Le moteur économique du développement de logiciel Open Source

Les histoires intéressantes sur les origines de Linux démontrent la puissance du modèle économique de son développement.

La communauté Open Source a dû dépasser le stéréotype du hacker hobbyiste. Selon ce stéréotype, Linux, par exemple, est développé par des hackers de quatorze ans, dans leurs chambres. On a ici un exemple de la peur, de l'incertitude et du doute (Fear, Uncertainty and Doubt, FUD), distillés et imposés à l'industrie du logiciel par les éditeurs de systèmes propriétaires. Après tout, qui pourrait faire confiance, pour son application critique, à un logiciel écrit par un adolescent pendant ses loisirs ?

La réalité, bien entendu, est très différente. Même si le « hacker solitaire » a toujours une grande valeur et une part importante dans le processus de développement, de tels programmeurs n'ont réalisé qu'une faible part du code qui constitue le système Linux. Le créateur de Linux, Linus Torvalds, a commencé à travailler sur Linux alors qu'il était étudiant, et la majeure partie du code est écrite par des développeurs professionnels travaillant dans les plus grandes organisations de développement, d'ingénierie et de recherche.

En voici quelques exemples : les compilateurs GNU C et C++ sont fournis par Cygnus Solutions Inc.™ (Sunnyvale, Californie), le système X Window par le X Consortium (avec l'aide d'IBM, HP, Digital, et Sun). Un bon nombre des pilotes Ethernet sont maintenant sous la responsabilité d'ingénieurs de la NASA. Les pilotes de périphériques proviennent dorénavant assez souvent des constructeurs des périphériques eux-mêmes. Bref, le mode de développement d'un logiciel Open Source ne diffère guère de celui d'un logiciel conventionnel, et le talent impliqué est dans l'ensemble le même.

Grant Guenther, à l'époque membre de l'équipe de développement du serveur de bases de données d'Empress Software, voulait que ses collaborateurs puissent travailler sur leurs projets à domicile. Ils avaient besoin d'une méthode sûre pour transférer de gros fichiers de leurs bureaux à leurs domiciles et réciproquement. Ils utilisaient Linux sur des PC équipés de lecteurs Zip, mais à cette époque (1996), Linux exploitait mal ces périphériques.

Donc Grant a eu le choix : abandonner la solution Linux et acheter une solution propriétaire plus chère, ou arrêter ce qu'il était en train de faire et passer quelques jours à écrire un pilote décent pour le lecteur Zip. Il a choisi de le développer, et il a collaboré avec d'autres utilisateurs de ces lecteurs réunis grâce à l'Internet, qui testèrent et améliorèrent son logiciel pilote (driver).

Tâchons de déterminer ce qu'un éditeur de logiciels aurait payé à Empress et Grant pour cela. On peut sans risque l'estimer à plusieurs dizaines de milliers de dollars, et cependant Grant a choisi de « faire cadeau » de son travail. En retour, au lieu de l'argent, il a bénéficié d'une excellente solution à son problème de travail à domicile pour les programmeurs d'Empress, pour une fraction du prix des autres options possibles. Voilà le genre de proposition gagnant-gagnant offerte par les modèles coopératifs comme celui du développement Open Source.