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Sida : le fonds de Kofi comme manuvre de diversion Communiqué Act-Up, juillet 2001
Conséquence logique de la montée en puissance du débat sur laccès aux médicaments dans les pays pauvres, les gouvernements et les bailleurs de fonds sont dans lobligation de quitter la posture dattentisme quils conservaient depuis 20 ans. Ainsi, Kofi Annan lançait en avril dernier lidée dun Fonds mondial destiné à collecter de 7 à 10 milliards de dollars par an pour la lutte contre le sida. Les malades des pays pauvres, les ONG et les activistes peuvent alors croire que ce fonds va marquer un tournant décisif dans la lutte contre lépidémie : permettre enfin un changement déchelle en matière de financement et la prise en charge des millions de malades qui nont toujours pas accès aux médicaments. Deux mois plus tard, pourtant, lenthousiasme est retombé. Le Fonds sest transformé : il sera également destiné à la tuberculose et au paludisme ; les montants annoncés sont dérisoires ; on assiste à une dilution des objectifs et au retour en force du toutprévention. Pour Gaëlle Krikorian dAct Up-Paris, "ce fonds ressemble à une manuvre de diversion. Il permet avant tout docculter la question de la production et de laccès aux médicaments génériques dans les pays pauvres, tout autant que le débat sur les accords TRIPS de lOMC et leurs conséquences sanitaires dramatiques dans les années à venir." Et Gaëlle Krikorian dajouter" les bailleurs internationaux espèrent-ils acheter le silence des séropos et assurer le maintien de la propriété intellectuelle en annonçant quelques centaines de millions pour un nébuleux " fonds global " ? "
La condamnation des malades Montants
dérisoires La tonitruante initiative de Kofi Annan sert avant tout les bailleurs internationaux, et notamment les pays du Nord, qui peuvent à moindre frais largent est loin dêtre débloqué, les financements proviendront à coup sûr de redéploiements donner lillusion quils se mobilisent. Dilution
des objectifs En outre, si les gouvernements sont libres de flécher leurs financements, la plupart dentre eux les orienteront vraisemblablement vers la malaria ou la tuberculose au détriment du sida, vers la prévention au détriment des traitements, vers les médicaments de marque au détriment des génériques. Les récentes déclarations des gouvernements américain (2), anglais, de responsables de lUnion européenne (3) ou de représentants des agences internationales (4) le laissent déjà entendre. Le temps
de mourir Création
dune n-ième entité internationale de coordination La mise en place dun fonds global ne doit pas être la condition sine qua non à un accroissement massif des financements. Les pays riches nont pas besoin dun Fonds mondial pour décupler leurs efforts en matière de lutte contre le sida. En revanche, ils risquent de saisir cette occasion pour poursuivre un désengagement massif en matière daide au développement, couvert par la mise en place dinitiatives internationales peu opérationnelles mais médiatiques.
Ce que cache le fonds Des politiques
indignes daide au développement Dans ce contexte, ce nouveau projet de Fonds mondial est difficilement crédible. Une véritable
prise de conscience de la gravité que représente lépidémie
de sida imposerait : Le refus
de remettre en question la propriété intellectuelle dans
les pays pauvres La Coalition Kenyane le rappelait dans son communiqué de presse du 27 mai lors de la visite du Secrétaire dEtats américain Colin Powell : "lune des raisons majeures qui explique la mort dun nombre si important de personnes est le prix des antirétroviraux et des autres médicaments vitaux qui restent inabordables. Bien que des fabricants de génériques vendent des trithérapies dans certains pays africains (Cameroun, Nigeria) pour 350 dollars US par patient et par an, au Kenya, le prix le plus bas quont pu négocier les hôpitaux est de 1 330 à 1620 dollars US par patient et par an." (5) Aujourdhui, les malades des pays en développement doivent pouvoir bénéficier de lintégralité de la palette thérapeutique anti VIH/sida à prix coûtant dans les meilleurs délais. Lurgence à traiter les millions de personnes atteintes dans les pays en développement impose de multiplier rapidement les sources de production dans les pays du Sud et de développer les échanges Sud/Sud. Pourtant, la pression politique qui demeure autour des questions de propriété intellectuelle bloque les initiatives des pays pauvres qui souhaiteraient produire ou importer des copies de médicaments en témoigne le procès devant lOMC récemment intenté par les Etats-Unis au Brésil (6). Ainsi, les brèches prévues par les accords internationaux sur la propriété intellectuelle licences obligatoires ou importations parallèles comme autant de garde-fous au monopole des grands laboratoires, restent inexploitables en létat des rapports de force. Lintimidation est la règle, et les exemples de tentatives avortées abondent. Le droit sur la propriété intellectuelle devrait permettre que l'exploitation commerciale des produits pharmaceutiques alimente un réinvestissement dans la recherche et assure l'accès du plus grand nombre aux innovations dans le domaine de la santé. En réalité, les brevets ne garantissent qu'une chose : les profits d'une poignée de multinationales bénéficiant d'un monopole de 20 ans sur l'exploitation des médicaments, tandis qu'ils en restreignent l'accès aux seuls malades solvables ; les autres étant contraints de se soumettre à la charité ponctuelle des multinationales. Cest de cette réalité que nous détourne aujourdhui la médiatisation autour du Fonds mondial. Les récents évènements lors de lAssemblée Mondiale de la Santé à Genève (du 15 au 22 mai) en sont lillustration : tandis que Kofi Annan venait répéter lannonce de la création du Fonds devant un parterre de ministres de la santé enthousiastes, en coulisses, américains et européens sentendaient pour contraindre le Brésil ou lAfrique du Sud à renoncer aux résolutions concrètes quils proposaient en faveur de laccès aux génériques ou du renforcement des systèmes sanitaires dans les pays en développement.A lheure actuelle, lune des priorités de la lutte contre le sida est le lancement d'un appel doffre international ouvert aux fabricants de génériques et de copies permettant lachat des traitements au plus bas prix par la réalisation déconomies déchelles et la mise en concurrence des producteurs. Le financement dune telle opération ne nécessite pas la création dun Fonds " global et omnipotent ", mais d'un simple programme au sein dun organisme existant . Au delà de cette mesure et puisque les accords de lOMC se montrent incapables de permettre la défense des intérêts de santé, la lutte contre le sida impose labolition de la propriété intellectuelle partout où elle tue. Act Up-Paris exige : - Le
déblocage des financement promis dans les plus brefs délais
et sans attendre la mise en uvre du Fonds mondial ;
Notes : (1) Les Etats-Unis ont, par ailleurs, cette annŽe une dette de 100 millions de dollars envers l'OMS. (2) " Les africains ne savent pas ce que signifie le temps au sens occidental. Il faut prendre ces médicaments à certaines heures du jour, ou ils nont pas deffet. De nombreuses personnes en Afrique nont jamais vu une pendule ou une montre de toute leur vie. Si vous leur dites une heure de laprès-midi, ils ne comprennent pas de quoi vous parlez. Ils comprennent le matin, le midi, le soir et ils comprennent lobscurité de la nuit. " Andrew Natsios, directeur de lUSAID (Agence américaine pour le Développement International), juin 2001. (3) Poul Nielson, commissaire européen au développement, déclarait ainsi le 16 mai 2001 que lun des conditions à la contribution de lUnion Européenne au Fonds était que la priorité en matière de sida reste sur la prévention. (4) Lors de la conférence des Nations Unies qui sest tenue le 4 juin à Genève, lOMS a insisté sur le fait que les fonds devraient être majoritairement utilisés sur la prévention du sida et le traitement de la malaria et de la tuberculose. (5) La Coalition Kenyane pour laccès aux médicaments essentiels comprend : Action Aid, The association of People with AIDS in Kenya (TAPWAK) ; Health Action International (HAI Africa) ; Network for People living with HIV/AIDS (NEPHAK) ; Women Fighting AIDS in Kenya (WOFAK) ; Society for Woman and AIDS in Kenya (SWAK) ; Nyumbani ; International Federation of Women Lawyers Kenya (FIDA) ; CARE International ; Médecins Sans Frontières (MSF) ; DACASA ; Pharmaciens Sans Frontières (PSF) ; Kenya Medical Association (KMA) ; Consumer Information Network ; Campagners for AIDS Free Society. (6) Les Etats Unis ont intenté une action devant lOMC contre le Brésil le 1er février 2001 sous le prétexte que la législation brésilienne sur les médicaments viole les accords internationaux. Cette loi prévoit la concession de licences pour la production locale de médicaments lorsque les compagnies détentrices des brevets nont pas eux-mêmes produit ces traitements ou que les prix pratiqués sont abusifs. Ce type de législation qui nest pas contraire aux accords internationaux sur la propriété intellectuelle existe aux Etats Unis, au Japon comme dans la plupart des pays européens. (7) Au Brésil, 7 molécules antirétrovirales sur 13 existantes sont actuellement produites par des laboratoires dEtats. La distribution gratuite des traitements par le gouvernement a permis une diminution de 50% des décès du au sida. |