L'avenir du capital-risque et de l'investissement dans Linux

Les motivations du hacker sont parfois philosophiques, mais le résultat n'est pas nécessairement un style de vie tendu vers le sacrifice. Des entreprises et des programmeurs convaincus de l'intérêt de l'Open Source collaborent de façon nouvelle, réaliste et efficace. L'investissement et le capital-risque entraînent l'économie de la Silicon Valley, où nous travaillons et vivons, et il en est ainsi depuis que le transistor commença a être exploité commercialement car les investisseurs saisirent alors l'occasion offerte par les microprocesseurs qui remplaçaient les cartes logiques compliquées.

À tout moment une nouvelle technique attire du capital-risque. L'investisseur ne dédaigne pas les grandes sociétés mais réalise qu'un portefeuille uniquement constitué d'entreprises florissantes ne permettra pas d'atteindre des objectifs financiers ambitieux. Il s'intéresse donc à de nouveaux projets menant à une Offre Publique Initiale[1] après moins de trois ans d'investissements ou à un fructueux rachat par des entreprises telles qu'Oracle ou Cisco.

En 1998, la grande vague de l'Internet retombe, et les ravages des IPO (Initial public Offer) de l'Internet, qui commencèrent avec les débuts fulgurants de Netscape, déclinent. Le rachat de Netscape par America Online marque, de façon très symbolique, la fin de cette ère. Les investisseurs s'intéressent de près aux actions d'entreprises liées à l'Internet, et bien souvent les soumettent aux mêmes contraintes que les autres : il leur faut exhiber de plausibles prévisions de profits.

Où le capital-risque mène-t-il ? Linux et les sociétés logiciels liées à l'Open Source, selon nous, sont et resteront le principal thème d'investissement de cette fin de millénaire. Linux, en ce cas, déchaînera l'enthousiasme et une IPO portant sur Red Hat Software à la fin de 1999 déclenchera une vague d'actions financières de ce type. Le volume des fonds disponibles est énorme, et des entreprises telles que Scriptics, Sendmail, et Vix.com semblent bien placées pour tirer parti de conditions favorables. Il ne s'agit plus de déterminer sir le capital-risque investira dans l'Open Source, mais plutôt de déterminer pourquoi le flot a commencé à s'écouler dans cette direction. N'oubliez pas que le logiciel libre n'est pas nouveau ; Richard Stallman a créé la Free Software Foundation en 1984, et elle repose sur une tradition plus ancienne encore. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour en arriver là ?

En regardant le paysage informatique, on trouve un contexte où une très grande entreprise aux poches très profondes se taille la part du lion du marché commercial. Dans la Silicon Valley, les éditeurs de logiciels enthousiastes cherchent fortune et s'adossent donc à des sociétés de capital-risque. Ils apprennent rapidement que les investisseurs ne s'intéresseront pas à leur projets si ces derniers ne correspondent pas à ceux de Microsoft. Chaque startup doit choisir de jouer le jeu de Microsoft ou de ne pas jouer du tout.

L'insolente montée en puissance du logiciel libre commença dans cet environnement oppressif. N'importe quel programmeur qui a déjà réalisé un programme destiné au système d'exploitation MS-Windows décrira ce système comme une lourde et démotivante collection d'interfaces construites de façon a rendre le programme complètement dépendant des bibliothèques de Microsoft. Le nombre d'interfaces proposées au programmeur est destiné à rendre n'importe quel programme pour MS-Windows difficile à porter sur un autre système d'exploitation.

L'Internet, domaine que Microsoft ne domine pas encore, ne connaît pas cette restriction. Comme l'indique Scott Bradley, l'Internet est bâti sur un ensemble de conventions et normes ouvertes maintenues par des individus décidés et non par le portefeuille d'une entreprise. Il reste, par bien des aspects, l'aventure originelle de l'Open Source. Le fait de continuer de l'adosser à des standards ouverts a facilité le travail d'une grande diversité de programmeurs sur les applications Internet dont la spectaculaire croissance montre l'efficacité du modèle.

Les structures inhérentes au succès de l'Internet sont également présentes dans le mouvement de l'Open Source. Oui, des distributeurs Linux comme Red Hat et SuSE sont concurrents, mais avec des standards ouverts et du code partagé. Toutes deux utilisent le Red Hat Package Manager (RPM) comme outil de gestion des paquetages, par exemple, au lieu d'essayer de capturer les développeurs par des systèmes de paquetages propriétaires. Debian emploie un outil différent, mais comme les outils de Debian et de Red Hat sont des programmes ouverts, la compatibilité a été assurée. L'infrastructure qui a rendu l'Internet attrayant pour le capital-risque est donc présente dans l'Open Source et rendra ce dernier tout aussi attirant.

L'Internet, et c'est plus important encore, a créé une nouvelle infrastructure à partir de laquelle l'Open Source peut se déployer. Nous passons de l'ère des éditeurs commerciaux de logiciels à celle des entreprises d'information que décrit Tim O'Reilly. Ce passage exige l'abaissement drastique des coûts d'entrée et de distribution. C'est ce qu'a permis l'Internet.

Notes

[1]

IPO : Initial Public Offer.