Le copyleft et la GPL de GNU

Le but du projet GNU était de rendre les utilisateurs libres, pas de se contenter d'être populaire. Nous avions besoins de conditions de distribution qui empêcheraient de transformer du logiciel GNU en logiciel propriétaire. Nous avons utilisé la méthode du copyleft[1], ou « gauche d'auteur ».

Le gauche d'auteur utilise les lois du droit d'auteur, en les retournant pour leur faire servir le but opposé de ce pour quoi elles ont été conçues : ce n'est pas une manière de privatiser du logiciel, mais une manière de le laisser « libre ».

L'idée centrale du gauche d'auteur est de donner à quiconque la permission d'exécuter le programme, de le copier, de le modifier, et d'en distribuer des versions modifiées — mais pas la permission d'ajouter des restrictions de son cru. C'est ainsi que les libertés cruciales qui définissent le « logiciel libre » sont garanties pour quiconque en possède une copie ; elles deviennent des droits inaliénables.

Pour que le gauche d'auteur soit efficace, il faut que les versions modifiées demeurent libres, afin de s'assurer que toute œuvre dérivée de notre travail reste disponible à la communauté en cas de publication. Quand des programmeurs professionnels se portent volontaires pour améliorer le logiciel GNU, c'est le gauche d'auteur qui empêche leurs employeurs de dire : « Vous ne pouvez pas partager ces modifications, car nous allons les utiliser dans le cadre de notre version propriétaire du programme. »

Il est essentiel d'imposer que les modifications restent libres si on souhaite garantir la liberté de tout utilisateur du programme. Les sociétés qui ont privatisé le système de fenêtrage X faisaient en général quelques modifications pour le porter sur leurs systèmes et sur leur matériel. Ces modifications étaient ténues si on les comparait à X dans son ensemble, mais elles n'en étaient pas pour autant faciles. Si le fait de procéder à des modifications pouvait servir de prétexte à ôter leur liberté aux utilisateurs, il serait facile pour quiconque de s'en servir à son avantage.

Le problème de la réunion d'un programme libre avec du code non libre est similaire. Une telle combinaison serait indubitablement non libre ; les libertés absentes de la partie non libre du programme ne se trouveraient pas non plus dans l'ensemble résultat de cette compilation. Autoriser de telles pratiques ouvrirait une voie d'eau suffisante pour couler le navire. C'est pourquoi il est crucial pour le gauche d'auteur d'exiger qu'un programme couvert par le gauche d'auteur ne puisse pas être inclus dans une version plus grande sans que cette dernière ne soit également couverte par le gauche d'auteur.

L'implémentation spécifique du gauche d'auteur que nous avons utilisée pour la plupart des logiciels GNU fut la GNU General Public License (licence publique générale de GNU), ou GNU GPL en abrégé. Nous disposons d'autres types de gauche d'auteur pour des circonstances particulières. Les manuels du projet GNU sont eux aussi couverts par le gauche d'auteur, mais en utilisent une version très simplifiée, car il n'est pas nécessaire de faire appel à toute la complexité de la GNU GPL dans le cadre de manuels.

Notes

[1]

En 1984 ou 1985, Don Hopkins (dont l'imagination était sans bornes) m'a envoyé une lettre. Il avait écrit sur l'enveloppe plusieurs phrases amusantes, et notamment celle-ci : « Copyleft — all rights reversed. » (N.d.T. : « couvert par le gauche d'auteur, tous droits renversés. »). J'ai utilisé le mot « copyleft » pour donner un nom au concept de distribution que je développais alors.