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[ Agir ici, mars-juillet 2001, Date limite de participation : 31 juillet 2001 ]

Planète privatisée, défense d'entrer !
Une campagne contre les brevets sur le vivant


Objectifs | Action | Cibles | Partenaires | Résultats | Pour en savoir plus | [Brochure]


Les objectifs

Une société australienne, spécialisée dans la recherche génétique, a récemment acquis des droits exclusifs sur le patrimoine génétique des habitants de l’archipel des Tonga, dans le Pacifique sud, par le biais d’un accord signé avec le ministère tongrien de la Santé. Le brevetage du vivant (le fait de déposer des brevets sur des organismes vivants) n’appartient plus au domaine de la science-fiction. Depuis les années 80, il est ainsi devenu possible de déposer des brevets sur des plantes, des animaux et même des séquences génétiques humaines. Grâce à ce système, quelques firmes sont en train de s’approprier les ressources génétiques de la planète. C’est à terme l’intégrité de l’Homme qui est en jeu. Pour l’instant, le phénomène a surtout pris de l’ampleur dans le domaine des espèces végétales. Mais ce n’est qu’un début.

Considérées comme l’or vert du XXIe siècle, les plantes font l’objet d’une convoitise sans précédent de la part des firmes multinationales. Les pays du Sud, principaux pourvoyeurs de la biodiversité mondiale, sont les premiers concernés. Peu aguerris à la pratique de la protection intellectuelle, ils font les frais d’un système juridique conçu au Nord et dont les firmes multinationales ont su grandement tirer partie. Leurs ressources naturelles sont ainsi convoitées et pillées. Dans le domaine agricole, l’introduction de plantes brevetées modifie de manière substantielle les pratiques agricoles et enferme les paysans dans une logique de dépendance. Au-delà de la perte de biodiversité, c’est bien la sécurité alimentaire, reposant sur une culture diversifiée des espèces végétales et sur l’agriculture vivrière, qui est menacée.

Les textes internationaux et nationaux légalisant le brevetage du vivant se multiplient. L’accord sur les Aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, entré en vigueur dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, va permettre une généralisation du système des brevets à l’échelle de la planète. Parallèlement, une directive concernant la protection des inventions biotechnologiques a été adoptée par l’Union européenne en 1998. Il est prévu que celle-ci soit transposée dans le droit national des pays membres. Il est urgent de se mobiliser contre sa transposition.


L'action

Pour obtenir l’interdiction des brevets sur le vivant, nous demandons :


Les cibles


Les partenaires

Confédération Paysanne
Greenpeace
Solagral


Les résultats

Seront prochainement disponibles sur ce site.


Pour en savoir plus

 

[ Brochure ]

Ces textes, absents du site Agir ici, proviennent de la brochure de campagne


1 - La chasse au trésor

Le développement des " sciences du vivant " a fait de la diversité biologique l'or vert du XXIe siècle. Le secteur des ressources génétiques végétales est aujourd'hui estimé à 500 milliards de dollards ! Cette richesse suscite la convoitise des firmes multinationales, prêtes à tout pour se procurer les gènes porteurs d'un intérêt commercial. Leur atout dans cette chasse au trésor ? Les brevets sur le vivant. Depuis les années 80, les brevets, à l'origine destinés à protéger les inventions industrielles, permettent de s'approprier des espèces animales ou végétale ainsi que des séquences génétiques (même humaines). C'est ainsi que des connaissances de base, utiles à de multiples applications, deviennent la propriété de quelques-uns. Plus un brevet est déposé en amont dans la recherche, plus il devient rentable. Grâce à cet outil qui permet d'évincer des concurrents potentiels, les firmes multinationales se sont lancées dans une course effrénée pour la maîtrise des ressources génétiques de la planête.

2 - Le brevet en quelques mots

Le système des brevets a pris son essor en Angleterre à la fin du XIXe siècle. Les brevets ont été conçus pour protéger les inventeurs et les rémunérer des efforts investis en leur accordant des droits exclusifs d'exploitation sur leur création pendant une période donnée (20 ans maximum). Toute utilisation est interdite à une tierce personne à moins que celle-ci ne reverse des "royalties" au détenteur du brevet. Les critères pour l'obtention d'un brevet sont de plusieurs ordres : il faut que la "création" réponde au critère de nouveauté, soit "inventive" et puisse faire l'objet d'une application industrielle. Jusque-là, les organismes vivants étaient bien entendu, exclus de toute forme de brevet.

3 - Les premiers brevets sur le vivant

A partir des années 80, l'essor du génie génétique va révolutionner la biologie en permettant la modification de l'information génétique des organismes vivants. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) voient le jour et c'est sur ces organismes que seront déposés les premiers brevets sur le vivant. Le coup d'envoi est lancé aux Etats-Unis en 1980 lorsque la Cour suprême autorise le dépôt d'un brevet sur le vivant. Le coup d'envoi est lancé aux Etats-Unis en 1980 lorsque la Cour suprême autorise le dépôt d'un brevet sur une bactérie génétiquement modifiée. Le système des brevets s'étend peu à peu aux organismes vivants (animaux, végétaux, gènes, etc.). En effet, si l'identification d'un gène ou d'une séquence génétique est une découverte (non brevetable), l'identification de la fonction de ce gène est considérée comme une invention ! Par un tour de passe-passe sémantique, les brevets sont ainsi détournés de leur vocation initiale.

4 - Sous les brevets, le pillage

Une université du Colorado (Etats-Unis) a récemment breveté une variété traditionnelle de quinoa, sorte de sarrasin cultivé dans les pays andins. Le brevet ne couvre pas seulement la variété mais peut théoriquement s'étendre à toutes les variétés issues du quinoa actuellement utilisées par les paysans de Bolivie, du Pérou, d'Equateur et du Chili. Non seulement aucune procédure permettant le partage des bénéfices avec les populations andines n'est prévue, mais celles-ci pourraient se voir interdire de cultiver le quinoa. Cette histoire n'a rien d'exceptionnel. Chaque année, des entreprises ou des universités du Nord mènent des prospections dans les pays du Sud pour repérer les végétaux et les micro-organismes les plus intéressants, les breveter puis les commercialiser. Sans l'accord des parties concernées, ni aucune contrepartie financière. Les populations locales, à l'origine du travail de sélection naturelle et de préservation des espèces, sont ainsi exclues de l'accès à la ressource. Un rapport des Nations unies estime que le manque à gagner pour les pays en développement, qui se voient dépossédés de leurs ressources au profit des firmes multinationales, s'élève à 5,4 milliards de dollars par an. L'ampleur du phénomène montre que la protection des ressources est un enjeu majeur pour les pays du Sud.

5 - Une menace pour les paysans de tous les continents

Les brevets constituent une menace pour les paysans et les pratiques agricoles. Dans ce domaine, les plantes brevetées sont essentiellement des organismes génétiquement modifiés (OGM). Loin de nourrir le monde, comme le prétendent les publicités des firmes agrochimiques, les OGM fragilisent les systèmes agricoles en enfermant le paysan dans une logique de dépendance et en diffusant un modèle d'agriculture industriel et intensif. La réduction de la biodiversité et la disparition des systèmes de production vivriers mettent en danger la sécurité alimentaire. De plus en plus contestées dans les pays du Nord, les activités de ces firmes se réorientent aujourd'hui vers les pays en développement en raison d'une absence flagrante de législation en la matière.

6 - Une agriculture au service des multinationales

Pour bénéficier de profits maximaux, les quelques firmes agrochimiques à l'origine des OGM (Monsanto, Dupont de Nemours, Syngeta et Aventis) ont entrepris de maîtriser l'ensemble de la filière : en amont, le secteur des entreprises de biotechnologie pour pouvoir déposer les brevets les plus larges possibles ; en aval, les entreprises qui vendent des semences pour pouvoir écouler leurs produits. Comme toute reproduction d'OGM sans reverser de royalties est illégale, elles s'assurent ainsi des bénéfices réguliers en obligeant, via le système des brevets, les agriculteurs à se réapprovisionner auprès d'elles chaque année. La pression exercée sur les agriculteurs est implacable : visites de contrôle, lignes téléphoniques ouvertes aux délateurs, poursuites judiciaires pour les contrevenants... La vente des semences et les redevances liées à l'utilisation des brevets ont rapporté environ 1,6 milliards de dollars en 1999.

7 - L'exemple du gène Terminator

Ce processus breveté en 1987 par le ministère de l'Agriculture américain et la firme Delta & Pine Land co (aujourd'hui sous contrôle de Monsanto) avait pour fonction de libérer dans la plante à maturité une toxine rendant ses graines stériles, afin d'obliger les agriculteurs à racheter chaque année des semences. Face à la pression de l'opinion publique, Monsanto a préféré renoncer en octobre 1999 à utiliser cette technologie, mais d'autres du même type sont toujours à l'étude...

8 - Les agriculteurs en otage

Ressemer une partie de sa récolte et échanger les semences entre agriculteurs sont des pratiques millénaires qui constituent le fondement même de l'agriculture. Les brevets sont une atteinte à ce droit. Ils mettent en péril la sélection naturelle d'espèces locales adaptées à leur environnement ainsi que l'usage très largement répandu des semences fermières (plus de 90% des emences utilisées sur le continent africain).

9 - Breveter le vivant à l'échelle de la planète, c'est possible !

Les partisans de la brevetabilité du vivant ont gagné une bataille lorsque les Etats membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adopté, en 1995, un volet concernant la protection de la propriété intellectuelle. L'accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) oblige les Etats à protéger les inventions de produits et de procédés, dans tous les domaines technologiques. Les pays du Sud ont, dans la plupart des cas, jusqu'en 2005 pour l'intégrer dans leur droit national. Parmi les différentes dispositions de l'accord, l'article 27, qui définit le champ d'application du brevet, est à double tranchant. S'il permet d'exclure du brevetage les animaux et les végétaux, il légalise de fait la possibilité de breveter des organismes vivants. De plus, cette apparente liberté n'en est pas moins contraignante. Si les Etats ne protègent pas les créations végétales par un brevet, ils sont tenus de recourir à un système nommé UPOV, qui ne garantit pas le droit des paysans à ressemer leurs graine, ou à un système de leur choix qui devra néanmoins être validé par l'OMC.

10 - L'Europe dans la course

En 1998, la commission européenne a adopté à son tour une directive (N° 98/44) qui légalise les brevets sur le vivant. Déposé en 1998, ce texte a connu un parcours tumultueux avant d'être finalement adopté sous la pression des lobbies de l'agrochimie. Même si son contenu prête largement à confusion, il ressort des contradictions que le vivant est brevetable. L'article 3 énonce clairement qu' "une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique peut être l'objet d'une invention, même lorsqu'elle préexistait à l'état naturel". La directive 98/44 viole ainsi nombre de traités internationaux : le Traité de l'Union européenne, la Convention européenne des brevets (Convention de Munich), la Convention biodiversité... Cette Directive devait être transposée dans les législations des pays membres de l'Union européenne avant le 30 juillet 2000 mais elle a rencontré de fortes résistances. Pour l'instant seuls quelques pays l'ont transposée (Danemark, Finlande et Royaume-Uni). Le gouvernement des Pays-Bas, soutenu par l'Italie et la Norvège, a entamé un recours en annulation auprès de la Cour européenne de justice. En ce qui concerne la France, la transposition de la directive en droit français devrait faire l'objet d'un débat parlementaire au cours de l'année 2001.

11 - Quand l'Office européen des brevets fait du zèle

L'Office européen des brevets est l'organisme qui accorde des brevets en Europe. Son mandat repose sur la Convention de Munich, adoptée en 1973, qui unifie le système des brevets en Europe. L'article 53b de la Convention stipule que les brevets ne peuvent être accordés à des variétés de plantes ou à des races animales. Pourtant, le Conseil d'administration a, en 1999, intégré les dispositions de la Directive 98/44 sans en référer aux signataires de la Convention. Certains d'entre eux ont exprimé leur mécontentement, d'autant qu'aucun instrument juridique n'obligeait à cette démarche car les membres de la Convention de Munich ne sont pas les mêmes que ceux de l'Union européenne. Une prochaine rencontre au cours de 2001 devrait permettre de clarifier cette situation, dans un sens ou dans l'autre. Une affaire à suivre...

12 - La position des pays du groupe africain à l'OMC

Lors de la réunion de Seattle, le groupe des pays africains de l'OMC a affiché un position très ferme concernant les ADPIC : refus de tout brevetage du vivant ; protection des savoirs indigènes et des communautés paysannes en appliquant la Convention biodiversité ; maintien des pratique paysannes traditionnelles, notamment du droit de produire ses propres semences et de les échanger. la commission scientifique, technique et de recherche de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) vient de rédiger une loi cadre qui, sur la protection des droits des communautés locales, va dans le même sens.

13 - La convention biodiversité, un outil en devenir

Adoptée en juin 1992 à Rio, elle cherche à favoriser la conservation de la diversité biologique et son utilisation durable. Elle est ratifiée par 177 Etats (dont la France) mais aucun instrument n'indique la préséance de ce texte par rapport aux autres textes internationaux (notamment les ADPIC). Abandonnant le principe de ressources génétiques appartenant au patrimoine commun de l'humanité, elle reconnaît aux Etats le droit de souveraineté sur leurs ressources biologiques et leurs systèmes de savoir. Elle requiert également un partage équitable des bénéfices tirés de l'exploitation commerciale des ressources biologiques. Sa mise en pratique est difficile : comment la sélection et la préservation d'une variété végétale peut-elle être spécifiquement attribuée au travail d'une communauté donnée ? Qu'est-ce qu'une communauté locale ? Sur quel taux effectuer la répartition des ressources ? Cette Convention reste néanmoins l'un des rares mécanismes permettant aux Etats de se prémunir contre le biopiratage.

[ note du recopieur : cette notion de biopiratage me parait impraticable. Pourquoi ne pas abolir tout simplement l'ensemble du système de brevet. Le tiers-monde aurait beaucoup plus à y gagner. Lire l'article de Richard Stallman, Biopirates et biocorsaires]

14 - L'expérience de l'Amapa

Le gouvernement de l'Amapa (Brésil) a adopté en 1998 une loi qui s'inspire de la Convention biodiversité. Elle a pour objectif de lutter contre le biopiratage et de garantir aux populations locales un retour économique et social sur toute utilisation industrielle de la biodiversité. Elle donne également la priorité aux cultures et savoirs locaux pour tout ce qui concerne la conservation et l'utilisation des ressources des milieux naturels.

15 - Aux Philippines, les résistances s'organisent

Le KMP (Kilusang Magbubukid ng Pilipinas), fédération nationale d'organisations militantes paysanne, a été fondé en 1985. Son rôle est de défendre les paysans les plus défavorisés. Dans cette optique, le KMP a pris position contre les OGM et les multinationales de l'agrochimie. Il essaie de promouvoir une agriculture biologique destinée aux marchés locaux. Une collaboration s'est ainsi mise en place avec MASIPAG, une association qui cherche à introduire des variétés traditionnelles de riz dont la culture a été abandonnée depuis la Révolution verte. En novembre 2000, le KMP a co-organisé la caravane des peuples qui rassemblait des agriculteurs d'Inde et des Philippines. Des conférences itinérantes ont été organisées dans les deux pays pour défendre une nourriture sans pesticide et célébrer la diversité alimentaire mondiale.

16 - Agriculteurs du Nord, partenaires et solidaires des agriculteurs du Sud

En France et en Europe, des agriculteurs se sont regroupés autour de la CNDSF (Coordination nationale pour la défense des semences fermières) depuis 1989 et de l'UESPF (Union européenne des semences et des plants de ferme) depuis 1999, pour refuser l'usage exclusif des semences certifiées et le versement d'une taxe aux obtenteurs qui cherchent à interdire l'utilisation des semences fermières.

Les membres de l'UESPF s'appuient sur les principes suivants :

- Affirmer non seulement la faculté incontournable et inaltérable du vivant à se reproduire, mais également dénoncer comme inacceptable tout procédé, démarche ou tentative visant à restreindre cette faculté ;

- Mettre en oeuvre tous les moyens et actions nécessaires au juste exercice du droit universel des agriculteurs à produire, utiliser leurs semences et plants et accéder librement à tout produit de traitement homologués ;

- En accord avec les pays du Sud et, comme l'ont demandé les pays africains, exiger que l'ensemble des ressources génétiques de la planète soit inscrit au patrimoine de l'humanité, interdisant ainsi toute aliénation privée.

Extrait de la déclaration commune des partenaires européens composant l'UESPF, décembre 1999