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Recherche musicale
Par PHILIPPE RIVIÈRE
Le Monde Diplomatique, Juin 2001

 

LE diable Napster, ce programme de troc de fichiers musicaux, n'était pas encore rentré dans sa boîte que son successeur pointait son petit nez : six lignes de code informatique, qui menacent la Motion Pictures Association of America (MPAA). Cette dernière tente de poursuivre en justice tous ceux qui reproduisent ces six lignes, sur leur site Internet, sur des tee-shirts, dans des images ou... en chanson. Dénommées deCSS, ces six lignes permettent de jouer des DVD sur tout ordinateur, et donc de recopier les films sur d'autres supports. Elles démontrent que le code de protection de ces disques n'est pas sûr. Pour la MPAA, la loi adoptée en 1998 par les Etats-Unis sous le nom de Digital Millenium Copyright Act (DMCA) interdit ce programme, en tant que moyen de contourner les « mesures techniques » de protection.

L'industrie musicale, de son côté, a lancé une « initiative pour la sécurisation de la musique numérisée » (SDMI, un consortium réunissant 180 sociétés, d'America Online à Yamaha, en passant par Canal+ ou Lucent), qui a fait développer un procédé de tatouage (inaudible) des fichiers musicaux. Ce tatouage devait permettre de restreindre la recopie d'un CD musical vers un autre support CD, à travers Internet. Le consortium avait proposé un défi, invitant les hackers à tester son système... Las ! deux jeunes chercheurs, Julien Stern (universités d'Orsay et de Louvain-la-Neuve) et Julien Boeuf (Ecole nationale supérieure des télécommunications, Paris), ont à leur tour « craqué » la solution SDMI. « Si, à nous deux, nous y sommes arrivés, s'amuse M. Stern, comment penser que d'autres n'y arriveront pas eux aussi ? » Les deux Français publièrent leurs résultats fin avril.

De son côté, le professeur Edward W. Felten était parvenu, avec une équipe de chercheurs des universités américaines Princeton et Rice et du Xerox Parc, à des résultats similaires. Il a dû s'abstenir de les publier : le SDMI lui avait fait parvenir une lettre comminatoire l'informant que « la divulgation d'informations obtenues dans le cadre de ce challenge (...) pourrait vous valoir, à vous et à votre équipe, une action en justice sous le DMCA  (1) ». Si elle était adoptée, la Convention proposée par le Conseil de l'Europe (lire ci-contre) viendrait remettre à égalité les chercheurs des deux continents...

 

(1) The New York Times, 27 avril 2001.

Lire : Nous sommes tous des cybercriminels

 

LE MONDE DIPLOMATIQUE | JUIN 2001 | Page 3
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