pas sans poser de sérieuses difficultés.

Car aujourd'hui, la réalisation d'œuvres composites est monnaie courante en matière de multimédia et l'intégration d'une œuvre préexistante dans un travail de création impose de demander l'autorisation à l'auteur et donne droite à rémunération pour l'auteur originel si celui-ci le désire. Mais la difficulté qu'il existe à retrouver le ou les titulaires des droits sur une œuvre rend de plus en plus délicat la création de telles œuvres en n'incitant pas la réutilisation du patrimoine culturel d'un pays.

L'auteur ou le producteur désirant s'acquitter de tous les droits sur les œuvres qu'il intègre devront effectuer des recherches très longues pour s'assurer qu'une œuvre fait l'objet ou pas d'une protection.

Il en découle que l'intégration d'une œuvre préexistante représente un coût certain pour un résultat lui plus qu'incertain. Le risque d'une condamnation pour contrefaçon ajoutant encore à ces incertitudes car s'il est très malaisé de retrouver le ou les ayants droits d'un auteur parmi une descendance nombreuse, il y a fort à parier que, même à défaut de parler de succès rencontré auprès du public par l'œuvre composite, la large diffusion qu'autorise internet d'une telle œuvre permettra aisément à l'ayant droit s'estimant lésé de retrouver trace de l'auteur contrefaisant et de faire valoir ses droits. C'est ce qui s'est d'ailleurs passé il y a peu lorsqu'un descendant du compositeur d'un morceau musical joué dans le film Titanic a entendu une partition créée par son aïeul au générique. S'il se trouve que les producteurs de ce film ont très nettement la faculté de supporter financièrement une action en contrefaçon, il n'en est pas de même de producteurs ou d'artistes indépendants ne présentant pas la solvabilité nécessaire. Et encore dans cet exemple la composition musicale ne jouissait pas d'une grande renommée mais dans le cas d'une œuvre connue, la sanction financière est nettement plus élevée.

D'un point de vue pratique, il est actuellement très difficile pour le producteur d'une telle œuvre de ne pas contrefaire une œuvre existante de par la multiplicité du type de contribution réutilisée dans le cadre d'une œuvre composite. L'œuvre multimédia fait de plus de plus intervenir le droit d'auteur mais encore les droits voisins des producteurs de disque, le droit suis generis des bases de données et la protection des logiciels, sachant que certaines de ces œuvres sont tombées dans le domaine public mais ont pu être réutilisées, adaptées et donc faire l'objet d'une nouvelle protection. Il n'existe pas actuellement de guichet centralisé en France où les producteurs peuvent s'assurer de respecter les droits déjà existants même si, en France, des sociétés d'auteurs se sont regroupées autour de SESAM, une société chargée de gérer les droits des auteurs qui voient leur œuvre intégrée dans une œuvre multimédia.

Au delà d'un débat idéologique sur l'opportunité de la protection par le droit d'auteur, il apparaît que son respect s'avère bien souvent tout simplement impossible. Ainsi le phénomène de la contrefaçon lié à internet qui nous présenté par les producteurs de contenus comme une atteinte insupportable à leurs prérogatives n'est pas aussi monolithique que l'on pourrait le penser, aussi bien dans ces causes que dans ses effets.

Pertinence et opportunité d'une protection systématique.

Ce siècle se caractérise par la venue d'une culture de media dont la prédominance d'un petit nombre, tend à propager un modèle de pensé monolithique. Cette uniformité des sources d'information influe directement sur les acteurs sociaux qui ne battissent plus leur pensée sur leur propre expérience mais sur les opinions qu'ils reçoivent. A l'heure où le droit d'auteur subit des influences qui auront des répercussions certaines sur la vie quotidienne de chacun d'entre nous, il apparaît comme nécessaire de donner toute son effectivité à la révolution du numérique sensée permettre à tout un chacun d'échanger des points de vue croisés.

Le fait est que les propriétaires du matériau intellectuel et des systèmes de diffusion ont un discours dont l'objet même ne fait aucune mention à un débat sur l'opportunité même de la notion d'appropriation. Notre société contemporaine semble ainsi intimement convaincu que toute création doit impérativement s'accompagner de l'apposition d'un droit privatif. Mais ce discours manichéen, notamment à propos du phénomène de la contrefaçon qui est présentée aujourd'hui soit comme étant  simplement licite ou illicite, est principalement propagé par ceux qui tirent profit du système actuel et qui souvent sente leur position d'intermédiaires menacée par les évolutions des NTIC.

Or, il faut bien voir que, même économiquement, l'opportunité d'une protection des outils et celle des créations produites se pose en termes opposés. Car, si les premiers supposent un réel investissement intellectuel qui justifie en équité  la recherche d'une protection, leur utilisation pour obtenir des créations commercialisables vise précisément à épargner de tels investissements dans l'obtention de ces créations.

Ce qui veut dire qu'en face de telle ou telle œuvre, toutes les voies sont à explorer : protection factuelle ou juridique, réservation privative ou non, brevet ou droit d'auteur, etc. Mr Ejan Mackaay, professeur de droit à l'université de Montréal pense de même lorsqu'il écrit que " les droits de propriété sur l'information ne doivent être attribués que de façon exceptionnelle et uniquement dans la mesure où ils sont nécessaires pour rentabiliser la création et la mise en circulation d'informations''.

Mais faut-il encore que ceux qui décident d'attribuer un droit de propriété le fassent en prenant en compte les intérêts de chacun, en représentant l'ensemble des partis à ce contrat social, supposé défendre l'investissement, la création et l'intérêt général de la Société, qu'est l'attribution d'un droit privatif sur une œuvre de l'esprit.

C'est là une des caractéristiques du droit actuel que de restreindre de plus en plus les traditionnelles exceptions au monopole de l'auteur pour le public.

Alors que le début de l'ère numérique aurait pu être l'occasion de reformuler un droit équitable et propre à promouvoir la société de l'information, l'on assiste à la naissance d'un droit inégal qui permet de faire dire à ses détracteurs qu'il est inadapté à l'environnement numérique.

Toutefois, en examinant les nouvelles dispositions en matière de droit d'auteur telles qu'elles ont été reformulées notamment par les récentes directives européennes, il est difficile d'avoir une lecture précise de ce que sera l'avenir. Mais des perspectives intéressantes s'ouvre à nous. En effet, le droit d'auteur moderne justifie les exceptions au monopole de l'auteur essentiellement par des justifications économiques et non plus par la protection de l'intérêt général. L'on pourrait cependant voir dans ce qui semble une atteinte aux droits fondamentaux du public les prémices à la naissance de nouvelles exceptions, justement basées sur cette lecture mercantiliste du droit d'auteur, qui répondrait à la fois aux impératifs de défense des investissements des producteurs comme de l'intérêt du public. Le juge américain a eu dans ce sens une lecture très intéressante de la législation de son pays.

Deux conceptions s'affrontent sur les orientations à donner au droit d'auteur.

Les défenseurs de l'extension des prérogatives des titulaires de droits arguent que cela permettrait de mieux allouer les ressources en ciblant la demande et de tirer profit de cette rémunération pour accroître leur capacité financière à produire de nouvelles œuvres. Les opposants, dans lesquels l'on peut intégrer les défenseurs de la notion de Copyleft, répliquent que cela ne serait rien de moins qu'une atteinte à la liberté individuelle.

Peut-on en déduire que la protection par le droit d'auteur est défavorable à l'intérêt général ?

Il est certain que la possibilité pour tout un chacun de s'inspirer d'idée ou de tous autres matériaux intellectuels est vitale pour permettre la création, qu'elle soit logicielle ou artistique.

Notre époque est un exemple parfait de cette réutilisation indispensable d'une matière informationnelle ou artistique qui, dans la majorité des cas, n'est pas quantitativement illimitée. L'on voit ainsi apparaître de plus en plus d'œuvres composites (œuvres nouvelles crées à partir d'une œuvre préexistante) permises par les avancées technologiques : qu'il s'agisse de remixage musical ou d'œuvre multimédia sous forme de base de donnée, elle-même intégrant des logiciels permettant la navigation. Les exemples ne manquent pas et ne manqueront pas de se diversifier.

L'ensemble de notre patrimoine culturel n'est fais que de ces empreints au passé car il est illusoire d'imaginer qu'une œuvre, si novatrice soit elle, ait été crée ex-nihilo.

Mais il faut éviter de tomber dans l'excès inverse d'un dogme de la liberté absolue. La protection du travail et de l'investissement apparaît plus que jamais indispensable en stimulant effectivement la créativité. Car la production d'œuvres multimédias nécessite toujours plus de moyens et il est difficilement envisageable de demander aux producteurs de telles œuvres de consentir à les laisser totalement libres de droit et d'accepter que leur concurrent en tirent profit ou bien d'accepter de voir leur œuvre piratée à une telle échelle que les revenus tirés de la diffusion ne couvrent pas les investissements réalisés.

Le droit d'auteur apparaît comme parfois injustement critiqué et menacé de toute part.

Ce dernier offre un choix aux auteurs, car s'il appose un monopole de facto sur la création si les conditions  de mise en œuvres de la protection par le droit d'auteur sont vérifiées, le créateur a toute possibilité d'user de ce monopole comme il l'entend.

Il est en revanche à craindre qu'à l'avenir il lui soit de plus en plus difficile d'assurer sa mission première qui est de trouver un équilibre entre la nécessaire protection entre les investissements intellectuels et financiers mis en œuvre dans un processus de création et la nécessaire protection dont les auteurs doivent bénéficier, avec la possibilité pour tous d'avoir accès, dans le respect du travail des auteurs. Mais ça n'est là le fait d'une prétendue inadaptation structurelle du droit vis à vis des évolutions des NTIC. Car s'il apparaît parfois peu apte à défendre l'intérêt général, il se doit d'affronter de manière inégale une forme de Copyright qui peu à peu le supplante pour ne pas dire lui ressemble, à tel point que l'on peut se demander dans quelle mesure le droit d'auteur franco-français pourra survivre à l'internationalisation du commerce de la création.

Vers un refus de la protection absolue du matériau intellectuel.

Des voix commencent à s'élever contre un droit d'auteur international, dérivé du copyright anglo-saxon, et imprégné des désirs des nouveaux acteurs du réseau de s'approprier toutes les ressources disponibles sur ce dernier. Une des réactions les plus flagrante à cette quasi main mise de quelques acteurs sur le marché stratégique qu'est l'édition de logiciel a fait apparaître un concept tout à fait novateur, le Copyleft, apparu il y a maintenant quelques années avec les logiciels libres dont le plus célèbre actuellement est le système d'exploitation Linux. Un logiciel que l'on peut non seulement obtenir gratuitement mais en plus modifier à sa guise et céder à un tiers.

Il est significatif de constater que le droit d'auteur apparaît comme un obstacle à la fois pour les défenseurs de la libre entreprise comme pour ceux du libre partage des ressources que permet internet, et dont font parti les partisans du Copyleft. Il est intéressant de s'arrêter sur cette double opposition car si le droit d'auteur tel qu'il fut conçu il y a plusieurs siècles ne devait être qu'un reliquat du passé, par nature néfaste à l'émergence d'un environnement favorisant tout à la fois circulation et accès à l'information, et naturellement favorable à l'appropriation stérile du fruit de l'intellect humain, il faut alors s'interroger sur les raisons poussant les producteurs et autres diffuseurs de contenu à faire disparaître les principes présidant à l'élaboration des règles de propriété intellectuelles depuis 2 siècles.

Il est en ce sens indispensable d'avoir une approche pondérée du droit d'auteur, de ne le percevoir non pas comme un obstacle à l'acte de création mais comme un outil qui, utilisé en fonction des aspirations de chacun, peut empêcher à ce fameux village mondial naissant de se transformer en un gigantesque marché quasi monopolistique.

Les précurseurs en matière de logiciels libres l'on parfaitement compris.

En transcrivant leurs besoins de manière juridique dans la licence GPL, ces derniers se sont servis des même règles de droit qui ont permis à Bill Gates, dirigeant de la société d'édition logiciel Microsoft, de détenir en l'espace d'une dizaine d'années 96 % de part de marché dans le secteur des systèmes d'exploitation.

Le Copyleft, puisqu'il est connu sous cette dénomination, est décrit par ses détracteurs comme une lubie de quelques originaux n'ayant aucun avenir, notamment du fait d'un manque de viabilité économique: ceux-ci posent donc la question vitale qui est de savoir quel acteur économique aurait ainsi intérêt à investir dans un produit multimédia sans pouvoir espérer en tirer quelque profit ?

Quelques précisions quant aux œuvres dites libres de droit.

Les logiciels ont été parmi les premières créations à être présentées comme telles. A l'origine développés au cour des années 60 dans les université américaines à des fins de recherche, ils furent par la suite l'objet de protections et de l'établissement de licences d'exploitation propriétaires attachées à chaque exemplaire cédé lorsque ils devinrent des produits de grande consommation. Le logiciel libre n'est donc jamais qu'un retour aux sources du moins dans une acception factuelle.

Le terme d'œuvres libres de droits est aujourd'hui  largement répandu sur un réseau comme l'Internet et l'on peut trouver de nombreuses ressources (logiciels, photos, textes et autres) qui sont annoncés comme libre de droit pour l'utilisateur qui peut les réutiliser et les réinsérer à sa guise dans des programmes multimédia, dans un but lucratif ou non, les dupliquer pour une utilisation personnelle sans  avoir à se préoccuper d'éventuels problèmes de droit. Car l'internet possède toujours la réputation aux yeux du grand public d'être une corne d'abondance inépuisable et surtout gratuite.

Il faut toutefois nuancer tout cela et rappeler au public 2 évidences essentielles à la fois sur l'effectivité de ce qui est annoncé comme libre de droits et la possibilité qu'offre le droit d'auteur, puisque l'on parle ici d'œuvres de l'esprit , à tout créateur d'abandonner ses droits comme il le désirerait.

Il faut en effet avoir conscience que rien ne garantit que les produits présentés comme libres de droits le sont effectivement. La simple mention sur un réseau que le produit offert est libre de droits ne permet en rien de savoir si celui qui affirme cela a qualité pour le faire, s'il est le titulaire originaire des droits présentés comme abandonnés (et il l'est rarement) ou si, au moins, il les a acquis du véritable titulaire.

En matière de droit d'auteur, il est actuellement impossible pour un auteur ou un titulaire de droits le désirant de renoncer totalement à ses droits sur le fruit de son travail. Non pas que le code de propriété intellectuel refuse explicitement une telle renonciation mais il indique que chaque auteur possède des droits moraux et patrimoniaux et que si les droits patrimoniaux sont cessibles, le droit moral reste quant à lui définitivement attaché à la personne de l'auteur. Ainsi, même une œuvre libre de droit ne pourrait être traitée comme l'entendrait celui qui voudrait l'utiliser. Pour exemple, qu'une photo soit déclarée libre de droits ne permettrait pas à celui qui voudrait l'insérer dans une création multimédia de la recadrer ou de la coloriser selon son bon vouloir au risque de nuire à l'intégrité de l'œuvre et au droit moral de l'auteur. Même le copyright américain, qui limite bien souvent le droit moral de l'auteur au seul droit au nom, attribue à ces derniers dans certains états comme la Californie, le droit de faire rectifier cette dernière en cas d'atteinte à son intégrité par un tiers.

Le principe du Copyleft, au travers des logiciels libres, trouve une base parfaite pour s'exprimer.

Une réflexion quant à la propriété des données circulant sur internet a été lancée il y a maintenant quelques années par un homme, pourtant originaire du royaume du copyright : il s'agit de Richard Stallman, le fondateur de la FSF (Free Software Foundation) en 1980 qui définit dans ce qui est connu comme le manifeste du GNU son objectif : concevoir des logiciels libres, logiciels que chacun peut copier, utiliser, modifier et redistribuer à sa guise. Le terme Copyleft a été ironiquement utilisé à cette époque en réaction aux principes du copyright. Ce qui ne signifie pas que ces logiciels soient gratuits : des développements de ces applications peuvent parfaitement être commercialisés mais à condition que le code source soit lui toujours accessible gratuitement.

Il s'agit donc pour les auteurs d'un logiciel libre d'abandonner tous leurs droits sur le devenir de leur œuvre et d'accepter sa réutilisation sans la possibilité de percevoir des revenus selon les règles de propriété intellectuelle.

La particularité de la licence publique générale GNU lancée par la FSF est toujours classiquement de prévoir les conditions de distribution et d'utilisation du logiciel à la différence essentielle que cette autorisation est dépourvue de toute limitation quant à l'utilisation, la distribution et la cession du logiciel du fait même que le concepteur cède l'ensemble de ses droits de propriété sur le logiciel. Le logiciel peut ainsi être intégralement dupliqué, sur tout support, et distribué de manière commerciale ou gratuite: il est donc tout à fait possible de gagner de l'argent en vendant par exemple des développements de ce logiciel et en l'accompagnant d'une documentation. En revanche, les codes sources doivent être librement disponibles et le logiciel ainsi diffusé le sera impérativement sous la licence GPL : il n'est pas possible de restreindre les droits cédés par une licence plus restrictive, ce qui fait dire que la GPL, à sa manière, enferme l'utilisateur tout comme le programmateur dans une logique également propriétaire, même si cela est fait au plus grand profit de la communauté.

En réponse à cela, l'on a vu se développer un courant divergeant de la doctrine originelle qui propose des solution intermédiaires à l'enfermement de la GPL dans un seul et unique type de relation entre programmeurs et public. Selon la définition dite Open Source, ces licences intermédiaires permettent de rendre propriétaire certains développements réalisés sur un logiciel libre.

Si cette approche, qui ne se limite pas à une lecture monolithique de la problématique des logiciels libres, peut aux yeux les partisans de Richard Stallman sembler être une déviance regrettable,  cette dernière ne fait que tenir compte de la diversité des situations et des besoins de ce secteur en proposant une gamme modulable à volonté de cadres juridiques propices au développement non pas du mais des modèles de logiciels libres.

Si un logiciel est présenté comme libre de droit, la licence d'utilisation est néanmoins toujours présente en encadrant la liberté de l'utilisateur.

Il ne s'agit pas de créer une situation anarchique où personne n'est propriétaire du produit final : c'est le cas des œuvres tombées dans le domaine public qui peuvent faire l'objet d'une appropriation par quiconque. Il s'agit bien au contraire de reconnaître l'apport de chacun au projet et d'en faire mention dans la licence GPL.

Les logiciels libres : utopie ou réalité économique ?

Un élément de réponse intéressant à cette question apparaît dans une note interne de Microsoft qualifiant le logiciel libre de "menace directe et à court terme pour les revenus et les plates-formes de Microsoft ".

Ces nouveaux logiciels apparaissent comme une alternative réelle au monopole crée par quelques éditeurs qui prennent soin à la fois d'établir leurs propres standards propriétaires et de ne pas divulguer leurs codes source. Ces mesures protectionnistes ont pour conséquence de réduire l'offre sur le marché, de ne pas pousser les éditeurs à amener de réelles améliorations à leurs produits et d'empêcher l'émergence de nouvelles solutions davantage adaptées aux réels besoins des consommateurs et des professionnels utilisateurs.

Le logiciel libre apparaît comme un élément de régulation du marché qui redevient atomistique et ouvert à une saine concurrence, tant sur les prix que sur la qualité des prestations.

Une diminution de ces prix participerait à endiguer le fléau de la copie illicite, mettrait en grande partie fin à ces flux monétaires illégaux résultant du marché du piratage et ce au plus grand bénéfice pour la rémunération des auteurs ainsi que des éditeurs. L'impact sur le marché de l'emploi n'en serait que plus favorable en permettant le développement d'une industrie de service. L'on peut en conclure que l'Europe gagnerait énormément à l'adoption d'une législation favorable au logiciel libre car la situation de domination des éditeurs américains est telle qu'elle bride l'émergence de petites sociétés porteuses d'idée nouvelles mais incapables de faire face à la puissance commerciale des géants du logiciel : la conséquence en est la délocalisation forcée des cerveaux européens outre atlantique où la constitution de ''start up'' est de plus largement favorisée grâce au système des ''Business Angels'', des capital-risqueurs privés prêts à investir des fonds important sur une idée novatrice. Mais cette manne n'est permise que par l'espérance d'un retour sur investissement très rapide, un espoir fondé sur la protection de l'invention par le brevet d'invention.

Cet enjeu de la brevetabilité du logiciel entre l'Europe et les USA est fondamentale car décidera de l'avenir du logiciel libre.

Car, jusqu'à maintenant, l'Europe s'est toujours refusée à reconnaître la protection des logiciels par le brevet, ce qui aurait permis au détenteur d'une telle licence de se réserver le plein et entier usage d'une application. En revanche, ce système de brevetabilité est en usage aux USA. Si cela devenait possible en Europe, ce serait la fin du logiciel libre de par l'impossibilité pour les jeunes entreprises de développer un logiciel sans avoir à demander une licence au breveté, lequel n'aura aucun intérêt à permettre à d'éventuels concurrents de naître.

Une base de réflexion: la non protegeabilité des idées.

Il a toujours été décidé que le logiciel ne pouvait être protégeable car il se rapproche davantage de l'idée que de l'invention : une idée ne pouvant faire l'objet d'une protection au risque que son appropriation ne nuise à l'intérêt général. Le même principe prévaut en matière de droit d'auteur et il a fallu la loi de 1985 pour que le législateur ne fasse entrer artificiellement le logiciel dans le champ de la protection par droit d'auteur pour satisfaire aux intérêts des SSII.

Car aussi bien l'article 52 la convention internationale de Munich sur le brevet Européen de 1973 que le législateur français et la jurisprudence de l'Office Européen des Brevets (organisme en charge de la gestion des brevets européens et regroupant 19 états), ne permettent, en théorie, la brevetabilité d'un logiciel. En théorie seulement car il a été accepté que des calculateurs associés à de nouveaux logiciels et formant les 2 éléments indissociables et nécessaires à la résolution d'un problème technique puissent être brevetables Tout en fait n'est qu'habileté dans la rédaction de la demande de brevet.

En principe, le logiciel n'est juridiquement pas compatible avec la définition d'une application industrielle. L'invention, pour être brevetable, doit répondre à des impératifs : être innovante, d'application industrielle et apporter à l'état de l'art. Pour de nombreuses raisons, autant juridiques que pratiques, et en se gardant d'être un défenseur du logiciel libre, il faut admettre que la brevetabilité des logiciels est source de davantage de problèmes que de bénéfices. Mais les enjeux pour les éditeurs de logiciel sont tels que ce derniers sont prêt à ignorer ces inconvénients.

Dans une communication de la commission européenne du 5 février 1999 intitulée "Promouvoir l'innovation par le brevet ", ayant trait à l'harmonisation des procédures de dépôt de brevet en Europe, cette dernière recommande la brevetabilité d'inventions impliquant des logiciels dans la mesure où le critère d'applicabilité industrielle soit vérifié. Le 25 juin, les Etats membres de l'OEB se sont mis d'accord autour de cette communication pour convoquée une conférence qui devrait adopter au plus tard le 1er janvier 2001 ce texte.

Cette initiative de la commission européenne est destinée à favoriser les éditeurs de logiciels européens face aux mastodontes américain et japonais qui eux peuvent breveter leurs découvertes. Mais l'on peut se demander à quel point cette initiative aidera l'industrie européenne : elle va essentiellement favoriser les quelques gros éditeurs mais à terme ruiner le développement du logiciel libre en empêchant l'utilisation de matériel libre par de nouveaux devellopeurs. Cela ne fera que renforcer la monopolisation du marché car acquérir et défendre un brevet international n'est à la portée que de puissantes entreprises.

Parallèlement à la question du brevet, les éditeurs de logiciels voyant leur monopole contesté par la montée en puissance des logiciels libres adoptent de nouvelles stratégies propriétaires.

Si l'arsenal juridique à disposition de l'auteur n'a pas varié et continue à le protéger, même sur Internet, sa marge de manœuvre s'est néanmoins considérablement réduite, à la foi dans son processus créatif et dans la nature des œuvres produites.  Car la concurrence pousse, en matière de logiciel, à adopter 2 stratégies: soit à libéraliser, du moins en apparence, l'exploitation de son œuvre pour survivre économiquement, soit à s'enfermer dans une logique de plus en plus propriétaire en influant directement sur le droit.

C'est ainsi que de nombreux éditeurs de logiciels propriétaires se lancent dans le semi libre car favorisant leur expansion et la pénétration de nouveaux marchés. La licence GPL connaît actuellement de nombreuses de licences répondant toutes davantage à des stratégies marketing qu'à un désir de promouvoir la diffusion des logiciels libres: ces stratégies s'accompagnant de tentatives de s'approprier les standards de diffusion à défaut des outils les utilisant.

Vers une propagation du Copyleft aux œuvres non logicielles?

Devant la réussite du modèle des logiciels libres, l'on peut se demander si les œuvre classique non logicielles peuvent emprunter un tel chemin. A la lecture des faits, s'il apparaît que les particularités de ces 2 domaines interdisent une transposition intégrale du modèle développé par les logiciels libre, l'on voit néanmoins apparaître les mêmes facteurs qui ont présidés à l'émergence du Copyleft façon logiciel.

Sont à remarquer parmi ces derniers le phénomène du ficher de compression et de diffusion de fichiers musicaux sur Internet, et dénommé MP3, ainsi qu'un nombre croissant d'initiatives de la part d'auteurs allant à l'encontre de toute notion de propriété intellectuelle en permettant aux acquéreurs de leurs œuvres de disposer comme ils l'entendent de ces dernières.

L'on assiste donc à l'émergence de toute une palette d'initiatives sur Internet comme le Copyright Violation Squad qui diffuse gratuitement par envoi postal des œuvres sonores interdites car jugées contrefaisantes, le site  Illegal Art qui diffuse des œuvres graphiques d'artistes détournant du matériel protégé ou bien encore le groupe The Free Music Philosophy qui estime que la reproduction et la diffusion d'œuvres musicales doit être libre de droit lorsque celle-ci se fait dans un cadre non commercial.

Ce dernier site représente une approche pragmatique qui se rapproche en l'esprit des précurseurs du logiciel libre, tenant à la fois compte des spécificités des œuvres musicales et intégrant le droit d'auteur comme un outil de développement incontournable. La FPM échappe ainsi aux travers d'une approche dogmatique des exemples déjà cité dont la vision libertaire pure et dure permet de douter quant à une éventuelle efficacité de leurs actions.

La réponse à la question de la libre exploitation des œuvres de l'esprit ne saurait être une position tranchée en faveur d'une interdiction absolue ou d'une possibilité sans restrictions.

Le droit de reproduire une œuvre et d'user de l'idée à la base de cette dernière est source de progrès dans la conception de logiciels. Le patrimoine artistique et culturel mondiale ne s'est bâtit que grâce à cette liberté de copier mais aussi de protéger une œuvre.

Mais, dans ce même exemple des logiciels, la protection par le droit d'auteur qui a permis pour les éditeurs de tirer profit de leur travail n'a pas été simplement une source de privation pour le public. La licence propriétaire a permis le développement de logiciels performant destinés à une faible nombre d'utilisateurs. Car si le principe du logiciel libre s'avère viable, c'est par ce qu'une grande partie du public a eu des besoins similaires à un moment donné, ce qui a conduit à cette mise en commun des ressources créatives. Ce système avoue ses limites lorsque le public susceptible d'utiliser un logiciel est trop peu nombreux pour le concevoir de lui-même. Car la disponibilité des codes sources ne signifie pas qu'un musicien ayant besoin d'un logiciel spécifique peut s'improviser programmateur. Dans ce cas, il parait normal qu'un éditeur puisse protéger son travail par le biais de la propriété intellectuelle en sachant que les investissements auxquels il a consentit ne sauraient faire l'objet d'un profit a cour terme..

Le nécessaire encadrement de la liberté.

Permettre une libéralisation des ressources par une extension des exceptions au droit d'auteur passe d'abord par l'organisation des nouvelles relations liant tous les acteurs du réseau et ce grâce à des accords ou licences encadrant les cessions de droits.

Les auteurs et les ayants droits ainsi que les producteurs doivent auparavant s'entendre sur le respect de la titularité des droits de chacun. Les diffuseurs de ces œuvres, titulaires en bout de chaîne des droits initialement concédés par l'auteur, doivent également informer le client final sur ce que lui autorise de faire la licence accompagnant l'œuvre. Il est vital que chacun veille à acquérir tous les droits sur le matériau intégré à une œuvre car dans le cadre d'une chaîne de contrats portant sur des droits incorporels, le non-respect de cette précaution entraîne la chute de l'ensemble des contrats ce qui peut avoir des répercutions financières considérables, surtout pour le fautif vers qui les distributeurs ou diffuseurs se tourneront.

Cette nouvelle organisation dans les relations contractuelles a des répercutions énormes sur les droits du public et le droit d'auteur doivent s'adapter à cette évolution et peut être notamment dans le sens du renforcement des exceptions aux prérogatives de titulaires de droits comme l'exception au droit de reproduction pour cause de copie privée.

Car les droits des auteurs sont encadrés par toutes sortes d'exceptions législatives qui délimitent ces droits face au public en précisant le champ de la protection au regard de l'objet et de la matière, que ce soit géographiquement ou temporellement. Il en est ainsi avec le principe de l'épuisement des droits lors d'une 1ere mise sur le marché dans le cadre de la communauté européenne. L'application de ce principe à internet permettrait d'aider à la diffusion du matériau intellectuel mais aurait un effet dissuasif évident pour les auteurs.

L'établissement de contrats à chaque phase de cession de droits  (entre auteurs, son éditeur/producteur/diffuseur et le public) est pour le moment extrêmement contraignant lorsqu'il s'agit de les appliquer au monde numérique. Il est ainsi souhaitable de voir de développer rapidement des guichets centralisés fournissant à la fois le matériau désiré par le créateur et le public ainsi que les informations sur l'œuvre elle-même. Tout l'intérêt d'un tel procédé serait d'aménager juridiquement les nouvelles contraintes techniques liées à la numérisation et de rendre la cession de droit, ou du moins la connaissance des droits attachée à l'œuvre, plus aisée, peu coûteuse et sécurisée.

De plus, un auteur peut faire respecter ses droits de manière complémentaire à l'instrument juridique: soit en limitant l'accès à une œuvre diffusée sur réseau par des moyens de cryptage actifs (un codage nécessitant à la réception par l'utilisateur une clef) soit en réalisant un codage passif consistant en un marquage.

L'émergence d'un cadre technique n'est pas suffisant à promouvoir la liberté par le contrat car ce qui n'est jamais qu'un outil peut faire par principe être créateur de liberté comme d'abus.

Car une licence rédigée par ceux qui ont intérêt à se voir garantir une protection maximale ne peut qu'être extrêmement contraignante pour le destinataire, voir franchement illicites au regard des législations nationales. Pour exemple, la directive 91-250 du 4 mai 1991sur la protection des programmes d'ordinateur permet en effet à tout bénéficiaire d'une licence temporaire d'utilisation d'un logiciel de réaliser une copie de sauvegarde ainsi que de modifier le logiciel afin de l'adapter à son environnement : il s'agit de l'exception de décompilation à fin d'interopperabilité. La mention de ces exceptions, d'ailleurs très sévèrement encadrées par la directive, ne se retrouve sur que sur très peu de licences de logiciels car la plupart sont de ces licences sont des contrats d'adhésion où l'un des partis, du fait de sa puissance économique ou de sa compétence accrue dans la matière, impose des clauses non modifiables par le cocontractant.

L'exemple type de ce genre de relation est la majorité des logiciels grand public tous accompagnés d'une licence de cession temporaire des droits d'utilisation et précisant que toute décompilation ou reproduction est un acte de contrefaçon. Ces licences sont donc illicites dans le cadre d'une diffusion au sein de la communauté européenne. Le droit français pose comme principe la liberté contractuelle : toute réglementation limitant la volonté des partis n'étant qu'exceptionnelle. L'on pourrait éventuellement admettre, dans le cadre d'une relation contractuelle concernant des partis de puissance égale, qu'une renonciation par l'un des cocontractants sur ses droits à reproduire une œuvre ou bien à la décompiler s'il s'agit d'un logiciel, soit permise. Car les réglementations actuelles stipulant ces exceptions (qu'elles soient d'origine européenne ou nationale) sont d'ordre public et donc impératives pour les contractants : il n'est normalement pas possible d'y déroger.

Il devient de plus en plus évident qu'à l'avenir la concentration au niveau de l'offre sur le marché du multimédia (ce qui est déjà le cas en matières d'édition de logiciels) verra se généraliser ces contrats d'adhésion entre les éditeurs et le grand public (et donc une constante tentative de la part des titulaires de droit de garder le contrôle en toute circonstance de leur produit). Les solutions contractuelles équilibrées seront réservées à quelques puissants acteurs qui ne manqueront pas de se retrouver dans une situation de monopole sur leurs marchés respectifs. Les regroupements massifs auxquels l'on assiste actuellement dans les domaines de l'informatique, des télécommunications et des éditeurs de produit multimédia ne font qu'annoncer ce risque proche d'un déséquilibre profond entre le niveau de protection auquel ont droits les auteurs et l'espace de liberté de l'utilisateur constamment restreint par de nouvelles réglementations.

Le droit d'auteur en est d'autant plus fragilisé qu'il doit à la fois se reformer rapidement sans pour autant céder au lobbying des sociétés d'auteur et des producteurs de produits multimédias cherchant pour le moins à préserver leurs intérêts mais surtout à les renforcer.

Il lui faut gagner le pari de protégé les œuvres plurales comme la création individuelle mais du fait que ces types créations se réalisent de plus en plus par réappropriation, il lui faut de même aménager un espace de liberté aux auteurs comme au public. Le droit d'auteur a prouvé son adaptation aux nouveaux modes de créations, aux changements de support et au nouveau lien qui unit public et auteurs. Ainsi, lorsque l'on parle de rénover le droit d'auteur voir de l'abattre, l'on se trompe d'ennemi: ce sont les esprits qu'il faut avant tout reformer et lutter contre l'utilisation qui est faite des règles de propriété intellectuelles à savoir le détournement des moyens de droits au profits de la logique des producteurs de contenu.

Le droit d'auteur n'est en rien responsable dans ce mouvement d'appropriation, bien au contraire. Il offre à chaque créateur les outils juridiques lui permettant de choisir de mettre en œuvre son monopole sans que ce la ne soit  une obligation et selon les modalités qu'il désire. Cette possibilité est depuis ces 2 dernières décennies bridées par le rôle sans cesse croissant des intermédiaires (producteurs et sociétés d'auteur) qui sont devenu des acteurs incontournables à la diffusion, à la production, à la perception des revenus des auteurs.

Mais le propre d'Internet et du numérique est de fournir les outils techniques indispensables à l'auteur pour renouer le contact directe entre, la conception  de son œuvre, sa diffusion et sa gestion. Alors que le droit lui donne la possibilité de laisser libre de droits son travail, les NTIC lui permettent de rendre effectif cette opportunité.

C'est en ce sens que l'on peut affirmer qu'une prise de conscience de la part du public et des auteurs concernant les implications actuelles quant aux influences subit par le droit d'auteur apparaît plus importante que jamais. Car au delà d'une prise de position contre ou en faveur de l'appropriation globale du matériau informationnel, c'est avant tout la connaissance, par une approche pluridisciplinaire, de tous les acteurs à ce nouvel environnement qui s'ouvre à nous qui permettra peut être de ne pas réserver la connaissance à une élite financièrement aisée et aux nouveaux créateurs de s'inspirer, certains diront contrefaire, du travail de leurs aînés.

 


Ce texte a été écrit en préparation d'une série de conférences sur le Copyleft devant se dérouler à Paris les 20,21 et 22 janvier 2000. Davantages de renseignements sont disponibles sur http://copyleft.tsx.org.

Par aileurs, 2 développements sont proposés afin de mieux cerner ce qui se cache sous la notion de Copyleft. Le premier,  spécifique aux logiciels libres, est complété par une analyse juridique croisée des répercussions qu'internet et les réseaux ouverts ont eu sur le traditionnel schéma auteur/producteur/public, l'impact de ces dernières sur le droit d'auteur ainsi que des éléments de réponse à une possible extension à différents domaines de la création de la notion de Copyleft.

Afin de permettre aux non-juristes d'appréhender la matière en disposant des quelques clefs de lecture utiles à posséder, une FAQ sur le droit d'auteur français est également disponible.

 


AVERTISSEMENT

La récurrence de l'emploi du terme ''droit d'auteur'' dans ces lignes, supposées en rapport avec le Copyleft, peut faire craindre aux lecteurs une présentation non libertaire de ce phénomène, ce en quoi ils auront raison. Car cette notion, exprimée notamment par les logiciels libres, est tout sauf l'anarchie mais l'encadrement par un système de licence de la liberté des utilisateurs comme des programmateurs: étudier l'environnent juridique de la création contemporaine peut donc apporter à la matière.

De plus, la seule définition stricte du terme de Copyleft qui peut être donnée de manière objective est…. un calembour dont Richard Stallman est à l'origine. Le Copyleft ne doit donc pas s'entendre comme une notion précise, ce terme n'est repris par aucun texte de loi ni décision de jurisprudence et ne possède donc aucune valeur juridique. Le Copyleft se définit avant tout par la signification que lui donnent les personnes souhaitant écrire sur ce thème. Le choix fait pour ma part de placer ce travail sous ce titre a été guidé par un souci de profiter honteusement de ce phénomène afin de bassement accroître la fréquentation de cette page, ce dont je m'excuse par avance….

Toutefois…l'axe qui guide cette réflexion peut se définir comme un examen, dans une optique juridique, des faits sous-tendant la révolution annoncée du numérique et des réseaux ouverts tout en adoptant une approche pluridisciplinaire de la question par l'intégration des facteurs économiques, techniques et sociaux.

 


David Geraud

12 novembre 1999