Recueil de textes sur le copyleft, le partage du savoir et l'intelligence collective. Mise à jour du 30 août 2001. Liens :
Freescape (list) - Samizdat - Copyleft attitude - Linuxfr - Gnu - B.Lang - FSF Fr - Aful - April - Portalux - Tootella - LibreActu01
FMA - Jukebox - musique libre - Aperio - Avataria - Abu - Textz - Gutemberg - Eurolinux - Copyleft.net - jeux libres - OpenCola
uZine - Autre Portail - ActUp - ConfPaysanne - Homestudio - L'éclat - GenericsNow - infOGM - Attac - DL - PLS - Monde Diplo
Transversales - Vacarme - Terminal - indymedia - Ecorev - Zin - Libé Multimedia - Le Monde Interactif - Internet Actu - Transfert

Pages : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - Tous les titres - Liens - Zip - Projet

Empêcher le hold-up des transnationales sur le vivant

Conseil Scientifique de Attac, Juin 1999

" [...] Terminator est une nécrotechnologie si répugnante que la campagne internationale d’interdiction en cours réussira peut-être à la mettre hors la loi. Mais cet arbre ne doit pas cacher la forêt. Le brevet permet d’atteindre le même objectif. L’exemple des Etats-Unis le montre. Lorsqu’un agriculteur veut utiliser des semences de Monsanto ogémisées et brevetées, il doit s’engager par contrat à ne pas semer le grain récolté. Si l’agriculteur s’est procuré ces semences sans signer de contrat, par exemple auprès de voisins, comme c’est une pratique courante, Monsanto peut alors le poursuivre devant les tribunaux parce que ces semences sont brevetées. Pourtant, l’agriculteur avait l’assurance que sa pratique de semer le grain récolté était un droit. Mais, selon Monsanto et la bio-industrie, ce droit s’applique aux semences obtenues par les méthodes ordinaires de sélection, et pas aux semences ogémisées brevetées !

Le brevet est donc tourné contre l’agriculteur, contre la faculté des plantes et des animaux de se re-produire, contre le vivant et, par conséquent, contre chacun d’entre nous. De même que l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) entendait protéger les investisseurs contre les risques économiques, le brevet, en rendant les plantes et les animaux légalement stériles, les protège de la malheureuse faculté des êtres vivants de se re-produire. La mystification d’une société néolibérale n’est-elle pas de créer des privilèges nouveaux tout en célébrant le bicentenaire de leur abolition ? Le brevet est un encouragement formidable à généraliser les techniques de transgénèse aux dépens du travail d’amélioration des plantes ou des animaux par des méthodes disponibles, efficaces, mais exemptes (pour l’instant) de privilège pour quiconque.

Pour faire bonne mesure, Monsanto invite les agriculteurs à dénoncer leurs voisins “ pirates ” et met à leur disposition une ligne téléphonique gratuite de délation. Le brevet, c’est Terminator légalisé, avec l’immense avantage d’éviter aux transnationales d’avoir à faire ces transgénèses complexes de stérilisation biologique, et de faire assurer par le contribuable-citoyen les coûts de sa propre expropriation ! Le brevet permet effectivement, lui aussi," une captation totale des ressources génétiques ”. [...] "

Attac - Texte - Archive 145

Appel contre la brevetabilité des gènes humains (Pétition européenne)

Jean-François Mattei, Professeur de Génétique Médicale, Député Français (DL)
Wolfgang Wodarg, Médecin, Député Allemand (SPD), Avril 2000

" Je souhaite par ce message attirer l'attention de la communauté internationale et plus particulièrement de l'Union Européenne sur la question de la brevetabilité des gènes humains.

Considérant que le génome humain est un patrimoine commun de l'Humanité, je refuse l'appropriation des séquences géniques qu'induit la logique des brevets.

Je m'oppose donc à la transposition en l'état de la directive européenne 98/44/CE du 6 juillet 1998 et demande un moratoire immédiat permettant sa renégociation ainsi que la suspension de toute attribution de brevets sur le génome.

Le corps humain, y compris ses gènes, n'est pas une marchandise. La gravité de cette question nécessite un débat public et transparent impliquant les citoyens. Il est urgent que chaque Etat l'organise avant d'arrêter une décision lourde de conséquences. Il en va de l'avenir de l'Homme. "


Capitalisme informationnel et émergence d'une société civique planétaire

Patrick Viveret, Colloque de Morsang sur Orge, janvier 2000

" [...] Les révolutions agricoles et industrielles, parce qu’elles s’organisaient principalement autour du rapport matière/énergie, réduisaient l’intelligence humaine à une pure fonction d’adaptation aux nouvelles techniques et aux nouvelles machines. Cette fois c’est la part « logicielle », donc la matière grise, qui est beaucoup plus décisive que l’ordinateur lui même dans sa composante matérielle.

Cette première distinction nous permet de comprendre que si le capitalisme informationnel utilise pleinement les potentialités technologiques de l’information numérisée, il sous utilise en revanche gravement, du fait de sa logique perpétuée de domination et d’instrumentation des êtres humains, la formidable fécondité de l’intelligence humaine. C’est en ce sens que l’on peut dire que si la « révolution informationnelle » est désormais pleinement engagée, la « révolution de l’intelligence » reste, elle, pour l’essentiel à faire. Et ce ne peut être le capitalisme, fut-il informationnel, qui la réalisera. A la différence de ce que l’on nomme improprement « intelligence artificielle », l’intelligence humaine ne fonctionne pas sans désir, à commencer par le désir de curiosité qui met en mouvement notre volonté de comprendre et de connaître ce qui nous est au départ inconnu. Selon que ce désir est orienté positivement vers la création ou négativement vers l’inhibition (l’angoisse), l’intelligence humaine, individuelle mais aussi collective, va utiliser ou stériliser les formidables potentialités qu’offrent nos quelques cent milliards de neurones. C’est ici que le capitalisme rencontre des difficultés majeures puisqu’il réserve le droit à la créativité à une minorité d’individus et qu’il la réduit à son expression mercantile. [...] "


La loi du marché : des médicaments trop chers
[article de la campagne pour l'accès aux médicaments essentiels]

Médecins sans frontières, Campagne pour l'accès aux médicaments essentiel, ,avril 2001

" [...] Les prix sont particulièrement élevés pour les médicaments protégés par un brevet. La société propriétaire de ce brevet détient les droits exclusifs de production de " son " médicament durant une période qui peut aller jusqu'à 20 ans. Sur le marché, le producteur est donc en situation de monopole et peut fixer le prix de son produit comme bon lui semble. Lorsqu'un brevet vient à expiration, d'autres entreprises pharmaceutiques peuvent fabriquer la molécule sous forme générique. La concurrence entre les producteurs de génériques est telle qu'elle provoque rapidement une baisse des prix. [...]

[...] Le prix très élevé des médicaments contre le Sida est injustifié car les instituts de recherche publics ont grandement financé leur développement. Ainsi, un médicament d'une importance majeure comme le ddI a été découvert par un institut de recherche public. Mais il a été ensuite breveté et commercialisé par Bristol Myers Squibb. [...]"


Racket sur le vivant
La menace du complexe génético-industriel

Jean-Pierre Berlan, Richard C.Lewontin, Le Monde Diplomatique, Décembre 1998

" [...] Ainsi Monsanto, la firme la plus avancée dans les applications des « sciences de la vie », n'hésite pas à publier des placards publicitaires de menaces dans des journaux agricoles américains. Sous le titre « Des semences Biotech piratées qui pourraient vous coûter plus de 1 200 dollars par hectare à planter », elle rappelle à l'agriculteur qui lui a acheté les semences en question - génétiquement modifiées et comportant un gène de résistance à son herbicide phare, le Roundup - qu'il n'a pas le droit de conserver une partie du grain récolté comme semence pour l'année suivante : c'est une « stérilité contractuelle ». Mais l'agriculteur peut s'être procuré du grain Roundup Ready sans avoir signé de contrat, auprès de voisins par exemple. Dans ce cas, la firme peut le poursuivre puisque la variété est protégée par un brevet : il s'agit cette fois d'une « stérilité juridique ». [...]

[...] Deuxièmement, l'augmentation historiquement inouïe des rendements dans les pays industriels, mais aussi dans nombre de ceux du tiers-monde - ils ont été multipliés par quatre ou cinq en deux générations, il en avait fallu douze ou quinze pour qu'ils doublent, et ils avaient sans doute stagné pendant les millénaires antérieurs -, repose sur la libre circulation des connaissances, des ressources génétiques et sur la recherche publique. La contribution de la recherche privée a un caractère marginal, y compris aux Etats-Unis, et y compris pour les « hybrides » de maïs. [...]

[...] Une autre voie est possible : tourner le dos à la politique européenne actuelle de brevetabilité du vivant qui ne fait qu'imiter servilement ce que font les Etats-Unis, et proclamer le vivant « bien commun de l'humanité » ; réorganiser une recherche authentiquement publique autour de ce bien commun pour contrecarrer une mainmise privée déjà très avancée qui vise à éliminer toute alternative scientifique permettant une agriculture écologiquement responsable et durable ; assurer la libre-circulation des connaissances et des ressources génétiques qui ont permis les extraordinaires avancées des soixante dernières années ; rendre leur pouvoir sur le vivant aux agriculteurs, c'est-à-dire à chacun de nous ; remplacer la guerre économique et le pillage des ressources génétiques par la coopération internationale et la paix. [...] "


Génoplante ou la privatisation des laboratoires publics

Jean-Loup Motchane, Le Monde Diplomatique, septembre 1999

" [...] Génoplante est un groupement d'intérêt scientifique (GIS) à vocation européenne, créé le 23 février 1999 au siège de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ; son objectif est double : développer un nouveau champ d'investigation du vivant, la génomique, et permettre « le développement, la défense et la valorisation d'une forte propriété industrielle». [...]

[...] Au sein de l'INRA, cette entreprise suscite l'opposition du syndicat CGT des chercheurs et, au-delà, fait l'objet de vives critiques dans la communauté scientifique. Ces critiques portent, d'une part, sur la subordination de la recherche publique aux intérêts des grandes firmes, et, d'autre part, sur une politique de développement de la propriété industrielle conduisant à la privatisation du vivant, au détriment des agriculteurs et des citoyens. L'Etat, qui fournit pourtant 70 % du budget de Génoplante, n'y dispose, au mieux, que de la moitié des voix. [...] "


Droits de propriété intellectuelle et biodiversité: Les mythes économiques

Fondation Gaia et GRAIN, octobre 1998

" [...] L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est en train d'accaparer un rôle déterminant dans la gestion internationale des systèmes de propriété intellectuelle. Son Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce, ou ADPIC, définit de nouvelles normes en matière de droit sur la propriété intellectuelle auxquelles tous les membres de l'OMC doivent se conformer dans sept domaines. L'ADPIC est entré en vigueur en 1995, et devra bientôt être appliqué pleinement dans les pays en développement (l'échéance pour les pays en développement et les pays les moins développés étant respectivement 2000 et 2006). Des sanctions commerciales attendent les pays membres de l'OMC qui tarderont à mettre en oeuvre les directives de l'ADPIC. [...]

[...] Le discours classique sur la relation entre les droits de propriété intellectuelle et le développement économique repose sur un certain nombre de "mythes économiques". Nous les appelons "mythes" car ils ne reflètent pas des réalités objectives. Pourtant, ils sont ingénieusement perpétués dans la conscience sociale alors même que les économistes sont profondément divisés sur ces questions. Il est aujourd'hui vital de résister à ces mythes et de s’en défaire. [...]

[...] Le rôle des droits de propriété intellectuelle dans la production et la diffusion technologiques est débattu depuis des décennies. Théoriquement, les DPI, comme les brevets, devraient contribuer à l'équilibre entre l'incitation à la recherche et l'innovation d'une part, et la protection de l'intérêt du public au sens large d'autre part. Des systèmes de DPI, qui fournissent aux inventeurs des droits de propriété exclusifs sur leurs créations, sont supposés avoir un effet catalytique dans l'innovation technique. En fait, ceci ne peut pas être démontré. Il n'existe tout simplement pas de lien de cause à effet.[...]

[...] La valeur économique d'un droit de propriété se retrouve dans le contrôle accordé au propriétaire du brevet sur la technologie concernée, les personnes qu'elle touche, la façon dont elle les touche, pour quelle période de temps, et à quel coût. Un brevet n'est pas lié à la santé d'une économie donnée, mais bien au contrôle potentiel du marché assuré pour le propriétaire du brevet. C'est la raison pour laquelle les pays industrialisés continuent à utiliser des DPI pour geler artificiellement leur privilège technologique dans l'économie globale.[...]

[...] En l'absence de politiques de concurrence qui restreignent les pratiques de licence et protègent l'intérêt public plus large, et sans loi anti-trust pour bloquer la formation de monopoles, les pays du Sud seront incapables de gérer les 'distorsions' subséquentes du marché. [...] "


Planète privatisée, défense d'entrer !
Une campagne contre les brevets sur le vivant

Agir ici, Mars-juillet 2001

" [...] Les textes internationaux et nationaux légalisant le brevetage du vivant se multiplient. L’accord sur les Aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, entré en vigueur dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, va permettre une généralisation du système des brevets à l’échelle de la planète. Parallèlement, une directive concernant la protection des inventions biotechnologiques a été adoptée par l’Union européenne en 1998. Il est prévu que celle-ci soit transposée dans le droit national des pays membres. Il est urgent de se mobiliser contre sa transposition.

Pour obtenir l’interdiction des brevets sur le vivant, nous demandons :

  • Aux députés français de voter contre la transposition en droit français de la Directive européenne 98/44 qui autorise le brevetage du vivant ;
  • Au Premier ministre d’intervenir auprès de l’Union européenne pour l’abrogation de la même Directive ;
  • Au commissaire européen chargé du Commerce de négocier auprès de l’OMC l’annulation de l’article 27.3 b de l’accord ADPIC, qui permet le brevetage du vivant, et de soutenir la position du groupe des pays africains. [...] "

L'UESPF défend les semences de ferme et le tri à façon
[Union Européenne des Semences et Plants de Ferme]

La Terre, Pour que vive le monde rural, avril 2001

" [...] Son objectif est d'assurer le maintient du droit séculaire et inaliénable des paysans d'utiliser librement la faculté des plantes à se reproduire elles-mêmes. Selon l'UESPF, La semence de ferme assure, à l'agriculteur, sa liberté de choix, la conservation de son rendement, la réduction de ses coûts de mise en production, la maîtrise de sa production de semences vis à vis des aléas du marché, la réduction des déplacements de la semence d'où une meilleure traçabilité et un risque limité de contamination (exemple, par des OGM). De part ses atouts la semence de ferme peut remplacer l'onéreuse semence certifiée. En effet, l'agriculteur utilisant des semences certifiées débourse entre 250 et 300 F de plus, par hectare ensemencé, qu'un agriculteur employant des semences de ferme, d'après Alain Gaignerot, Directeur du Modef, un syndicat d'exploitants agricoles membre de l'UESPF et de la CNDSF. Par ailleurs, "des millions d'agriculteurs des pays en voie de développement n'ont pas les moyens d'acheter des semences certifiées", souligne Alain Gaignerot.

Depuis plusieurs années, une partie de la filière des obtenteurs et des organismes multiplicateurs, c'est-à-dire des producteurs de semences certifiées, pousse l'Etat Français et l'Union Européenne à réglementer pour se protéger de la concurrence des agriculteurs et des entrepreneurs de triage à façon. [...] "


La semence de ferme menacée
[ Lettre aux députés européens ]

Union Européenne des Semences de Ferme, 18 avril 2001

" [...] Il ne s’agit rien moins que d’une obligation pour les agriculteurs d’acheter de la semence du commerce pour bénéficier de la prime P.A.C spécifique blé dur. Cette contrainte interdit de fait les agriculteurs à faire leur semence à partir de leur récolte. C’est là une atteinte à la liberté… C’est aussi une forme de racket sur les primes P.A.C, puisqu’une partie de la prime destinée aux agriculteurs se retrouve directement dans la poche des semenciers.

Quant à la taxation envisagée dans le projet de loi de 1997, elle revient sur le tapis sous la forme d’une mission dite de « conciliation », confiée à Monsieur Grammont, à la demande de la S.I.C.A.S.O.V(1) ainsi que de l’A.G.P.B(2) et de la F.O.P(3) l’objet de cette mission étant de trouver le moyen de faire payer une redevance sur la semence de ferme. La mise en place de cette taxe qui s’appuie sur le règlement européen des obtentions végétales est engagée dans plusieurs pays d’Europe où elle rencontre la réprobation des agriculteurs qui se mobilisent contre.

Ensemble nous demandons que soient supprimés du règlement européen :
- La taxation de la semence de ferme.
- La directive qui subordonne les primes P.A.C à l’utilisation des semences certifiées.

[...] Depuis la création de l’U.P.O.V. la pratique d’auto-reproduction des semences dans le champ de l’agriculteur est devenu (aux yeux des semenciers et du droit qu’ils ont fait mettre en place) une pratique illégale considérée comme contre façon .Tout cela s’est fait à l’insu des premiers concernés les agriculteurs et quand ils en ont eu connaissance les semenciers ont su leur dire que c’était le progrès pour leur bien … [...]

[...] Partant des déclarations des semenciers, ils savent que leur recherche va vers des technologies qui les rendent maîtres de la reproduction : hybrides, OGM, et brevetage des plantes. Les paysans européens à ce niveau partagent les mêmes craintes et revendications que les pays du sud (groupe des 77) qui exigent que la liberté de reproduction des plantes soit préservée et interdite leur brevetabilité. Les semences et plantes devant être considérées comme patrimoine de l’humanité. [...] "


Petite histoire des batailles du droit d'auteur

Interview de Anne Latournerie par powow.net , 2001

" [...] La question de la propriété intellectuelle et de ses enjeux pose toute une série d'interrogations connexes qui participent aussi de la réflexion sur les droits d'auteur : les problèmes liés à la liberté d'expression et à la censure, à la responsabilité des auteurs, au statut social des auteurs et à leur place dans la société, au régime d'autorité, à l'organisation et au fonctionnement d'un marché.[...]

[...] Dans l'Antiquité, le droit d'auteur ne protégeait que l'élément de création ou de production, même si un droit moral de paternité était reconnu. Ainsi le plagiat était déjà considéré comme une action déshonorante. [...] Le principe de diffusion n'apparut que beaucoup plus tard, avec l'invention de l'imprimerie. Du fait des récents moyens de production et de diffusion à grande échelle, le livre acquiert une valeur économique. Une nouvelle catégorie professionnelle apparaît, celle des imprimeurs-libraires. Elle s'organise en corporations et en guildes puissantes. La nature de l'activité nouvelle d'édition suppose des moyens financiers importants et rend d'autant plus redoutables et préjudiciables les risques de concurrence et la rivalité entre les imprimeurs. Il devient essentiel de bénéficier d'un monopole exclusif pour l'exploitation des ouvrages édités. Ainsi, apparaît la pratique des privilèges d¹édition, garantissant un véritable monopole d'exploitation aux imprimeurs-libraires. L'auteur dans un premier temps bénéficie donc de cette protection indirecte par le biais des imprimeurs, qui vont peu à peu pouvoir les rémunérer.

[...] Deux idées essentielles, qui marqueront pendant longtemps toute l'histoire française du droit d'auteur, se dégagent de ces deux textes révolutionnaires :
­ Un droit exclusif est conféré aux auteurs parce que leur propriété est la « plus sacrée, la plus personnelle de toutes les propriétés », puisqu'elle procède du fruit de la pensée, de la création intellectuelle.
­ Ce droit est temporaire (l'auteur en jouira pendant sa vie, puis ses héritiers pendant cinq ou dix ans après sa mort), parce que l'intérêt public exige aussi, au nom de la diffusion des oeuvres, que le monopole ne soit pas éternel, et que l'oeuvre puisse rentrer dans le domaine public. [...]"

Powow - Texte - Archive 155

Le cyber-communisme
Ou le dépassement du capitalisme dans le Cyberespace

Richard Barbrook, Multitudes n° 5, 1999

" [...] Dans un marché entièrement libre, les éditeurs auraient intérêt à plagier les écrits existants, plutôt que de débourser de l’argent pour en obtenir de nouveaux. Les premières nations capitalistes inventèrent très tôt un palliatif à ce problème économique : le copyright. Tout le monde pouvait acheter des produits culturels, mais le droit de les reproduire était réglementé par la loi. Ainsi, le labeur intellectuel, comme tout autre travail, put-il lui aussi être l’objet d’une parcellisation.

Prévoyant cette obsession, certains pionniers essayèrent bien d’inclure une telle protection du copyright dans les TCI. Le projet Xanadu de Ted Nelson, par exemple, comprenait un système sophistiqué de traçage et de micro payement afin de protéger la propriété intellectuelle. Son logiciel permettait à différents individus de travailler ensemble tout en négociant entre eux des éléments d’information. Mais malgré l’excellence de sa technique, le projet Xanadu échoua pour des raisons tenant entièrement du domaine social. Loin d’encourager la participation, la protection du copyright s’avéra former un obstacle majeur à la collaboration en ligne. En effet, la grande majorité des utilisateurs a plus d’avantages à faire circuler l’information gratuitement qu’à s’adonner au commerce de commodités. Car en mettant gratuitement à disposition le fruit de leurs efforts, les internautes en reçoivent toujours encore plus d’autres utilisateurs. Face à l’abondance engendrée par le don, la rareté qui est inhérente au copyright ne fait tout simplement pas le poids. Loin d’accélérer la commodification tout azimut, le réseau prouve par la pratique le bon sens du vieux slogan hacker : l’information veut être libre.[...]

[...] Aujourd’hui, à l’heure du réseau, c’est sur le terrain même des avant-postes de la modernité que cette économie du don met la compétition marchande au défi. Car ce sont seulement ces nouvelles relations de production qui pourront réaliser pleinement le potentiel des forces de production avancées. Quand les dons numériques circulent librement, les multitudes peuvent prendre part à la « créativité interactive ». A mesure que l’information est reproduite indéfiniment, la quantité de travail collectif représentée par chaque exemplaire tend rapidement à tomber à presque zéro. Dans de telles conditions sociales et techniques, la circulation libre de l’information sous forme de don est non seulement plus plaisante, mais aussi plus efficace que l’échange marchand. Bien qu’ils apprécient les avantages du commerce électronique, les Américains se sont lancés avec enthousiasme dans une nouvelle forme de travail collectif: le cyber-communisme.[...]"


Des génériques à tout prix

Act Up-Paris, 2001

" [...] On le voit, la sacralisation de la propriété intellectuelle que les grands groupes technologiques ont imposé aux politiques du monde entier entraîne non seulement les PVD, mais aussi les pays riches, vers des paroxysmes d'horreur économique. La primauté de l'intérêt public ne doit plus être cantonnée aux introductions de discours et aux clauses d'exceptions inutilisables : elle doit redevenir le principe fondateur de la réflexion sur l'innovation, et cela de manière très concrète, dans la législation. Ainsi, le sida, à lui seul, rend aujourd'hui l'OMC caduque, hors propos, disqualifiée. Lorsque la refonte du droit international de la propriété intellectuelle dans le cadre de l'OMC aura lieu, et selon un principe opérationnel de primauté de l'intérêt public, il conviendra bien de rappeler aux législateurs de tous pays au moins un fait fondamental des aspects mondiaux de cette question : la propriété intellectuelle (et donc les brevets) n'est entre les mains que des seuls pays développés. [...]

[...] Mais en attendant cette refonte totale de la propriété intellectuelle, les Etats du Sud n'ont qu'une option tenable, face aux enjeux de développement, et de manière plus cruciale encore, face aux crises sanitaires : l'abolition, pure et simple, de la propriété intellectuelle pour pouvoir produire massivement des génériques, sans entrave. L'année dernière, nous réclamions l'utilisation des "brèches" dans les accords TRIPS. Aujourd'hui, parce que la pression de l'industrie pharmaceutique et l'immobilisme des Etats occidentaux rend impossible leur utilisation, nous exigeons tout simplement l'abolition de la propriété intellectuelle. Nous avons fait le choix de sauver des vies."


Le magma contradictoire de la musique en réseau

Alessandro Ludovico, Traduction de l'italien par Ludovic Prieur et Aris Papathéodorou, Multitudes n°5, Mai 2001

" [...] Ces initiatives revendiquent avec force ce qui est un droit d’accès aux savoirs et à l’expression artistique, et qui ne saurait être limité par les seules formes de libre marché, si l’on prend en considération qu’il s’agit d’un patrimoine de l’humanité entière. En Italie, les initiatives des hacklabs, associations de virtuoses de la programmation et de la connaissance du hardware avec une base solide de conscience critique ont élaboré d’intéressantes positions alternatives sur ces questions qui ont été particulièrement efficaces. Dans notre pays, tout produit issu de la créativité, de l’intellect, et distribué publiquement même gratuitement doit absolument se voire apposé un timbre de la SIAE (Société italienne des auteurs et des éditeurs). Le hacklab de Milan, le LOA, a lancé avec pragmatisme et détermination un mouvement de sensibilisation au travers, notamment, de manifestations publiques qui, sur le plan culturel, allaient à l’encontre de cette pratique monopolistique qui, dans les faits, ne profite qu’aux auteurs les plus célèbres. Citons par exemple une de leurs initiatives où des milliers de timbres , « simili-SIAE » (appelés « UNSIAE ») ont été distribués publiquement afin, une fois apposés sur les CD, de ridiculiser cette pratique de timbrage, avec un slogan affirmant ouvertement ne prétendre à aucun droit d’auteur sur l’oeuvre présente. [...]

[...] Le personnage même du DJ [...] compose son intervention littéraire/musicale au travers des bases (le vinyle) et les intersections des rythmes, utilisées à la place des accents et des intonations. Dès lors, comment est-il possible pour les gérants de clubs d’établir une liste pour les percepteurs du droit d’auteur alors même que les DJ utilisent toujours plus des disques sur lesquels n’existent aucune indication d’auteur ou de titre du morceau, pour ne pas parler de l’absence d’étiquette (les fameux « White label »)? [...]

[...] Les priorités sont nombreuses dans la nouvelle sphère de production et de consommation musicale. Avant tout, il s’agit de la défense des espaces de communication libre et de libre-échange de matériaux musical à but non-lucratif, qui maintienne à distance respectable du domaine privé les deux gros lobby. Qu’il s’agisse de celui de l’industrie discographique, qui devrait se contenter de produire et de proposer, et non pas à enquêter sur les échanges interpersonnels en utilisant l’alibi de la défense du droit d’auteur. Ou encore celui de l’édition qui ne doit pas limiter la publication organisée de matériels sur le réseau par ses règles protectionnistes obsolètes, comme cette impossible nécessité de disposer de journalistes professionnels pour donner légitimité à une publication électronique (référence à un actuel projet de loi italien qui veut imposer la présence d’un journaliste membre de l’Ordre des journalistes pour avoir le droit de publier sur le web. NdT). [...]"


Sur la valeur juridique de la Licence publique générale de GNU

Mélanie Clément-fontaine, Multitudes n°5, Mai 2001

" [...] Selon les termes d'Eben Moglen, l'objet de la GNU GPL "est de rendre le logiciel libre en créant un fonds commun auquel chacun peut ajouter, mais duquel personne ne peut retrancher". Ainsi non seulement, elle autorise quiconque à copier, modifier, diffuser le logiciel et garantit l'accès du code source, mais elle définit également les conditions de distribution afin d'empêcher que le logiciel GNU soit transformé en logiciel propriétaire.[...]

[...] Enfin, il semble douteux que l'on puisse interpréter la GPL comme une cession des droits de propriété intellectuelle par l'auteur : non seulement la cession, selon le Code de la propriété intellectuelle, ne se présume pas, mais de plus, l'objet et les dispositions de la licence supposent que l'auteur entend exercer lui-même ses droits et non les céder. En effet, l'auteur doit pouvoir contrôler l'utilisation du logiciel afin d'empêcher quiconque d'entraver sa libre évolution. [...]"

Multitudes - Texte - Archive 159 (non disponible)

Un espace de déconstruction et construction
L’expérience du Loa Hacklab de Milan

Entretien avec Blicero, par Ludovic Prieur et Aris Papathéodorou, Multitudes n°5, mai 2001

" [...] Nous avons construit une salle de cours avec des PC i486 et des écrans récupérés dans les « rebuts » des banques et autres bureaux. Nous avons seize postes de travail qui offrent tout ce qui est nécessaire pour suivre les cours et mettre les mains sur les machines. Nous nous sommes ingéniés et nous avons réussi a créer un espace didactique qui n’a rien à envier aux cours commerciaux d’informatique qui fleurissent actuellement de toutes parts, grâce a du matériel de récupération, un peu de réflexion et notre volonté de démontrer que la fuite en avant vers une technologie toujours plus sophistiquée et dernier cri est purement et simplement un réflexe du processus capitaliste; ce dernier nécessitant la création constante de marchés pour survivre. [...]

[...] Changer la réalité passe aussi au travers du partage des instruments pour la changer et, dans l’univers informatico-télématique, c’est très exactement ce que nous cherchons à faire. Ce n’est pas un hasard si les concepts de « propriété privée » et de «limitation de liberté de circulation » des savoirs, mais aussi des biens et des personnes, sont des éléments sur lequel se fonde le capitalisme tardif. [...] Comme on peut le voir en matière de biotechnologies, un savoir clos, avec des coûts de production mais aussi d’accessibilité élevés, fait le jeu de ceux qui veulent la globalisation pour augmenter encore plus leurs propres profits et leur propre pouvoir. Le partage horizontal est une pratique « rebelle » à partir même de ses origines lesquelles sont diamétralement opposées aux origines du capital. [...]

[...] De même, il est clair que la perspective finale où tout serait copylefté soit plus que souhaitable mais il est vrai aussi que la bataille pour forcer les temps et les grands intérêts relatifs à la réalisation d’un libre partage des savoirs passe au travers de l’abolition des lois sur le copyright et de la soustraction volontaire aux lois que l’on ne partage pas et que l’on veut éliminer.

D’où la devise « no-Copyright ». Il est certain que penser à un monde futur dans lequel l’esprit de communauté rende inutile le concept même de copyright soit un belle référence pour rêver, mais il n’en reste pas moins vrai que notre tendance pragmatique nous fait choisir de faire l’effort auparavant sur les passages plus praticables, pour par la suite faire le forcing au-delà. Avec des temps et avec des modalités différents : la première phase, on se bat pour quelque chose qui change les mécanismes ne dépendant pas des relations et des personnes mais qui est effectivement compatible avec les mécanismes marchands actuellement prédominants; la seconde phase, est un pari beaucoup plus gros mais pour lequel on combat tous les jours, aussi bien avec des mots qu’avec des actes concrets : chercher à transformer la logique de domination en logique de communauté, le libre marché en libre partage, l’aliénation en participation, le fait de déléguer en fait d’agir. Nous n’en sommes vraiment qu’au tout début, mais nous vivons projetés dans le futur..."

Page 10
Attention, ces citations sont destinées à illustrer les thématiques de ce site, et donc parfois peu représentatives de la pensée des auteurs.