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Genèse et subversion du capitalisme informationnel
par Olivier Blondeau

<olivier.blondeau@freescape.eu.org>

Vos concepts légaux relatifs à la propriété, à l'expression, à l'identité, au mouvement et au contexte ne nous concernent pas. Ils sont fondés sur la matière. Ici, il n'y a pas de matière.
John Perry Barlow, Déclaration d'indépendance du Cyberespace

«SEULE L'ETROITESSE D'ESPRIT bourgeoise tient les formes capitalistes de la production pour ses formes absolues; donc pour les formes naturelles, éternelles de la production.» Il ne faudrait pas aujourd'hui faire preuve de cette même étroitesse d'esprit dénoncée par Marx dans la «Théorie de la plus-value» (Livre IV du Capital). S'il est insensé de pronostiquer, à plus ou moins longue échéance, la disparition de la production matérielle, force est pourtant de constater le développement, à une échelle inédite, d'un nouveau «continent de la pratique humaine. Cette pratique s'inscrit tout entière dans une économie fondée sur la production, la distribution et l'utilisation de biens immatériels et de services.

À l'époque de Marx, «tous les phénomènes de la production capitaliste dans ce domaine sont si insignifiants comparés à l'ensemble de la production, qu'on peut les laisser totalement de côté». Cependant, dans les Fragments sur la machine (1), Marx reconnaît le rôle indirect joué par le savoir abstrait dans la productivité. Il s'agit du savoir social abstrait transféré dans les machines et objectivé dans le capital fixe. Il le qualifie de general intellect, que Maximilien Rubel traduit par «puissance matérialisée du savoir».

Cette omission n'est aujourd'hui manifestement plus de mise: l'immatériel, négligé jusqu'à présent, tend par son extension quantitative et qualitative à réinterroger l'ensemble des catégories de l'économie capitaliste et en particulier les notions de productivité et de propriété.

I. UN CAPITALISME INFORMATIONNEL

1. L'immatériel et l'improductif productif.

Le verdict plus ou moins explicite d'improductivité du travail non matériel a toujours conduit les marxistes à mettre de côté la question des travailleurs intellectuels. Les «artistes exécutants, orateurs, acteurs, enseignants, médecins et prêtres», ne participent pas explicitement des rapports capitalistes de production. L'épreuve de la réalité contraint aujourd'hui à rectifier cette sentence d'improductivité dans l'«orthodoxie» marxiste. Les travailleurs intellectuels sont alors dits «indirectement productifs en ce sens qu'ils participent à créer les conditions de la productivité. Ainsi, les enseignants et les chercheurs sont-ils appréhendés comme éléments indispensables à l'augmentation de la productivité du travail et du capital. Manuels Castells affirme, par exemple, que «la création, le traitement et la transmission d'information deviennent les sources premières de productivité et du pouvoir, en raison des nouvelles conditions technologiques apparaissant dans cette période historique-ci (2).

Ne convient-il pas aujourd'hui de dépasser ce clivage entre productif et improductif en revenant à la définition première de la productivité, source de richesse et, par là, d'émancipation du salariat ? Un des travers fondamentaux consisterait à ne penser la productivité et la marchandise qu'en termes matériels. Est productif pour Marx, tout acte de production créateur de plus-value, c'est-à-dire qui a «pour résultat des marchandises, des valeurs d'usages qui possèdent une forme autonome, distincte des producteurs et des consommateurs et [qui] peuvent donc subsister dans l'intervalle entre production et consommation et circuler dans cet intervalle comme marchandises susceptibles d'être vendues. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il considère d'un certain point de vue les artistes-créateurs, écrivains, etc., comme des travailleurs productifs.

Cette ambiguïté étant levée, peut-on encore considérer les «créateurs d'immatériel seulement comme indirectement productifs, sinon comme improductifs? À l'évidence non: si un signe n'est pas matériel, il n'en devient pas moins une marchandise dès lors qu'il peut s'objectiver, circuler, s'échanger et être vendu. Un créateur de logiciel par exemple, ne s'objective-t-il pas dans une «¦uvre qui le dépasse? Son travail n'est-il pas, en tant que travail salarié, producteur de plus-value ? (De la même manière, le phénomène de «marchandisation des services auquel on assiste aujourd'hui, contribue à faire de l'activité de service, un travail productif.) Il est donc possible d'avancer que le travail immatériel est non seulement source de productivité mais aussi productif en lui-même. En s'émancipant de la sphère matérielle, le travail immatériel tend donc à devenir productif. Il ne peut pas s'inscrire dans ce qui est aujourd'hui considéré par certains comme une véritable régression de civilisation : la désobjectivation du rapport salarial induisant un retour au travail servile.

Ces remarques, si elles permettent de faire entrer une partie du travail non matériel dans la définition de la productivité, ne dénaturent pas radicalement le paradigme marxien de la productivité. Paolo Virno, dans son texte «Virtuosité et révolution, théorie politique de l'exode (3)» va beaucoup plus loin: «L'activité-sans-¦uvre, de cas particulier et problématique qu'elle était, devient, dans l'organisation productive postfordiste, le modèle du travail salarié en général. Cette formulation peut sembler surprenante: il est en effet convenu d'admettre qu'en s'objectivant dans la marchandise, l'acte de production permet aux forces productives de s'émanciper de toutes les formes, en particulier féodales, de dépendance personnelle. (Le travailleur ne se vend pas lui-même, il vend une partie de son temps de travail qui s'objective dans la marchandise, etc.) Dans quoi peut alors s'objectiver l'activité sans-¦uvre? Elle s'objective chez Virno non dans la marchandise en tant que telle, mais dans ce qu'il appelle, dans Opportunisme, cynisme et peur (4), «une abstraction réelle, un espace public de coopération, une intellectualité de masse dépositaire des savoirs non divisibles de l'ensemble des sujets vivants. Dans cet espace, politique au sens fort, «la présence de l'autre est à la fois instrument et objet du travail. L'activité-sans-¦uvre, qui repose sur le general intellect, entendu comme aptitudes générales de l'esprit (faculté de langage, disposition à l'apprentissage, capacité d'abstraction et de mise en relation, accès à l'auto-réflexion), devient une «action-de-concert. Condition de la productivité du travail, cet espace public de coopération nous est relativement familier dans la production matérielle avec le toyotisme, les cercles de qualité et toutes les formes d'implication subjective des salariés. Il prend une dimension nouvelle, en elle-même productive, dans la production non matérielle.

2. Les contradictions de la propriété

Ce nouveau continent de la production se caractérise, pour certains spécialistes, par un rapport élevé entre coûts fixes d'investissement,- essentiellement en capital humain - et coûts marginaux de production et de distribution, dans lequel matières premières et marchandises ne sont ni matière, ni substance, ni même énergie, mais symboles, codes, signes linguistiques ou mathématiques, sinon compétences ou dispositions.

En classant délibérément le travail, non plus seulement du côté des forces productives, mais aussi du côté des coûts d'investissement, c'est-à-dire du capital fixe, ces économistes en pointent une des spécificités: l'émergence d'un secteur économique lié à l'immatériel tend à «dématérialiser les moyens de production. Sans aller jusque-là, tracer une frontière statique entre forces productives et moyens de production devient un exercice singulièrement périlleux. Une des questions fondamentales que pose cette économie de l'immatériel naissante est en effet celle de la nature des moyens de production. S'agit-il d'instruments et d'infrastructures matérielles comme les supports informatiques, multimédias ou réseaux qui sont aujourd'hui à la portée du plus grand nombre? Ou s'agit-il de cet ensemble de signes, de dispositions et de compétences, produits du travail et de la formation? Le general intellect n'est plus alors seulement une puissance matérialisée dans les systèmes automatisés, et donc dans le capital fixe, mais en quelque sorte une puissance capitalisée par les forces productives. «Dans les processus de travail contemporains, affirme Paolo Virno, il y a des constellations conceptuelles entières qui fonctionnent par elles-mêmes comme des 'machines' productives, sans devoir adopter un corps mécanique ni même une petite âme électronique».

Ce processus de «dématérialisation des moyens de production tend à bouleverser la logique traditionnelle du rapport salarial : de force de travail abstraite et interchangeable qu'il était, le salarié devient codétenteur, sinon copropriétaire de cet ensemble d'outils.

En licenciant par exemple un de ses développeurs, une entreprise de création de logiciels, ne se dessaisit-elle que d'une force de travail abstraite et interchangeable? Elle perd avant tout les outils, la mémoire méthodologique et organisationnelle et surtout le rapport affectif indissociable entre le producteur et le produit ayant conduit à produire le premier exemplaire du signe. Cette perte peut poser de nombreux problèmes lorsqu'il s'agira d'assurer la maintenance, la sécurisation et l'évolution du produit.

Ce brouillage entre forces et moyens de production est un élément de déstabilisation de l'ensemble des rapports de production. Qui détient la propriété des moyens de production? Qui détient donc cette composante essentielle du capital productif dans le processus de production? Les rapports de production dans l'économie informationnelle se caractérisent-ils, dès lors, comme dans le capitalisme industriel, par l'échange d'un temps de travail abstrait et interchangeable contre un salaire? Ne s'agit-il pas plutôt d'un échange d'un capital symbolique, d'une puissance capitalisée - s'exprimant à travers un temps de travail difficilement mesurable - contre la possibilité de mise en mouvement de ce capital spécifique et de ce travail vivant? Ce partage, sinon cette perte, de la propriété d'une partie du «capital productif - les instruments de production -, est coextensive à une déstabilisation de la propriété de la marchandise elle-même. Dans les activités liées aux secteurs immatériels de l'économie, le salarié, même s'il s'objective dans le produit de son travail, ne peut pas en être totalement spolié. Un bien immatériel, étant par essence inappropriable, il ne renonce pas, en échange de son salaire, à la marchandise. Cette marchandise immatérielle est en effet d'une nature particulière. Sa valeur n'est pas fondée sur la rareté, sur la difficulté à se procurer les matières premières et les moyens utiles pour la produire. Sa consommation, loin d'être une pure destruction, s'inscrit dans une problématique de sa pérennisation, de sa circulation, de son actualité et sa critique et de son expansion. Pour Pierre Lévy, «l'économie [entendons l'économie classique] repose largement sur le postulat de la rareté des biens. La rareté elle-même se fonde sur le caractère destructeur de la consommation ainsi que sur la nature exclusive ou privative de la cession et de l'acquisition. Or si je vous transmets une information je ne la perds pas et si je l'utilise je ne la détruis pas. Puisque l'information et la connaissance sont à la source des autres formes de richesse et qu'elles comptent parmi les biens économiques majeurs de notre époque, nous pouvons envisager l'émergence d'une économie de l'abondance, dont les concepts, et surtout les pratiques, seraient en rupture profonde avec le fonctionnement de l'économie classique. En fait, nous vivons déjà plus ou moins sous ce régime, mais nous continuons de nous servir des instruments désormais inadéquats de l'économie de rareté (5).

Ce brouillage du rapport capital/travail sur ces deux aspects de la question de la propriété incite le capital à opérer un rééquilibrage qui s'inscrit tout entier dans l'expression juridique des rapports de propriété. Avec la déstabilisation de la condition salariale comme projet de société et l'exode d'une partie du capital vers la spéculation financière (6), le renforcement, sinon le verrouillage, de la propriété intellectuelle sur la marchandise est en effet une des principales composantes de la stratégie du capital.

Ce renforcement de la propriété intellectuelle, expression juridique des rapports de propriété du capitalisme informationnel, fait aujourd'hui l'objet d'un rapport de force considérable à l'échelle planétaire dans lequel chacun tente d'avancer centimètre par centimètre, «mégaoctet par mégaoctet dirait Bruce Sterling. Pour Philippe Quéau, «la plus récente bataille s'est tenue à Genève, en décembre 1996, lors de la Conférence diplomatique sur certaines questions de droits d'auteurs et de droits voisins, mise sur pied par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI (7)). Elle portait sur une révision de la convention de Berne de 1886 (8) sur le droit d'auteur, dont la dernière modification remonte à 1979 (9). Cette conférence visait, sous l'impulsion de lobbies déterminés, à réduire le domaine public, à renforcer son appropriation par le privé et à briser l'équilibre entre les détenteurs de droits de propriété intellectuelle et les usagers (10). Dans cet article particulièrement intéressant, Philippe Quéau rappelle que la propriété intellectuelle a été inventée pour préserver l'intérêt de l'humanité, pour que l'¦uvre survive à son créateur. Jusqu'à présent, la Convention de Berne ne protégeait que les formes d'expressions matérielles, les supports des idées, l'idée elle-même restant un bien commun, inappropriable (11). En brouillant le rapport idée/expression matérielle, comme c'est le cas dans l'interdiction d'accès aux couches de programmation des logiciels (les codes-sources) par exemple, la révision de la Convention de Berne constitue une tentative visant à permettre de s'approprier l'inappropriable : c'est-à-dire l'idée elle-même. Philippe Quéau affirme que cette démarche serait équivalente à la pure et simple privatisation du théorème de Pythagore, du chromosome 33, ou du carbone 14.

II. SUBVERSION DU CAPITALISME INFORMATIONNEL ?

Le brouillage de la frontière entre force de travail abstraite et immédiate d'un côté et moyens de production de l'autre, frontière qui informait le rapport capital/travail, conduit souvent, dans l'économie de l'immatériel, à «des phénomènes de concentration monopolistique, qui entravent le bon fonctionnement des mécanismes du développement économique et technologique, et conduisent à une gestion purement financière des ressources scientifiques, technologiques ou culturelles, avec nombre d'effets néfastes (12). Mais il peut aussi engendrer des formes de déstabilisation de ce rapport. L'exemple de Linux et plus généralement des logiciels libres est particulièrement significatif.

1. Linux et le logiciel libre

La société Microsoft apparaissait, il y a encore quelques mois comme le leader incontesté de la micro-informatique mondiale (13). Elle détenait non seulement une position hégémonique dans le domaine des systèmes d'exploitation et des contenus (Windows et les logiciels Microsoft) mais obligeait les fabricants de composants électroniques à ne reconnaître que les produits Microsoft (pilotes). Ce leadership est aujourd'hui très sérieusement concurrencé par un produit d'une nature très particulière: le système d'exploitation Linux.

Jusqu'à présent ignoré sinon méprisé par l'ensemble des professionnels de l'informatique, Linux apparaît comme un des systèmes les plus fiables et stables du marché (14). La Nasa par exemple a décidé de l'utiliser pour conduire des expériences dans les navettes spatiales (15). Certaines études estiment même qu'aujourd'hui 29% des serveurs Web mondiaux utilisent Linux contre 23% pour Windows 95/98/NT.

Avec la décision du fabriquant de microprocesseur Intel d'avoir recours à Linux et celle de l'entreprise Netscape de fournir ses codes-sources, ce sont les fondements même de la véritable «cathédrale Bill Gates qui sont ébranlés. Avec lui, l'ensemble des pratiques de concentration monopolistiques, entravant le progrès technique, est mis en péril.

Écrit en 1991 par un jeune finlandais, Linus Torvalds, Linux est un «logiciel libre. C'est-à-dire : «Un logiciel qui est fourni avec sa source et dont l'utilisation, la diffusion, la modification et la diffusion des versions modifiées sont autorisées. Le logiciel libre s'inscrit dans le projet GNU, premier projet de grande envergure initié par la Free Software Foundation, pour mettre à disposition du public un système d'exploitation complet avec l'ensemble de ses outils logiciels.

Le régime juridique de ce système d'exploitation s'inscrit dans une licence publique générale (General Public Licence ou GPL (16)), dans laquelle l'auteur permet toute utilisation, modification et diffusion de son travail (ainsi que des versions dérivées) à condition que le diffuseur accorde la même licence aux destinataires (et donc, ne restreigne pas leurs droits). Si le logiciel libre est souvent gratuit, il ne l'est pas obligatoirement. La philosophie du GNU stipule très explicitement que la rétribution de la distribution de logiciels libres est une «activité totalement légale et honorable (17). Tout porte à penser que cette rétribution s'inscrit moins dans une logique de profit que dans une logique de remboursement des frais occasionnés par la création et la distribution (temps de travail inclus).

Contrairement à d'autres systèmes qui ne sont diffusés que dans leur version directement exploitable, interdisant tout accès au programme et donc toute possibilité de modification, d'adaptation ou de correction, Linux, ses dérivés, ainsi que l'ensemble des logiciels libres sous licence GNU (18), GPL, sont obligatoirement diffusés dans leur version source. Ce choix de diffuser un système d'exploitation avec sa source et sa documentation a permis la constitution d'une communauté de millions d'utilisateurs, de développeurs et de contributeurs, tous bénévoles et particulièrement actifs dans les forums et les listes de diffusion sur Internet, chacun participant, à sa mesure, à son évolution.

2. Subversion des formes émergentes de propriété?

Dans la Préface à la Contribution à la critique de l'économie politique, Karl Marx disait : «À une certaine étape de leur développement les forces productives matérielles entrent en conflit avec les rapports de production existants... De forme de développement des forces productives qu'ils étaient jusqu'alors, ces rapports de propriété se transforment en obstacles.

Le développement du logiciel libre n'est-il pas une des illustrations caractéristiques de ce moment où les rapports de propriété, de forme de développement des forces productives qu'ils étaient jusqu'alors, se transforment en obstacle?

Dans l'économie de l'immatériel, les logiques financières étroites dans lesquelles s'inscrivent les phénomènes de concentration monopolistiques de l'information constituent autant d'entraves non seulement au progrès technologique, culturel et sociétal, mais aussi à l'efficacité économique elle-même.

Ainsi, de plus en plus nombreux sont ceux qui aujourd'hui dénoncent les aspects profondément contre-productifs de cette évolution des rapports de propriété. Roberto di Cosmo, enseignant à l'École Normale Supérieure, s'attaque au quasi-monopole détenu par Microsoft sur des pans entiers des technologies de l'information (19). Cette entreprise, en refusant de livrer ses codes-sources, en imposant ses standards aux éditeurs de logiciels d'application, ses pilotes aux fabricants de composants, considère le logiciel comme une marchandise au sens traditionnel du terme. Cette marchandise, propriété exclusive de Microsoft, débarrassée de toute trace permettant d'en comprendre le fonctionnement, ne peut pas être accessible à un tiers. Pour donner une analogie «matérielle de portée forcément limitée, Microsoft se comporte un peu comme un fabriquant de voitures qui, ayant acquis une position de monopole, interdirait à l'utilisateur d'ouvrir le capot de sa voiture et d'avoir accès au moteur. Enfermé dans le carcan de la propriété intellectuelle, le signe est alors considéré comme un produit fini qui, par définition, ne peut pas évoluer sans l'autorisation du propriétaire: il peut seulement être consommé.

Cette position hégémonique, privilégiant les logiques financières de rentabilité sur celles de qualité, conduit à une série d'effets pervers particulièrement nocifs. Ainsi, les systèmes d'exploitation et les logiciels développés par Microsoft sont-ils des produits de qualité médiocre qui se caractérisent notoirement par leur manque de fiabilité, par leur volume et leur prix excessif. Dans son texte Ressources libres et indépendance technologique dans les secteurs de l'information, Bernard Lang de l'Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres (AFUL), décrit les principaux effets de cette situation : «Une fois la concurrence disparue, le seul producteur restant n'a plus aucun intérêt à investir pour améliorer ses produits. Au mieux, le contrôle d'une technologie par une seule société implique que seul un petit nombre de professionnels sera impliqué dans l'amélioration de cette technologie. La recherche universitaire et l'enseignement sont entravés, ou contrôlés, par la rétention de l'information. Enfin, la moindre diversité écologique des développements, due à l'unicité de leur source, limite considérablement les possibilités de progrès par évolution concurrentielle, et augmente la vulnérabilité du tissu technologique aux agressions. Du point de vue de l'utilisabilité industrielle, les inconvénients sont nombreux. L'unicité du fournisseur monopolistique crée une situation de dépendance pour les prix et les services. Il en va de même pour la stratégie à long terme de l'entreprise qui peut dépendre des décisions de son unique fournisseur. Techniquement, la non-disponibilité des codes sources (ou leur prix excessif) limite sévèrement ou interdit aux sociétés clientes toute utilisation et tout service personnalisé, que cela concerne la maintenance, la sécurisation, le portage sur de nouvelles plate-formes ou l'adaptation à des besoins spécifiques. En fait, la société cliente contrôle mal la qualité et la pérennité de son investissement, voire de ses structures informationnelles (20).

Une des principales caractéristiques de cette dénonciation du régime de la propriété appliquée à l'économie de l'immatériel est qu'elle prend à rebours les formes traditionnelles de contestation des rapports de propriété. Elle se situe en effet moins sur le terrain des politiques néo-keynésiennes de justice sociale, prônant une intervention étatique visant à faire partager les produits de la croissance qu'elle ne se situe sur le terrain même de la concurrence, de l'initiative individuelle et de l'efficacité économique.

En révolutionnant, au sens propre, la législation de la propriété intellectuelle, en transformant le consommateur en co-acteur du progrès technologique et de la diffusion de l'information, le logiciel libre inaugure une nouvelle forme de rapports de propriété. Le droit, s'il continue à protéger l'auteur qui peut vendre son produit et même en tirer un profit substantiel, protège aussi l'ensemble du public. Ce phénomène contribue à rééquilibrer le rapport propriétaire/producteur /consommateur. Dans ces conditions, les biens immatériels, produit du travail et propriété commune, ne peuvent plus être considérés comme des marchandises à part entière, qui peuvent être confisquées, accumulées et capitalisées au profit exclusif d'un petit nombre. Ce sont des «marchandises vivantes s'inscrivant, à l'échelle d'emblée planétaire, dans le régime de la propriété sociale et du bien commun de l'humanité. Elles expriment, à ce titre, une puissance productive largement supérieure à l'innovation, la plupart du temps, «bridée des laboratoires d'entreprises, sinon d'État.

Ces formes originales de subversion de l'expression juridique de la propriété intellectuelle, née de l'avènement d'un capitalisme informationnel, constituent d'abord un des vecteur de déstabilisation des règles et des valeurs du capitalisme fordien. Mais elles visent surtout à promouvoir, dans un rapport de force particulièrement virulent, un ensemble d'alternatives concrètes aux nouvelles formes de dominations qui émanent de cette nouvelle économie. La question que pose les logiciels libres est certainement moins de savoir s'il est dans l'essence de l'information de circuler que de contester certaines formes réductrices de marchandisation de l'information. En contribuant à accentuer les déséquilibres des rapports de propriété, le phénomène «Linux contient peut-être les prémices d'un projet de transformation sociale inédit.

3. Le bazar comme mode de production

Dans un des articles fondateurs de la «pensée Linux intitulé «La Cathédrale et le Bazar (21), Eric S. Raymond relate le cheminement qui l'a conduit, en tant qu'informaticien, a s'intéresser à Linux et au logiciel libre jusqu'à en devenir un des ses principaux promoteurs. Par delà son caractère technique, ce texte met en regard deux formes de production de deux systèmes d'exploitation informatiques dont les codes-sources sont ouverts : Unix et Linux : «À l'opposé de la construction de cathédrales silencieuses et pleine de vénération, la communauté Linux paraissait plutôt ressembler à un bazar, grouillant de rituels et d'approches différentes, à partir duquel un système stable et cohérent ne pourrait apparemment émerger que par une succession de miracles. Au-delà de ce qui pourrait être considéré comme anecdotique par des non-initiés, ce texte constitue, à l'instar des travaux les plus cliniques de Ford, une tentative de description et de formalisation d'un mode de production inédit.

Eric S. Raymond oppose radicalement deux modes de développements de logiciels dont le code source est public: le "style cathédrale" et le "style bazar".

Le "style cathédrale" s'inscrit dans la logique traditionnelle de la division technique du travail, de sa planification et de son organisation rationnelle, qui privilégie l'approche centralisée et hiérarchisée. Dans cette conception, les logiciels doivent «être conçus comme des cathédrales, soigneusement élaborées par des sorciers isolés ou des petits groupes de mages travaillant à l'écart du monde. La production est ici sérielle : l'ingénieur élabore, le développeur développe et le consommateur consomme. Le cycle de développement traditionnel d'un logiciel part d'un prototype, qui abouti à une version Alpha. Le travail des informaticiens consiste alors à supprimer le maximum d'erreurs de cette version pour arriver à une version Béta qui sera testée par des personnes proches de l'entreprise. Le produit débogué deviendra la version Gold, version stable et commercialisable. Cette forme de développement est économiquement particulièrement longue et coûteuse : «Dans la programmation, les bugs et les problèmes de développement représentent des phénomènes difficiles, ennuyeux, insidieux et profonds. Il faut à une poignée de passionnés des mois d'observation minutieuse avant de bien vouloir se laisser convaincre que tous les bogues ont été éliminés. D'où les longs intervalles séparant les mises à jours (22).

Avec le "style bazar", la communauté Linux ne propose rien de moins que de «paralléliser ce cycle de production à partir de ce que Raymond appelle la Loi de Linus : «Étant donné un ensemble de béta-testeurs et de co-développeurs suffisamment grand, chaque problème sera rapidement isolé, et sa solution semblera évidente à quelqu'un. L'idée est donc de distribuer rapidement une version ouverte du logiciel et d'impliquer un nombre important d'utilisateurs dans le travail d'amélioration du produit.

La parallélisation, désarticulant les temporalités et les espaces de production, est l'occasion de revenir sur le concept d'espace public de coopération dans lequel «la présence de l'autre est à la fois instrument et objet du travail, selon l'expression de Paolo Virno. L'ensemble de ce texte explique en effet qu'un des éléments essentiel du cycle de production ainsi conçu, moins que l'idée en elle même, est cette «présence de l'autre. Cette présence, dépouillée de toute forme de dépendance et de hiérarchie, n'est plus une abstraction consubstantielle à la marchandise mais la condition même de l'acte de production. Peut-on encore, dans ces conditions, parler de marchandise ou de produit ? En tant que finalité objective, c'est-à-dire comme valeurs d'usage possédant une forme distincte des producteurs et pouvant circuler dans l'intervalle entre production et consommation, la version définitive de Linux ou d'un quelconque autre logiciel n'existe pas, ne peux théoriquement pas exister. La marchandise devient en quelque sorte une abstraction métaphysique. L'acte de production s'objective non pas dans le produit du travail, ni valeur d'échange, ni valeur d'usage, mais bien dans cet espace public de coopération posant la maîtrise collective comme finalité de l'activité.

4. Vers un dépassement des rapports sociaux de production?

Nombreux sont ceux qui, à l'instar de Paul Virilio ou de Jean Baudrillard, se réclamant de l'école postmoderne, adoptent une posture millénariste mi-esthétisante, mi-politique (23), pour annoncer l'avènement d'une société dans laquelle la subjectivité se dissoudrait dans l'individualisme. L'entrée dans l'ère de l'information serait annonciatrice de cataclysmes insoupçonnés. Les arguments développés par les postmodernes procèdent d'une vision, pour le moins réductrice, de la notion de révolution informationnelle. Cette révolution est en effet perçue comme une accélération incontrôlée des innovations scientifiques et technologiques notamment dans le domaine de l'information et des communications. Cette accélération s'articule à une perte totale de repères et de sens de la société. Les postmodernes se font alors spectateurs du déclin irréversible des grands valeurs occidentales : la Raison, le Temps, l'Espace, la Communication, l'Homme...

La communauté d'utilisateurs, de développeurs et de contributeurs de Linux, qui compte aujourd'hui, selon certaines estimations, près de 10 millions de personnes, avec un taux de croissance de 100% par an, loin de dissoudre le lien social dans un individualisme aveugle à l'altérité, n'inaugure-t-elle pas de nouvelles formes de rapports sociaux ?

Cette communauté trouve vraisemblablement ses origines, selon Bernard Lang, dans «l'habitude universitaire de mettre à la disposition de toute la communauté les résultats théoriques ou expérimentaux, habitude qui fut étendue aux logiciels produits en milieu universitaire. Que ces mêmes résultats soient utilisés au-delà de l'environnement universitaire, en particulier dans l'industrie, n'est pas non plus un phénomène récent. La nouveauté vint avec la conviction de certains auteurs de logiciels que, même sans les structures habituellement associées à la production industrielle et commerciale, ils étaient capables de produire des logiciels de qualité comparable et capables de rivaliser avec, voire de l'emporter sur leurs concurrents professionnels.

Il convient de souligner le rôle fondamental joué par le réseau Internet. Ce réseau d'interconnexion numérique permet de coordonner, à l'échelle mondiale, les efforts de ces milliers de développeurs bénévoles qui travaillent à la création, à l'enrichissement et même à la maintenance du système et de ses applications, à la mise en concurrence des diverses solutions pour n'en retenir qu'une version. Les utilisateurs eux-mêmes sont sollicités. Ils font des remarques et des suggestions, signalent les bugs et aident les nouveaux arrivants.

Dans ces conditions, les rapports sociaux, loin d'être des rapports fondés sur la compétition prédatrice, s'inscrivent dans une logique de coopération réticulaire.

L'efficacité économique est alors le produit d'une émulation, d'une véritable mobilisation collective des intelligences, qui déplace le centre de gravité des rapports sociaux et de ses finalités.

Même s'il considère pour sa part que l'alternative libre conduirait à spolier le producteur des richesses qu'il a créées et qu'il serait plus judicieux de passer de la valeur d'échange à la valeur d'usage en perfectionnant la législation des droits d'auteur (24), Pierre Lévy, par exemple, envisage de nouvelles formes de rapports sociaux dans lesquels tout acte de production est virtuellement producteur de richesse sociale à tel point que «n'importe quel acte humain est un moment du processus de pensée et d'émotion d'un mégapsychisme fractal et pourrait être valorisé, voire rémunéré en tant que tel (25)». Il suggère même dans un autre passage de «considérer les opérations de l'économie du virtuel comme des événements à l'intérieur d'une sorte de mégapsychisme social, pour le sujet d'une intelligence collective à l'état naissant.

Dans un article intitulé «Quelques notes à propos du general intellect (26)», Paolo Virno affirmait au début des années 80 : «Ce qui saute aux yeux, désormais, c'est la complète réalisation dans les faits de l'évolution tendancielle décrite dans les célèbres pages des Grundrisse, sans pourtant aucun renversement dans une perspective d'émancipation, ou seulement de conflictualité. La contradiction in progress spécifique, à laquelle Marx liait l'hypothèse d'une révolution sociale radicale, est devenue composante stable du mode de production existant.

Il convient au préalable de souligner que ce constat est aujourd'hui encore d'une actualité brûlante.L'écart entre un processus de production s'appuyant par la science et une unité de mesure de la richesse s'appuyant sur le temps de travail incorporé dans les produits, n'a pas conduit à «un effondrement de la production fondée sur la valeur d'échange.

Le capitalisme informationnel a réussi en quelque sorte à trouver les solutions lui permettant de digérer cette forme d'autonomisation des forces productives par le savoir en déstabilisant la condition salariale et en s'assurant une maîtrise absolue sur la marchandise immatérielle.

Ce postulat étant acquis, certains indices montrent qu'il est aujourd'hui possible de commencer à renouer les fils de la conflictualité sociale sur le terrain même des rapports de production. Linux et les logiciels libres portent en effet aujourd'hui la contestation au c¦ur des rapports de productions capitalistes. Ils démontrent dans une pratique concrète que les logiques propres au mode de production du capitalisme informationnel sont profondément inefficaces et donc improductives. Au-delà de cette critique radicale, la communauté des utilisateurs de Linux construit, en marge des rapports traditionnels de domination, un espace public de coopération qui bouleverse fondamentalement les rapports sociaux et la subjectivité elle-même. Elle n'est d'ailleurs pas sans rappeler la Génération X, ces «nouvelles élites du savoir» qui refusent, en particulier aux États-Unis, de s'impliquer totalement dans le travail salarié, conçoivent l'entreprise comme un simple prestataire qui fournit le service du salaire et sont plus motivées par le souci de la valeur éthique ou de l'utilité sociale que par l'éthique du travail (27).

 

Notes

 

* Article paru en janvier-mars 1999 dans La Pensée, n° 317. Une version abrégée de cet article a été publiée par le quotidien Libération le 16 novembre 1998 : www.liberation.fr/multi /actu/semaine981116/art981116b.html, et aux États-Unis par l'hebdomadaire: Linux weekly News, le 19 novembre 1998: lwn.net/1998/1119/a/ 3220. html.

1. Karl Marx, Le Capital, livre I, chapitre VI inédit, dans ‘uvres complètes, Économie II, «Matériaux pour l'économie», Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1968, p. 398. (R)

2. Manuel Castells, La société en réseau, t. I, Fayard, Paris, 1998. (R)

3. Paolo Virno, «Virtuosité et révolution, théorie politique de l'exode», in Miracle, virtuosité et "déjà vu".Trois essais sur l'idée de "monde", trad. M. Valensi, l'éclat, Paris, 1996. Voir aussi Christian Marazzi, La place des chaussettes.Le tournant linguistique de l'économie et ses conséquences politiques, trad. A. Querrien et F. Rosso, l'éclat, Paris, 1997. (R)

4. Paolo Virno, Opportunisme, cynisme et peur, trad. M. Valensi, l'éclat, Combas, 1991. (R)

5.Pierre Lévy, Qu'est-ce que le virtuel ? Editions de la Découverte, Paris, 1995: hypermedia.univ-paris8.fr /pierre/virtuel/virt0.htm. (R)

6. Voir André Gorz, Misère du présent, richesse du possible, Galilée, Paris, 1997. (R)

7. www.wipo.org/fre. (R)

8. Berne convention for the protection of literary and artistic works, www.eff.org/pub/Intellectual_property/bern_ convention.treaty. (R)

9. www.eff.org/pub/Intellectual_property/us_ berne_ convention.paper. (R)

10. Philippe Quéau, «Offensive insidieuse contre le droit du public à l'information», Le Monde Diplomatique, Février 1997: www.monde-diplomatique.fr/md/1997/02/queau/7750.html ; voir aussi Bernard Lang, "Des logiciels libres à la disposition de tous", Janvier 1998 : : «Les grands éditeurs de logiciels, soudainement confrontés à la concurrence globale de micro-entreprises (telles les start-up de la Silicon Valley) ou de programmeurs offrant gratuitement leurs créations, cherchent à préserver leurs revenus et leurs rentes de monopole par le contrôle de la duplication et des standards du numérique. C'est tout l'objet des efforts précipités, à Berne en décembre 1996, pour renforcer la législation sur la propriété intellectuelle.» (R)

11. Voir J. P. Barlow, «Vendre du vin sans les bouteilles», supra. (R)

12. Bernard Lang, Ressources Libres et Indépendance Technologique dans les Secteurs de l'Information. Communication à paraître dans les actes du Colloque Inforoutes et Technologies de l'Information, Forum Initiatives 97, Hanoï, 25-26 octobre 1997: pauillac.inria.fr/~lang/ecrits/hanoi/index.html. (R)

13. Ralph Nader et James Love, «Microsoft, monopole du prochain siècle», Le Monde diplomatique, novembre 1997, www.monde-diplomatique.fr/md/1997/11/nader/9458.html. (R)

14. En France, le succès d'estime dont bénéficie Linux est impressionnant : Libération parle de «changement radical dans la micro-informatique» (29/9/98), Le Monde affirme que : «Soutenu par des milliers d'adeptes dont le prosélytisme n'est pas sans rappeler la période faste du Macintosh, Linux est devenu le symbole d'une industrie qui balaie les idées reçues.» Pour une revue de presse plus exhaustive, voir www.linux-center.org/news/. (R)

15. «Linux, agitateur informatique depuis 1991», Le Monde, 28.9.98. (R)

16. À ne pas confondre avec le régime juridique les logiciels du domaine public, les logiciels gratuits ou les partagiciels (shareware). Voir Annexe 3. (R)

17. www.april.org/gnu/. (R)

18. Voir Richard Stallman, «Le Manifeste GNU», p.223 sqq. (R)

19. Roberto Di Cosmo, Le Hold-up planétaire, la face cachée de Microsoft, entretiens avec D. Nora, Calmann-Lévy, Paris, 1998. (R)

20. http://pauillac.inria.fr/~lang/ecrits/ hanoi/. (R)

21. Eric S. Raymond, The Cathedral and the Bazaarhttp://www.redhat.com/knowledgebase/ otherwhitepapers/whitepaper_cathedral.html. Voir aussi du même auteur : «Comment devenir un hacker», infra www.tuxedo.org/~esr/faqs/hacker-howto.html. (R)

22. Ce phénomène explique en grande partie la "réussite" de Microsoft qui se contente de commercialiser la plupart du temps des versions Béta, économisant ainsi le long et fastidieux travail de débugage de ses logiciels. (R)

23. Frederic Jameson, Postmodernism, or the cultural logic of late capitalism: elias.ens.fr/Surfaces/vol3/cecil.html (url inactive). (R)

24. «La solution qui semble se dessiner au problème de l'économie du virtuel et de l'actuel est la suivante : le bien virtuel serait comptabilisé, tracé et représenté, mais gratuit, entièrement libre de circuler sans entrave et de se mêler à d'autres biens virtuels. En revanche, chaque actualisation donnerait lieu à un paiement. Le prix de l'actualisation serait indexé sur le contexte courant, dépendant de l'environnement et du moment. Cette valeur pourrait être fixée coopérativement par des groupes d'usagers sur des marchés libres ou des Bourses de l'information et des idées. La forme de la nouvelle économie dépendra donc largement des systèmes de traçage du virtuel et de mesure de l'actuel qui seront inventés dans les prochaines années». Pierre Lévy, cit. (R)

25. Pierre Lévy, cit. (R)

26. Paolo Virno, «Quelques notes à propos du general intellect», in Futur Antérieur, n°10. (R)

27. Voir le chapitre intitulé «Génération X ou la révolution sans voix», in André Gorz, Misère du présent, richesse du possible, Galilée, Paris, 1997, p. 101-107. Voir aussi le chapitre inédit de Generation X de Douglas Coupland (www.coupland.com) ainsi que Douglas Coupland,You were born in the 60s. Does that mean you'll have to pay for it the rest of your life ?... www.cs.caltech.edu/~adam /LEAD/deathx. (R)