Chapitre 13. Libérons les sources — L'histoire de Mozilla

Table des matières
Introduction
Rendre cela possible
Mise au point de la licence
mozilla.org
En coulisses
Premier avril 1998

Introduction

Le 23 janvier 1998, Netscape publia 2 annonces. Voici comment CNet rapporta la première : « Dans un élan sans précédent, Netscape Communication fera cadeau de son navigateur Navigator, confirmant les rumeurs des dernières semaines passées. »

Voici le compte-rendu de la seconde : « Ils donneront aussi le code source pour la prochaine génération de sa suite Communicator. »

La décision de donner son navigateur ne surprit personne, mais la livraison du code source étonna toute l'industrie. Cela occupa les gros titres des journaux dans le monde entier, et même la communauté du logiciel libre fut surprise de cet élan. Jamais auparavant un grand éditeur de logiciels n'avait fourni ainsi son code. Qu'allait devenir Netscape ?

Nous avions décidé de changer les règles du jeu, mais ce n'était pas la première fois. Connu depuis toujours pour penser différemment, Netscape prenait ainsi l'engagement de construire un Internet meilleur, de le hausser à un autre niveau. Lorsque Netscape commença la distribution sans restriction de versions de son navigateur sur l'Internet en 1994, certains déclarèrent : « C'est complètement fou ! ». Quand Netscape annonce « Code Source libre », ils dit la même chose.

La période de discussion amenant à l'annonce de l'ouverture des sources se déroula à vitesse grand V. Alors qu'il avait fallu des mois de délibérations pour décider s'il fallait fournir ou non le logiciel gratuitement, 24 heures suffirent à une forte proportion des responsables pour accepter de libérer les sources.

Aussi rapide et surprenante que fut l'annonce pour le personnel et les observateurs, elle reflétait plusieurs courants de pensée convergents. Les dirigeants de Netscape discutèrent d'un livre blanc rédigé par Frank Hecker qui y exprimait une opinion de première importance car il prônait la libéralisation de leurs sources. Frank y citait l'article d'Eric Raymond, « La Cathédrale et le Bazar », en en parlant avec les gens de toute l'organisation, que ce soit les ingénieurs, le marketing ou le management. Dans un opus de 20 pages qui fut très diffusé, il plaidait la cause dont le bataillon des convaincus s'étoffait régulièrement.

Quand Netscape rendit pour la première fois Navigator téléchargeable sans restriction sur l'Internet de nombreux observateurs crurent voir une atteinte au bon sens classique de l'industrie du logiciel, et doutèrent que nous puissions gagner de l'argent « en faisant cadeau du logiciel ». Aujourd'hui, naturellement, cette stratégie est rétrospectivement perçue comme une innovation couronnée de succès, un facteur clé dans le développement rapide de Netscape; et rare sont aujourd'hui les sociétés qui ne copient pas notre stratégie d'une façon ou d'une autre. Cela soulève diverses questions, par exemple : que se passerait-il si nous reproduisions le même scénario, cette fois-ci avec le code source ?

Les ingénieurs se prononçaient de façon similaire. De nombreux employés de Netscape avaient l'habitude de travailler avec des outils libres. Et depuis que le code de Communicator était si intimement mêlé avec Java et HTML, beaucoup admettaient une vérité émergente : libérer le source pose à présent moins de problème. La nature de Java invite à une perception plus ouverte de la distribution des sources. Il est multi-plate-forme et peut être compilé en fichiers classes, exécutables indépendants de la machine car chaque binaire repose sur une machine virtuelle, donc les programmeurs peuvent décompiler l'exécutable et en étudier le code source. La commande « Voir le source » du navigateur, elle, assure la popularité de HTML d'une façon semblable. Plutôt qu'essayer de bloquer cela, beaucoup pensaient que Netscape devait le faciliter, l'encourager, et en tirer autant que faire se peut bénéfice.

Les différentes écoles de pensée fusionnèrent avec une soudaineté inattendue. Durant les réunions, la stupéfaction laissait en quelques minutes place à l'approbation. La plupart des discussions passèrent rapidement de « devons-nous ? » à « quand ? ». La plupart des acteurs clés croyaient que nous devions agir rapidement, annoncer une date ferme puis s'y tenir. En janvier, Netscape publia une promesse sur le Net : les sources de Communicator seraient livrées durant le premier trimestre de 1998. Netscape tint cette promesse avec le plus grand sérieux, et le « Project Source 331 », nom donné au fruit du travail des équipes œuvrant afin de publier le 31 mars 1998, vit le jour.

Puis la réalité s'imposa.