Tribune Libre: Ténors de l'Informatique Libre | ||
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Les avantages de Linux ne dépendent pas de sa grande fiabilité, de sa facilité d'utilisation, de sa robustesse, ni des outils inclus mais dans la maîtrise que l'on en a du fait de deux caractéristiques qui lui sont propres, à savoir qu'il est fourni avec le code source complet, et que l'on peut utiliser ce code source pour ce que l'on veut, sans même demander une autorisation.
La NASA, qui propulse des gens dans l'espace, a une expression : « un logiciel n'en est pas un sans son code source. »
La haute fiabilité ne satisfait pas, à elle seule, les ingénieurs ce cette agence. Une fiabilité extrêmement élevée ne les contentera pas davantage. La NASA a besoin d'une fiabilité absolue. Elle ne peuvent pas se permettre de subir un « écran bleu de la mort » avec douze âmes confiantes propulsées à deux milles kilomètres par heure autour de la Terre, dont les vies dépendent de son système.
La NASA a besoin d'avoir accès au code source du logiciel pour construire ces systèmes. Et elle a besoin de l'autorisation de le modifier pour l'adapter à ses besoins. Je dois admettre qu'il n'est peut-être pas nécessaire de rendre le système de gestion d'un cabinet de dentiste, servant à facturer le détartrage annuel des patients, aussi fiable que celui dont dépendent les astronautes de la NASA, mais le principe reste le même.
Nos utilisateurs peuvent modifier le produit pour l'ajuster aux besoins de l'application qu'ils mettent en place. C'est la valeur ajoutée que Red Hat offre à ses clients, une offre qu'aucun de nos rivaux, bien plus importants, ne veut, ou ne peut, formuler.
Cette valeur ajoutée renverse toutes les notions usuelles de propriété intellectuelle. La licence Red Hat, loin d'emprisonner les utilisateurs et de les éloigner du code source, intègre l'idée d'accès et de contrôle du code source. Quelle licence permettrait d'assurer cela ? Des personnes raisonnables de la communauté Open Source peuvent avoir et ont des avis différents sur la réponse. Mais chez Red Hat, nous avons nos propres positions sur le sujet. Les voici :
La General Public License, GPL) de la Free Software Foundation est dans l'esprit de l'Open Source et, parce qu'elle garantit que les modifications et améliorations apportées au système restent publiques, est très efficace pour gérer un projet de développement coopératif.
Notre définition de l'« efficacité » vient des vieux jours du développement d'Unix. Avant 1984, AT&T partageait le code source du système Unix avec n'importe quelle équipe capable de les aider à l'améliorer. Quand AT&T s'est scindé, les divisions en résultant n'étaient plus limitées à être des opérateurs de télécommunications. Ils ont alors décidé d'essayer de gagner de l'argent en vendant des licences du système d'exploitation Unix. Toutes les universités et les groupes de recherches qui avaient aidé à la construction d'Unix acquittèrent dès lors des factures afin de pouvoir l'employer alors même qu'ils avaient participé à son développement. Ils étaient furieux mais impuissants, car AT&T possédait le copyright sur Unix. Ces autres équipes de développement ont poussé AT&T à la discrétion.
Notre préoccupation est la même. Si Red Hat développe une innovation que nos concurrents peuvent utiliser, le moins que nous puissions demander est que nos équipes de développement disposent de la même façon des leurs. La GPL est la licence la plus efficace pour assurer que la coopération forcée entre les membres des différentes équipes continue malgré la concurrence du moment.
Gardons à l'esprit que la modularité du système Linux est l'une de ses grandes forces. Une version de Red Hat Linux abrite plus de 435 outils distincts. Le choix d'une licence a donc aussi un aspect pratique. Si elle permet à Red Hat de fournir un logiciel mais pas d'y apporter des modifications, cela crée des problèmes car les utilisateurs ne peuvent plus corriger ou adapter le logiciel pour leurs besoins. Une licence moins restrictive, qui oblige l'utilisateur à demander une autorisation à l'auteur avant de modifier un logiciel, contraint encore trop Red Hat et nos clients. Devoir demander l'autorisation de modifier à peut-être 435 auteurs ou équipes de développement différents n'est tout simplement pas pratique.
Mais nous ne sommes pas des fanatiques des licences. Nous nous satisfaisons d'une licence qui nous accorde un contrôle sur le logiciel utilisé car cela nous permet à notre tour d'offrir les avantages correspondants à nos clients et utilisateurs, qu'ils soient ingénieurs de la NASA ou programmeurs d'applications travaillant sur le système de facturation d'un cabinet dentaire.
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