À vous de choisir

À chaque fois qu'une nouvelle pratique révolutionnaire apparaît, des sceptiques prédisent sa chute inévitable et montrent du doigt tous les obstacles qu'elle devra surmonter. Des fanatiques prêchent que seules les implémentations les plus pures du nouveau modèle peuvent réussir. D'autres, comme nous, se contentent de travailler, de tester, d'innover, et de l'utiliser lorsqu'elle s'avère plus efficace que l'ancienne pratique.

La naissance du PC illustre elle aussi le principal avantage de ce nouveau modèle. L'enthousiasme déclenché par la première spécification du PC IBM, publiée en 1981, ne devait rien à des critères d'ordre technique. Le premier PC intégrait une puce 8086 et 64 Ko (oui, Ko) de mémoire centrale. la mémoire totale utilisable ne pouvait dépasser 640 Ko. Personne n'imaginait qu'une machine individuelle exigerait un jour davantage. Un magnétophone à cassettes sauvegardait les données.

La révolution du PC prit son essor parce que ses utilisateurs restaient libre de disposer comme ils le souhaitaient de leur plate-forme informatique. Ils pouvaient acheter leur premier PC chez IBM, leur deuxième machine chez Compaq, et leur troisième chez HP. Ils pouvaient acheter de la mémoire ou un disque dur auprès d'un fournisseur parmi une centaine, et une gamme presque infinie d'équipements périphériques satisfaisaient presque tous les besoins.

Ce nouveau modèle a introduit un très grand nombre d'incohérences, d'incompatibilités, et de confusions entre les techniques, les produits, et les fournisseurs. Mais comme tout le monde le sait maintenant, les clients adorent le choix et la possibilité de maîtriser l'équipement. Ils s'accommoderont pour cela d'une certaine dose de confusion et d'incohérence.

Notez aussi que le marché du matériel PC ne s'est pas fragmenté. Les spécifications sont généralement restées ouvertes, et une forte pression oblige les industriels à se conformer aux standards pour préserver l'interopérabilité. Aucun d'eux n'a une souricière suffisamment meilleure pour attirer les clients et ensuite les prendre en otages dans une solution propriétaire. Au lieu de cela, les innovations (les meilleures souricières) reviennent à la communauté dans son ensemble.

Le système Linux laisse le choix aux clients quant aux solutions techniques fournies avec leurs ordinateurs pour ce qui relève du système d'exploitation. Cela demande-t-il un tout nouveau niveau de responsabilité et d'expertise de la part de l'utilisateur ? Certainement.

Préféreront-ils, après avoir goûté au choix et à la liberté du nouveau modèle, revenir à l'ancienne approche les obligeant à faire confiance au fournisseur du système propriétaire ? C'est peu probable.

Les sceptiques continueront à chercher, et parfois à trouver, des problèmes sérieux liés à l'approche Linux. Mais les clients adorent le choix, et l'immense marché du développement de logiciel Open Source effectué via l'Internet les résoudra tôt ou tard.