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PROGRES OU SUREXPLOITATION ?
Temps modernes version Internet

Par MARTINE BULARD
Journaliste
Le Monde Diplomatique, Décembre 2000

 

L'informatique bouleverse le monde du travail. En dix ans, le nombre de travailleurs confrontés à l'ordinateur a doublé, pour atteindre, en France, plus de la moitié des salariés. Et seul un cadre sur six échappe encore au travail sur écran... Du manutentionnaire consultant en temps réel l'état des stocks au dirigeant chargé de la « veille technologique », tous traitent des quantités de plus en plus importantes d'« information », cette monnaie du nouveau capitalisme. L'ordinateur, couplé à Internet, est tout à la fois un formidable outil offrant la promesse de tâches moins fastidieuses et d'un fonctionnement hiérarchique décloisonné - voire d'un renouvellement du syndicalisme -, et un immense vecteur de stress, alimenté par une course contre la montre permanente. Déjà, dans les entreprises, certains s'approprient ces technologies pour transformer les relations sociales. D'autres, à qui elles n'apportent qu'un nouvel asservissement, tentent de résister...

 

Internet, intranet, ordinateur portable et télé phone mobile, telle est la parfaite panoplie du travailleur branché sur son temps. Cette convergence inédite entre les télécommunications et les réseaux informatiques permet d'échanger des informations, de partager des savoirs, de communiquer d'un bout à l'autre de la planète - ou tout simplement de bureau à bureau... Une révolution qui change les relations entre les individus et bouleverse le mode de production de la valeur et des profits. « Les biens échangés deviennent des services », explique l'économiste américain Jeremy Rifkin en prenant l'exemple du téléphone : autrefois on vendait l'appareil et on offrait une garantie de deux ans au client, aujourd'hui « on offre l'appareil, si vous achetez l'abonnement pendant deux ans (1) ». Ce n'est pas « la fin du travail » qu'il avait prédite il y a quelques années, mais un bouleversement de ses conditions d'exercice. On vend des compétences et des savoir-faire tout autant (et parfois plus) que des produits. L'univers quotidien des salariés devrait en être, à terme, complètement chamboulé.

Pour l'heure, les technologies de l'information et de la communication (les TIC, selon la formule consacrée) s'avèrent bien plus souvent sources d'intensification du travail que d'enrichissement professionnel. « Les cadences de travail, note le Commissariat général du Plan, sont de plus en plus contraintes : loin de diminuer, le travail posté progresse (2). » Ce dernier a même fait son apparition dans des secteurs hier plutôt épargnés : le nombre de salariés du tertiaire ayant des normes quantitatives à respecter dans une journée est passé de 19 % en 1984 à 43 % en 1998.

Le travail n'est pas forcément moins qualifié. Au contraire. Dans la plupart des cas, il réclame des connaissances multiples pour maîtriser les nouveaux outils et une plus grande capacité d'initiatives pour faire face au faisceau d'informations à traiter. Mais le temps libéré grâce à l'automatisation de certaines tâches et au travail en réseau est littéralement absorbé par des contraintes de plus en plus fortes.

En fait, précise la sociologue Danièle Linhart, qui a mené des études dans l'industrie mais aussi dans de grandes entreprises de téléphonie ou dans des centres d'allocations familiales, « les salariés subissent l'impact de deux logiques incompatibles : l'appel à la responsabilisation et la soumission aux contrôles. Ils doivent résoudre les problèmes qui se présentent, faire des diagnostics de base, mais ils restent soumis à la pression temporelle. Les deux logiques sont inscrites dans le travail, et c'est aux salariés de traiter cette contradiction. Sinon, ils deviennent inemployables (3) ». C'est-à-dire dans l'antichambre du chômage.

Toute la panoplie de la flexibilité

Si Internet n'a pas inventé le phénomène, il l'a accéléré. En effet, les nouveaux outils de communication et de traitement de l'information permettent d'effectuer plus de travail en moins de temps. Leur utilisation réclame des compétences polyvalentes, des initiatives, du travail en commun, et du temps... notamment pour gérer les pannes à répétition. Leur existence permet également de nouer des liens plus directs, plus rapides avec le client ou l'usager. Encore faut-il que les salariés soient assez nombreux et assez formés pour répondre aux demandes. Encore faut-il aussi qu'ils en aient le temps. Le plus souvent, précise Danièle Linhart, « les gens souffrent moins de ce qu'on leur impose que de ce qu'on les empêche de faire ». Des frustrations d'autant plus vives et un stress d'autant plus fort que les clients exigent une réponse, une livraison ou un service dans un délai de plus en plus court. A tel point que les directions d'entreprise recourent de plus en plus rarement à des directives autoritaires. La pression de la clientèle suffit. Un seul mot d'ordre : il faut être ré-ac-tif. Tout le temps et partout.

On voit ainsi se dessiner une « société de l'urgence » qui pousse à la parcellisation des tâches, à la mise en place d'horaires atypiques, bref à toute la panoplie de la flexibilité. Pourtant, les mêmes technologies pourraient offrir la possibilité de travailler ensemble, de lever les cloisons entre les différents services et d'avoir une vue plus globale des dossiers traités. Cette fameuse « horizontalité » pourrait donner un nouveau sens au travail. Mais cela suppose de former les gens, de revoir l'organisation de l'entreprise, et de reconsidérer les systèmes hiérarchiques. Sinon, c'est l'échec.

Dans les années 90, une grande firme automobile française a changé son système de maintenance, avec cette volonté officielle d'enrichir les métiers. Certaines fonctions autrefois réservées à des techniciens qualifiés ont été déléguées aux opérateurs - selon la nouvelle appellation des ouvriers -, laissant du temps aux premiers pour faire de la prévention et travailler à éviter les pannes. « Cette possibilité pour les opérateurs d'intervenir sur leurs installations [pouvait] être perçue comme une ouverture vers une maîtrise plus complète de leur travail », note Mme Marie-Noëlle Picout, doctorante à l'université d'Evry qui a étudié le « système de maintenance active » de ce grand groupe industriel (4). Au bout du compte, les professionnels de la maintenance ont vécu cette mutation comme une perte d'identité et ils n'ont gagné aucun pouvoir d'intervention dans d'autres domaines (le choix des équipements, par exemple). Les opérateurs de la production y ont vu une charge de travail supplémentaire, la coupure entre ces différentes catégories de personnels demeurant toujours aussi vivace. Et Mme Picout de conclure : « Les innovations marquent moins un effacement de la division taylorienne du travail qu'une modification des formes qu'elle prend. »

Cette logique tient compte de l'élévation des compétences et des qualifications des personnels, mais elle reste profondément ancrée. Elle marque aussi la conception des systèmes de traitement de l'information. Certains logiciels permettent d'automatiser la lecture de documents et d'en gérer le flux, sans que les salariés puissent intervenir, tandis que les réseaux, eux, permettent de s'émanciper des lieux géographiques. Ces systèmes, note l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), « ont des conséquences importantes à la fois sur le volume de postes et sur la prolétarisation des classes moyennes (5) ».

« Prolétarisation » : l'expression ne viendrait pas spontanément à la bouche de Mme Nadine Cussion, cadre dans une grande compagnie d'assurances, jusqu'ici convaincue de la nécessité de la marche en avant technologique. Mais elle n'est pas loin de le penser. chargée du secteur risque automobile, Mme Cussion s'estime déqualifiée. « Je me sens canalisée, témoigne-t-elle, je n'ai plus de marge de manoeuvre, alors que, avant, je pouvais discuter avec les agents des suites à donner à certains dossiers ou du traitement de situations particulières. » Justement, ce sont ces « aléas du comportement », selon les termes des nouveaux gourous du management, que les systèmes automatisés et parcellisés cherchent à réduire.

Les ordres, eux, continuent à descendre. L'écran ayant remplacé les contacts humains, il arrive même - paradoxe des paradoxes - que les salariés se sentent encore plus isolés et cloisonnés qu'avant. C'est parfois par l'intranet, le réseau maison, qu'ils apprennent leurs nouveaux objectifs de production, les changements dans les axes de travail, voire des modifications de processus de fabrication ou d'organisation des tâches.

L'information parvient à tout le monde en même temps. Mais plus personne ne bénéficie de réunions collectives (trop « chronophages », selon l'expression préférée des managers) ni de ce dialogue en direct qui permettait de faire part de ses interrogations ou de ses problèmes sans être montré du doigt. Chacun doit se débrouiller seul pour assimiler les changements. « On travaille sans filet », témoigne un technicien d'une usine automobile. Avant, il suffisait de connaître son métier. Aujourd'hui, il faut développer des réseaux dans l'entreprise, savoir où chercher les compétences, continuer à se tenir informé... Le contact avec les collègues des autres unités de production est facilité. On peut même passer commande à des sous-traitants chinois sans être entravé par les décalages horaires. Mais « il faut tenir physiquement, intellectuellement, techniquement ».

M. Yves Lasfargue, directeur des centres d'études et de formation pour l'accompagnement des changements, résume : « Ce n'est pas parce qu'on dispose de plus de données qu'on a plus de connaissances. Les réseaux permettent, certes, de partager des données, mais certainement pas des savoirs (6). »

Que dire alors de l'adoption des logiciels d'auto-évaluation par certaines grandes entreprises, comme par exemple la Banque populaire ou Siemens ? Certains employés y voient l'occasion de faire pression sur la hiérarchie pour obtenir (enfin...) des stages de formation. Mais la plupart des personnes rencontrées redoutent l'exercice. Elles craignent une surveillance quasi policière de la part des directions. Ces dernières s'en défendent. Mais les garanties restent souvent très formelles. Et la multiplication des licenciements pour utilisation abusive et personnelle de la Toile prouve que l'on peut à tout moment « entrer » dans chaque ordinateur.

Les salariés vivent souvent ces tests comme une pression pour les obliger à s'adapter aux nouvelles exigences de la direction. Pour rentrer dans la norme, certains vont jusqu'à s'autoformer... en dehors des heures de travail. Selon l'institut Eurotechnopolis (7), actuellement 37 % des salariés travaillent plus de six heures trente par semaine à leur domicile, avec leur micro-ordinateur personnel. Ce qui fait dire à Danièle Linhart que « le travail a le bras de plus en plus long, jusqu'à atteindre la sphère domestique ». De plus, seul face à son écran, le salarié peut, à la fin de l'évaluation, se retrouver seul face à lui-même, avec des résultats auxquels il ne s'attendait pas. Il peut en sortir brisé.

Salariés qualifiés et travailleurs jetables

certains craquent, se sentent rejetés, margi nalisés, véritables « analphabètes » des nouvelles technologies. Dans de nombreuses entreprises de services, on constate déjà une triple rupture entre travailleurs : rupture culturelle, générationnelle, sociale. Ainsi les salariés qui n'ont pas passé l'étape de la micro-informatique se retrouvent-ils, avec Internet, relégués à l'âge de pierre. Selon l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), 48 % des cadres français n'ont jamais surfé sur la Toile.

L'écart avec les jeunes, habitués à Internet et à une information plus fluide, augmente très rapidement. Ces derniers ont d'ailleurs une vision de leur carrière très différente. « Ils ne sont pas formatés comme leurs aînés, constate M. Eric Lhomme, qui dirige le département « ressources humaines » du cabinet de consultant Algoë. Ils attendent d'être vite reconnus, de vite accéder à des niveaux hiérarchiques supérieurs et d'obtenir une montée rapide en rémunération. » On peut toujours les payer en stock-options, mais la question de « leur fidélisation à l'entreprise » demeure, et il faut désormais « gérer la dualité des carrières des cadres » au sein d'une même entreprise. « Le modèle habituel des directions de ressources humaines (DRH) s'en trouve un peu ébranlé. »

c'est l'ensemble des relations sociales qui éclate sous le coup de la mondialisation et d'Internet. L'entreprise fonctionne de plus en plus en cercles concentriques avec, au centre, des salariés hyperqualifiés (autonomes et mobiles, avec salaires élevés et fonds de pension) ; plus loin, des salariés aux qualifications jugées utiles (avec travail contraint, salaire décent mais sans stock-options) ; et, à la périphérie, des travailleurs jetables (horaires flexibles, petits salaires et contrats à durée déterminée).

De ce point de vue, les centres d'appel (téléphoniques ou sur Internet) représentent des modèles presque parfaits, à l'échelle d'une branche d'activité. Tout aussi symboliques de la nouvelle économie que les « jeunes pousses », mais infiniment moins médiatisés, ces centres connaissent une croissance rapide (16 % par an) et occupent 120 000 personnes en France - 1 million en Europe (8). Leurs activités vont de la maintenance de systèmes informatiques à la vente de biens ou de services, de la gestion des comptes bancaires au service après-vente. Le spectacle y est souvent affligeant : un alignement de têtes casquées, prolongées d'antennes micro, des mains qui se déplacent à grande vitesse sur le clavier, des yeux qui passent des écrans aux affiches lumineuses indiquant le nombre d'appel en attente, des visages tendus... Les temps modernes en « hot line »...

La moyenne d'âge dans ces entreprises ne dépasse guère les 25 ans et le taux de rotation atteint 30 % - un record que seule la restauration rapide doit égaler ! La plupart des salariés sont payés au nombre d'appels reçus ou de clients gagnés. Certains, loués par des entreprises, travaillent à demeure, mais sont payés par une société de centre d'appels, sans convention collective digne de ce nom. La nouveauté de ces métiers rend possible le contournement des lois sociales. Cela n'empêche pas les grands groupes de choisir la délocalisation dans des lieux encore plus avantageux. Air France, par exemple, a installé son centre de réservation à Wembley.

Les employés de la compagnie suisse de téléphone Mobilzone peuvent même voir leur salaire se réduire si les clients gagnés finissent par résilier leur abonnement ou se révèlent mauvais payeurs (9) ! Les gestionnaires appellent cela le « clawback », ou retour de manivelle. Les salariés assurent les risques de la vente, les employeurs en gardent les profits.

Aucune pratique de ce genre à France Télécom, qui est à la fois le plus ancien et le plus grand intervenant dans ce domaine. Le statut général du groupe, qui couvre la plupart des salariés, apporte quelques garanties. Toutefois, comme le souligne M. René Ollier, secrétaire fédéral du syndicat SUD-PTT, les conditions de travail restent pénibles et les qualifications mal reconnues. Dans les services après-vente, où aboutissent les demandes de renseignements techniques et les réclamations, les salariés « doivent travailler sur un outil informatique avec de multiples logiciels variant selon les produits, et affronter en permanence les clients. Ils subissent un double stress : celui lié au client [pas toujours aimable] et celui lié à la complexité de la machine ». Il leur faut, en plus, avoir l'oeil rivé sur le compteur d'attente, qui affiche le nombre de personnes en ligne. « Il y a, pour le salarié, un aspect schizophrène : la direction leur demande, d'un côté, de la qualité (satisfaction, fidélisation du client, etc.) et, de l'autre, de la rapidité. C'est souvent inconciliable. »

Les cadres ne sont pas épargnés. Avec la loi sur la réduction du travail à 35 heures, ils doivent faire le même travail qu'avant, en moins de temps (officiel). Avec les nouveaux outils de communication, il leur faut être disponibles à tout moment. Chaque message Internet envoyé est considéré comme reçu, alors qu'une lettre peut être retardée, un fax se perdre dans les services, le téléphone sonner dans le vide. En moyenne, un cadre reçoit 80 messages par jour. Si l'on ajoute la messagerie vocale, il lui faut bien vingt à trente minutes chaque matin pour prendre connaissance et trier les informations. Et, s'il n'ouvre pas sa boîte électronique, il est d'avance coupable. Une triple pression : celle de la hiérarchie directe, qui considère que l'ordre envoyé est instantanément connu ; celle des clients, qui pensent que la commande passée est immédiatement reçue ; celle de subordonnés qui ne font plus un pas sans en « informer » leur chef... lequel va se trouver désarmé en cas d'erreur, s'il n'a pas lu le message en temps et en heure. Un sport tellement courant que, dans certains bureaux, on parle d'« e-parapluie ».

Ces pratiques semblent bien plus déstabilisantes pour l'encadrement que la circulation horizontale de l'information qui pourrait menacer son autorité. Certes, chaque salarié peut, en principe, doubler son supérieur et envoyer ses propositions ou ses revendications au plus haut niveau de l'échelle. Il peut commenter, au vu et au su de tout le monde, une décision absurde. Mais la remise en cause du rôle de la hiérarchie par ces méthodes semble assez rare. Le plus souvent, d'ailleurs, la direction sollicite ces interventions, y voyant l'occasion de se débarrasser de cadres trop anciens ou d'accélérer les changements d'organisation. Le cabinet de conseil Arthur Andersen, trouvant « la hiérarchie de ses bureaux parfois trop rigide et trop nationale », a utilisé à plein ce système (10). « Voir un jeune associé de moins d'un an [de présence] prendre au mot la notion d'horizontalité et questionner publiquement la décision de créer un comité exécutif au niveau européen, explique M. Norbert Bexcker, directeur associé pour l'Europe du groupe, est tout à la fois bienvenu et mal supporté par les plus anciens. » Des points d'appui pour obtenir les modifications souhaitées.

Du reste, les DRH reconnaissent que le moment le plus « efficace » pour ouvrir des forums de discussion est celui des restructurations. Ce qui n'est pas sans rappeler Ressources humaines, le film de Laurent Cantet : on peut installer un questionnaire, argumenter, répondre en direct aux questions posées par les salariés... D'autant plus facilement que, la plupart du temps, les syndicats n'y ont pas accès.

Les verrous de la propriété demeurent

toutefois, si l'institution syndicale est absente, les salariés, auxquels on ne peut interdire le courrier électronique, ne manquent pas de s'en emparer. Des syndicats comme la CGT, la CFDT ou SUD y voient un atout pour la démocratie, car ces technologies interactives permettent d'informer instantanément de telle ou telle décision contestable dans une entreprise, d'analyser ses conséquences, de favoriser les échanges pour élaborer ensemble les ripostes, d'avoir l'opinion du plus grand nombre lors de négociations... autant de véritables atouts pour les syndicats. Mais, outil complémentaire de la vie associative et collective, Internet « ne peut évidemment pas remplacer les contacts personnels, les réunions collectives », observe M. Noël Lechat, de la CGT. D'autant que, le plus souvent, il s'agit d'une utilisation sauvage des réseaux internes, les entreprises étant propriétaires des boîtes aux lettres électroniques et pouvant en interdire l'accès (voir encadré page 24).

Le contrôle de la connaissance, de sa diffusion et de ses applications devient l'un des enjeux majeurs des relations sociales comme des relations économiques. Les verrous de la propriété demeurent : celui qui possède l'information possède le pouvoir et réciproquement. Mais l'information n'est pas une marchandise comme les autres, puisqu'en la diffusant on ne s'en sépare pas : plus on la partage, plus on l'enrichit ; plus on la monopolise, plus on l'appauvrit (11). C'est bien cette contradiction qui fragilise les systèmes de pouvoirs. Ni cause de tous les maux au travail ni remède miracle au stress des uns et au chômage des autres, ces technologies offrent des possibilités de partage dans et hors l'entreprise. Les réseaux sont, avant tout, des systèmes de collaboration. Il n'y a aucune raison qu'ils deviennent des armes d'exclusion.

MARTINE BULARD.

 

(1) Jeremy Rifkin. L'Age de l'accès. La Découverte, Paris, 2000.

(2) Commissariat général du Plan, Rapport sur les perspectives de la France, La Documentation française, Paris, juillet 2000. Le rapport cite une étude du ministère de l'emploi : direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), n° 99-05, « Quinze ans de métiers. L'évolution des emplois de 1983 à 1998 ».

(3) Danièle Linhart et Christine Jaeger, « Une caisse d'allocations familiales en progrès : la gestion moderne de la misère », Réseaux, n° 91, Paris, septembre-octobre 1998.

(4) Marie-Noëlle Pécout, « La maintenance productive », dans La Nouvelle Division du travail, ouvrage collectif coordonné par Guillaume Bollier et Claude Durand, L'Atelier, Paris, 1999.

(5) Gérard Cascino, NTIC de quoi parle-t-on ?, réseau éditions Anact, 4, quai des Etroits, 69321 Lyon, septembre 1999. Disponible sur le site http://www.anact.fr/

(6) Yves Lasfargue, Technomordus, techno exclus ? Editions d'organisation - Les Echos, 2000.

(7) Cité par Liaisons sociales magazine, Paris, septembre 2000.

(8) Lire Gilles Balbastre, « Les nouveaux esclaves de la téléopération », Le Monde diplomatique, mai 2000.

(9) Rapporté par Le Courrier, Genève, 29 juillet 2000.

(10) Le Monde de l'économie, 7 mars 2000.

(11) Lire Jean Lojkine, Entreprise et société, PUF, Paris, 1998.

 

 

LE MONDE DIPLOMATIQUE | DÉCEMBRE 2000 | Pages 24 et 25
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