La DARPA soutient le projet

Au même moment, dans les bureaux dirigeants de la DARPA (agence pour les projets de recherche avancée de défense), certaines discussions en cours eurent un effet majeur sur le travail effectué à Berkeley. L'un des tous premiers succès de la DARPA avait été de mettre en place un réseau d'ordinateurs inter-connectant tous les centres de recherche majeurs des États-Unis. À cette époque, la DARPA découvrait qu'un grand nombre d'ordinateurs exploités dans ces centres vieillissaient, et devaient être remplacés. Les coûts de l'adaptation les logiciels de recherche à ces nouvelles machines dépasseraient alors les autres. De plus, un grand nombre de sites ne pouvaient partager leurs programmes en raison de la diversité des matériels et des systèmes d'exploitation.

La variété des ressources informatiques requises pour ces groupes de recherche interdisait de ne sélectionner qu'un constructeur, et la DARPA ne souhaitait tout livrer ainsi à une seule entité commerciale. Il fut donc décidé d'assurer la standardisation par le système d'exploitation. Après bon nombre de discussions, Unix fut sélectionné car il avait démontré sa portabilité.

À l'automne 1979, Bob Fabry répondit aux souhaits de la DARPA en mettant en valeur Unix dans un document suggérant que Berkeley développe une version améliorée de 3BSD pour la communauté DARPA. Fabry en porta une copie à une réunion de sous-traitants de la DARPA œuvrant dans le domaine du traitement d'image, du circuit intégré, à laquelle assistaient aussi des représentants de Bolt, Beranek et Newman, les développeurs d'ARPAnet. Quelques réserves portaient sur la capacité de Berkeley à produire un système d'exploitation utilisable. Toutefois, la diffusion de 3BSD en décembre 1979 dissipa la plupart des doutes.

Grâce à l'amélioration ininterrompue de la réputation de la version 3BSD, Bob Fabry fut capable d'obtenir un contrat de 18 mois avec la DARPA, commençant en avril 1980. Ce contrat consistait à ajouter certaines fonctionnalités nécessaires pour les contracteurs de la DARPA. Sous les auspices de ce contrat, Bob Fabry mit en place une organisation baptisée Groupe de Recherche en Systèmes Informatiques (le « Computer Systems Research Group », ou CSRG). Il embaucha immédiatement Laura Tong pour qu'elle s'occupe de l'administration du projet. Fabry chercha ensuite un chef de projet de développement logiciel. Il supposa qu'étant donné que Joy avait tout juste passé son examen d'entrée en thèse, il choisirait de se concentrer sur ces études plutôt que de prendre ce poste. Mais Joy avait d'autres objectifs. Une nuit du début du mois de mars, il téléphona à Fabry pour lui indiquer qu'il souhaitait prendre en charge les futurs développements d'Unix. Quoique surpris par cette offre, Fabry accepta très rapidement.

Le projet débuta à vive allure. Tong mit en place un système de distribution pouvant supporter un volume de commandes supérieur à celui que permettaient les procédures en place. Fabry coordonna ses efforts avec ceux de Bob Guffy (AT&T) et des avocats de l'université de Californie pour diffuser de façon officielle Unix suivant des termes acceptables par tous. Joy incorpora le contrôle de tâches de Jim Kulp et il ajouta un système d'auto-réamorçage, un système de fichiers utilisant des blocs d'1 Ko et la gestion de la dernière machine VAX, le VAX 11/750. En octobre 1980, une distribution proche de la perfection incluant le compilateur Pascal, l'interpréteur Lisp de Franz ainsi qu'un système amélioré de gestion de courrier électronique était diffusé, sous le nom de 4BSD. Environ 150 exemplaires de cette distribution furent vendues au cours de ses neuf mois de vie. Le système de licence mis en place concernait les organisations plutôt que les machines, de sorte que la distribution fonctionna donc sur environ 500 machines.

Des critiques furent formulées car la diffusion de la distribution et l'activité de l'Université Berkeley augmentaient. David Kashtan, de l'Institut de recherche de Stanford, écrivit un article décrivant les résultats de tests de performances menés à la fois sous VMS et sous l'Unix Berkeley [1]. Ces tests accordaient à la version d'Unix destinée au VAX des performances fort limitées. Joy, délaissant temporairement ses projets, évalua systématiquement les performances du noyau et rédigea en quelques semaines un article montrant que les tests de performances sous Unix pouvaient s'avérer tout aussi favorables à Unix qu'à VMS.

La diffusion de 4.1BSD commença en juin 1981. Ce système remplaçait 4BSD car résultait de l'ajout du code d'auto-configuration écrit par Robert Elz et des modifications effectuées lors de la campagne d'évaluation. Il vécut environ deux ans, et près de 400 distributions furent vendues. Cette version aurait dû s'appeler 5BSD mais AT&T refusa car redoutait la confusion entre leur Unix commercial, System V, et une version de l'Unix Berkeley, 5BSD. Pour résoudre ce problème, Berkeley accepta de changer le système de numérotation pour les futures versions de manière à conserver 4BSD, et à n'incrémenter que le numéro mineur.

Notes

[1]

N.d.T. : ces deux universités entretiennent une féroce rivalité bien que quelques dizaines de kilomètres seulement les séparent…