Cette page est une copie pour archive de http://infos.samizdat.net/article.php3?id_article=107

UN APPEL AU DÉMANTÈLEMENT INTERNATIONAL DE LA CONTREFAÇON DE T-SHIRTS

PAR NAOMI KLEIN

Nombreux sont les prétendants au grand jeu de l'Opportunisme Politique depuis les atrocités du 11 septembre. Politiciens torpillant des lois qui touchent à la vie quotidienne tout en parlant de leurs électeurs sont en deuil ; sociétés se ruant sur l'argent frais ; experts accusant leurs opposants de trahison.

Curieusement, dans ce choeur de propositions draconiennes et d'intimidation Mc Carthyste, il y a une voix opportuniste qu'on n'a pas encore entendue. Cette voix, c'est celle de Robyn A. Mazer. Mme Mazer utilise le 11 septembre pour appeler au démantèlement international de la contrefacton de T Shirts.

Mme Mazer, est, on n'en sera pas surpris, une avocate d'affaire de Whashington DC. On sera encore moins surpris de savoir qu'elle est spécialisée des lois commerciales qui protègent le plus gros marché à l'exportation d'Amérique : celui des copyrights. C'est la musique, les films, les logos, les brevets sur les semences, le logiciel et d'autres choses encore. L'accord ADPICS (Accord sur la Propriété Intellectuelle et le Commerce des Services) est l'un des accords annexes les plus contestés à l'approche du sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce au Qatar, dans moins de deux mois. C'est là que l'on s'affronte, sur des désaccords qui vont du droit du Brésil à distribuer des médicaments génériques et gratuits contre le Sida au marché florissant de la Chine sur les CDs de Britney Spears à prix cassé.

Les multinationales américaines veulent désespérément que leurs produits aient accés à ces vastes marchés – mais ils veulent être protégées. Parallèlement, nombre de pays pauvres disent que les accords ADPICS coute des millions à la police, et que les impératifs de la propriété intellectuelle font monter l'addition pour les entreprises locales et les consommateurs.

Qu'est ce que ces luttes commerciales ont à voir avec le terrorisme ? Rien, absolument rien. Mais demandez donc à Robyn A. Mazer, qui a publié la semaine dernière un article dans le Washington Post titré « Du T Shirt au Terrorisme ; est-ce que les Nike contrefaites contribuent au financement du Réseau Ben Laden ».

« De récents développements suggèrent que bien des gouvernements suspectés de soutenir al Qaeda, sont sympathisants, corrumpus par, ou à tout le moins ignorants du traffic hautement lucratif de la contrefaçon et des produits piratés susceptible de génèrer d'énormes flux d'argent au profit des terroristes », écrit-elle.

« Suggère », « suspecté de », « à tout le moins » « susceptible de » – que de formules évasives dans une seule phrase, en particulier de la part de quelqu'un qui travaillait au Département américain de la Justice. Mais sa conclusion est sans ambiguité : soit vous renforcez les ADPICS, soit vous êtes des terroristes. Bienvenue dans le meilleur des mondes des négotiations du Commerce, où chaque clause ésotérique est pétrie de la suffisance d'une guerre sainte.

L'opportunisme politique de Mme Mazer soulève quelque contradictions intéressantes. Selon le représentant au Commerce des Etats Unis, Robert Zoellick, le commerce « promeut les valeurs qui sont au coeur de ce long combat »

Qu'est ce que de nouveaux traités de commerce ont à voir avec la lutte contre le terrorsime ?Et bien, les terroristes détestent l'Amérique parce que qu'ils détestent justement la société de consommation : Mc Donald et Nike et le capitalisme – vous savez, la liberté. Faire du commerce est par conséquent défier cette croisade ascétique, répandre ces produits qu'ils vomissent

Mais, attendez une minute : et toutes ces copies pirates dont Mme Mazer disait qu'elles financaient la terreur ? En Afghnanistan, insiste-elle, vous pouvez acheter des t-shirts portant le logo piraté de Nike à la gloire Ben Laden « le plus grand Mujahidin de l'Islam ». Il semble que nous soyons face à un scénario beaucoup plus complexe que la facile dichotomie d'un Mc World marchand contre un Jihad anti- business. En fait, si Mme Frazer ne se trompe pas, non seulement les deux mondes sont étroitement liés, mais l'image de Mc World est utilisée pour financer le Jihad.

Peut-être qu'un peu de complexité va nous faire du bien. La désorientation que ressentent les américains a en partie à voir avec le rôle exagéré et sur-simplifié qu'a la consommation dans le disocurs américain. Acheter c'est exister. Acheter c'est aimer. Acheter c'est adhérer. Si les gens hors des Etats Unis veulent des Nikes – mêmes de copies – c'est sans doute qu'ils veulent être américains., qu'ils aiment l'Amérique, qu'ils sont adhèrent à tout ce que représente l'Amérique

Ce conte de fée dure depuis 1989, depuis que ces mêmes groupes média qui nous balancent la « Guerre contre le Terrorisme » de l'Amérique, proclament que leur satellites de télévision vont faire s'écrouler les dictatures du monde entier. Consommer amènera inévitablement la liberté. Mais ces refrains faciles ont échoué : l'autoritarisme coexiste avec la consommation, le désir des produits de l'Amérique se mêle à la rage des inégalités.

Rien n'exprime mieux ces contradictions que les guerres commerciales sur les copies pirates. Le piratage pousse dans les cratères sans fond de l'inégalité, quand la demande pour les produits de consommation a des décennies d'avance sur le pouvoir d'achat. Il pousse en Chine, où les produits, fabriqués dans des ateliers clandestins réservés à l'exportation, se vendent à des prix supérieurs au salaire mensuel des ouvriers. En Afrique, où le prix des médicaments anti-SIDA est une cruelle plaisanterie. Au Brésil où les copieurs de CD sont adulés comme des Robins des Bois de la musique.

La complexité est une vacherie pour les opportunistes. Mais elle nous aide à approcher la vérité, même si celà implique de ne pas se laisser abuser par les faux.

Ce texte fait écho à un récent communiqué de l'agence Assaociated Press de Whashington.

 

Washington (AP) – L'administration a lancé ce lundi une nouvelle offensive pour persuader le Congrès de donner au Président Bush tout pouvoir de négocier les accords de commerce, disant aux législateurs que le vote contribuerait à la lutte contre le terrorisme global.
Le députe US au Commerce Robert Zoellick a dit aux partisans de cette législation de laisser le président négocier les accords de libre echange au niveau de l'hémisphere et lancer un nouveau round de discussions sur le commerce global ; ils devaient savoir dans les deux semaines si les votes étaient acquis pour le passage à la Chambre.
Zoellick affirme que la législation serait un signal majeur, l'affirmation que les Etats Unis n'entendaient pas se démettre de ses responsabilités globales, et entre autre de la défense du libre commerce contre les menaces terroristes et les opposants à la globalisation.

Pendant la guerre, la guerre continue, et l'Amérique profite du chaos pour fourbir ses armes et museler toutes les oppositions.

Copyright © Naomi Klein. article publié le 3 octobre sur le site No Logo. Traduction de l'anglais par les Virtualistes.